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Les plantes nous parlent
Bien entendu, il n’est question ici ni de mots ni de sons, mais d’un langage des formes à interpréter. Cette approche qui fut sans doute commune à tous les peuples ancestraux est à la source des connaissances thérapeutiques des végétaux. Que l’on visite les traditions grecques, perses, védiques ou égyptiennes, l’histoire des savoirs s’élabore autour d’une observation sensible et intuitive de la nature. C’est encore le cas chez certaines tribus indigènes d’Amazonie, d’Éthiopie ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée chez lesquelles le corps de la plante fait sens. Sa couleur, sa texture, son parfum, son habitat, son mode de vie, son architecture, sont interprétés comme les manifestations extérieures de principes intérieurs à la plante, autrement dit, son essence.
Cette lecture du végétal s’est maintenue tant bien que mal, au sein des sociétés traditionnelles vivant en communion intime avec la nature ; mais pour combien de temps encore ? Chez elles, toutes les formes de vie sont issues d’un même et unique principe. Hommes, plantes et animaux sont donc reliés entre eux à travers tout un jeu d’interactions, au sein duquel rien ne peut exister seul et chacun se fait l’écho de cette grande fraternité à travers de mystérieux mais intelligibles blasons, les « signatures ».
Le visible pour accéder à l’invisible
À l’aube des premiers âges, loin de l’Amérique du Sud et de la Papouasie, les sociétés d’Occident exploraient, elles aussi, le pouvoir guérisseur des plantes par l’observation des signes. Les rishis, ces grands sages inspirés, fondateurs des textes védiques et de l’illustre médecine ayurvédique, enseignaient que chaque expression de vie, de la plus humble à la plus noble, est dépositaire d’un éclat de la conscience du monde. Le divin « estampillant » toujours ses créations, chaque plante est ainsi le reflet du principe intérieur qui l’anime et se manifeste par un « signe » destiné à être compris. Bien que nous sachions peu de choses des anciens savoirs gaulois, les auteurs grecs ont témoigné du talent visionnaire de leurs druides et de leur faculté à interpréter les symboles inscrits au cœur des arbres et à la surface des herbes. Plus tard, les alchimistes du Moyen-Âge continueront à développer la loi des signatures à travers la pensée des correspondances analogiques, idée chère à Paracelse.
La « théorie des signatures »
Paracelse – de son vrai nom Theophrast Bombast Hohenheim – voit le jour en Suisse en 1493, à l’aube de la Renaissance. Excellent botaniste et médecin talentueux, il s’adonne également à l’alchimie avec quelques occultistes de renom. Doté d’un caractère bien trempé et d’un anticonformisme affirmé, il n’aura de cesse de bousculer les enseignements poussiéreux des Académies de médecine. Le célèbre médecin est une personnalité hors du commun chez qui l’esprit d’analyse fait corps avec une conception spirituelle de la vie. Selon lui, c’est à la lumière de la nature que se révèlent les lois de l’invisible ; ainsi, pour chaque maladie, le créateur aurait confié un remède au végétal sous une forme cachée, codée : les signatures.
Ces signatures reposent sur des rapports analogiques qui traduisent les liens existants entre macrocosme et microcosme, l’Univers et l’homme. En accord avec la pensée alchimiste d’Hermès Trismégiste et sa fameuse Table d’émeraude – « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » –, Paracelse considère que toute manifestation végétale possède sa contrepartie subtile sur un autre plan. En accord avec les lois de la similitude, si la plante reflète extérieurement un organe du corps humain, cela doit signifier qu’elle possède intérieurement les propriétés qui conviennent à son soin. De même, si le végétal évoque une pathologie, il doit convenir à sa guérison. « Tout ce que la nature crée, elle le forme à l’image de la vertu qu’elle entend y attacher. » Ainsi, s’exprimait l’étonnant médecin…
La pensée analogique en pratique
Loin d’être une simple méthode mnémotechnique, cette approche est une philosophie de la nature et un mode d’apprentissage de ses principes thérapeutiques. La langue vernaculaire a gardé en mémoire des bribes de ces savoirs anciens. Ainsi, dans ses promenades, l’homme peut croiser sur son chemin, les « alvéoles » de la pulmonaire (Pulmonaria officinalis) dessinées sur sa feuille et que le destin a désignée pour tonifier les muqueuses bronchiques; plus loin, les « vertèbres » de la prêle signalent son talent pour reminéraliser le squelette et consolider le tissu osseux.
Au début du printemps, il se devra de récolter les « hémorroïdes » de la ficaire (Ranunculus ficaria). Cette dernière tapisse les pelouses de fleurs étoilées d’un jaune éclatant. À la surface, nulle trace de ces fameuses « hémorroïdes », mais il suffit de déterrer un pied de cette petite renonculacée pour découvrir, médusé, de tout petits tubercules au niveau des racines qui ressemblent à s’y méprendre aux hémorroïdes. Dès le Moyen-Âge, il est d’usage d’en réaliser des baumes pour réduire les saignements et les douleurs que suscite cette pathologie. À la fin des années 1950, Yves Rocher lance sur le marché la formule revisitée ; sa crème contre les hémorroïdes obtient un énorme succès et lui ouvre les portes de la notoriété que l’on sait…
Signature ardente, c’est au moment où le soleil est en pleine gloire que le millepertuis (Hypericum perforatum) absorbe goulûment les vertus de l’astre solaire. Le limbe de ses feuilles offre au regard une multitude de petits trous, la feuille semble transpercée de mille rayons lumineux. Ces « trous » sont en réalité de petites glandes transparentes, véritables usines à transformer l’énergie solaire en substances huileuses, lesquelles feront merveille pour soigner les brûlures.
Et que dire d’une plante du désert comme l’aloes des Barbades (Aloe vera) ? Elle porte aussi la sublime signature de son habitat. Aride, brûlé par le soleil, le désert est un milieu sans eau où les formes de vie sont hyperadaptées. Ainsi, l’aloes présente des feuilles au limbe épais, cireux, apte à limiter l’évaporation de l’eau sous peine de mourir. Afin d’assurer la fonctionnalité de son métabolisme qui nécessite un apport aqueux, l’ingénieuse plante a élaboré au cœur de ses feuilles un gel abondant qui fixe en permanence l’eau dans ses tissus. Ce mucilage lui permet de lutter contre la déshydratation et de cicatriser rapidement à la moindre lésion. Dans sa sagesse, l’homme a toujours utilisé ce gel pour soigner toutes les formes d’inflammations de la peau et réhydrater ses tissus cutanés en cas de brûlure profonde. Ce ne sont là que quelques exemples… La loi des signatures, loin de traduire la suprématie de l’homme sur la nature, témoigne au contraire de leur collaboration, de leur parenté. De tous ces signes, Aristote disait qu’ils étaient destinés à être compris de l’humanité même si, parfois, ils semblent bien mystérieux à l’homme du XXIe siècle…
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