comment intox et boules puantes polluent le scrutin

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Il y a deux campagnes parallèles en vue des élections européennes du 26 mai. La première est tout ce qu’il y a de plus officielle : elle oppose 34 listes de 79 candidats qui défendent leur projet pour le continent. Elle est faite de réunions publiques, de débats télévisés ou encore d’affiches et de tracts. Elle prendra fin vendredi 24 mai, laissant une courte période de trêve aux électeurs pour faire leur choix.

Mais il y a aussi une seconde bataille, plus difficile à saisir. Dans cette autre campagne, ce ne sont plus seulement des mouvements politiques et leurs soutiens qui s’affrontent. Ici, il n’est plus question de porter un programme politique mais de démolir ses adversaires par un travail de sape quotidien. « Privilège » des femmes et des hommes au pouvoir, ce sont eux les principales cibles.

Fausses informations, vieilles polémiques, rumeurs…

Tout le problème que pose ce phénomène est qu’il peut sembler bien loin des enjeux européens et du débat politique tout court. Ce sont par exemple des messages affirmant qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe auraient été « écroulés de rire devant Notre-Dame » de Paris après l’incendie de la cathédrale, sur la base d’images sorties de leur contexte.

De nombreux internautes ont partagé des images d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe prétendument « écroulés de rire » en arrivant à Notre-Dame de Paris, sur la base d’images détournées de leur contexte.
De nombreux internautes ont partagé des images d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe prétendument « écroulés de rire » en arrivant à Notre-Dame de Paris, sur la base d’images détournées de leur contexte. Facebook.com

Ce sont aussi des publications qui affirment à tort qu’un dirigeant du Stade rennais aurait « mis un vent » au chef de l’Etat lors de la remise de la Coupe de France de football. Ou encore une rumeur qui fait croire que la mère d’un des soldats tués au Burkina Faso début mai aurait repoussé la main d’Emmanuel Macron lors de la cérémonie d’hommage aux Invalides – elle était en fait souffrante à cause d’une épaule fracturée, comme le précisera son époux.

Le phénomène est loin de se limiter aux fausses informations au sens strict du terme, jouant avec la zone grise entre le « vrai » et le « faux ». On y trouve par exemple de vraies informations sorties de leur contexte. Ainsi de la proposition de Bruno Le Maire de contrôler les comptes bancaires des bénéficiaires du RSA. Il en parlait pendant la primaire de la droite en 2016 ; sa proposition est désormais mise en avant comme un repoussoir en pleine campagne pour les européennes, quand bien même le gouvernement auquel il participe aujourd’hui ne l’a jamais reprise à son compte.

De la même manière, on ravive d’anciennes polémiques, comme celle sur les écrits et propos anciens de Daniel Cohn-Bendit sur la pédophilie. Qu’importe si l’homme politique n’est pas candidat au scrutin du 26 mai : puisqu’il soutient le gouvernement, les critiques à son encontre éclaboussent aussi la candidature de Nathalie Loiseau.

Dans le lot, on trouve encore des rumeurs de caniveau comme celles qui évoquaient, en 2017, une prétendue relation amoureuse entre Emmanuel Macron et le patron de Radio France, Mathieu Gallet. Et bien d’autres commentaires, insinuations et photomontages souvent insultants ou homophobes.

Capture d’écran d’un photomontage aux relents homophobes diffusé sur Facebook.
Capture d’écran d’un photomontage aux relents homophobes diffusé sur Facebook. Facebook.com / Anonymous France

L’émotion plus que la raison

On aurait tort de prendre ces boules puantes à la légère. Elles touchent en effet un public considérable – en témoignent les dizaines de milliers de partages et de réactions qu’elles génèrent sur les réseaux sociaux. Loin de l’idéal du citoyen électeur éclairé et raisonné, cette campagne souterraine joue d’abord sur les émotions des internautes. Sans vraiment chercher à convaincre, elle vise surtout à galvaniser une partie de l’électorat en le dressant contre un « ennemi » ou à pousser vers l’abstention des indécis.

Emmanuel Macron est une cible de choix pour ce procédé, et les intox à son encontre fonctionnent d’autant mieux qu’elles font écho à de nombreuses critiques sur la politique qu’il mène. Par exemple, celles sur l’« arrogance » du chef de l’Etat visent en bonne partie des comportements bien réels de l’intéressé. Mais le procès vire à la démolition lorsqu’il s’effectue uniquement à charge et utilise tous les coups bas. A l’arrivée, il fige jour après jour le portrait exacerbé d’un quadragénaire à la fois autoritaire, insensible et à la botte des puissants, tout en étant aussi fourbe, lâche et faible.

Le sort réservé actuellement à Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux rappelle en ce sens le traitement infligé à Hillary Clinton pendant la présidentielle américaine ou l’entreprise de démolition d’une partie de la droite contre Alain Juppé, caricaturé en « Ali Juppé » pendant la primaire à droite de 2016.

Bien sûr, le président n’est pas le seul homme politique à être ciblé par cette campagne souterraine et son propre camp y prend part. L’utilisation par l’Elysée d’un montage vidéo trompeur au cœur de l’été 2018 pour tenter d’excuser Alexandre Benalla en témoigne. De même, des internautes qui militent en ligne pour LRM se montrent parfois pour le moins virulents.

Reste qu’Emmanuel Macron est la principale victime de ce phénomène du fait de sa position – qui permet, à l’inverse, à sa majorité de jouir d’un statut privilégié dans la campagne officielle.

Des réseaux structurés pour les contenus les plus malveillants

L’autre raison de s’inquiéter de ce phénomène est qu’il n’est pas purement spontané. Des dizaines de pages et groupes Facebook ont été activés ces derniers mois pour nuire à l’image des adversaires politiques de leurs créateurs.

Beaucoup se situent à l’extrême droite, comme la page « Marine Le Pen 2022 », les groupes « Amis patriotes de Marine Le Pen » et « Sympathisants Debout la France ».

La vérification des faits atteint ses limites face à ces pratiques

D’autres profils sont plus ambivalents : ils se présentent comme « apolitiques », mais semblent pourtant cibler un camp plutôt qu’un autre. La page Facebook « Anonymous France » – qui n’a aucun lien avec le groupe informel de hackeurs – est à ce titre un cas d’école. Elle partage chaque jour un concentré de désinformation à ses 1,3 million d’abonnés. Elle relaie notamment de fausses citations, l’une attribuée à tort à la députée LRM Aurore Bergé, l’autre à Emmanuel Macron. A chaque fois, c’est la majorité qui est prise pour cible.

Emblématique de ce phénomène de campagne, une rumeur particulièrement outrancière portant sur des soirées « libertines » a ainsi voyagé sur des dizaines de groupes et pages (« Alter Info », « Gilets jaunes le Mouvement », « Amis patriotes de Marine Le Pen », « La France de Macron », « Wikistrike »…).

Toute l’ingéniosité de cette stratégie est qu’elle échappe aux radars des médias traditionnels. Même la vérification des faits se heurte ici à un mur puisqu’elle se fonde sur des faits établis que chacun peut vérifier à sa guise. Bien souvent, la campagne souterraine n’est pas tant dans le « faux » que dans des spéculations sans réelle valeur informative ou des allusions douteuses.

Ces phénomènes soulignent en creux les failles qui persistent dans la conception même des plates-formes comme Facebook et Google. Ces dernières offrent par leur nature une prime à l’émotion et au sensationnalisme dont bénéficient les insinuations les plus malveillantes. Les internautes et électeurs sont quant à eux mis face à leurs responsabilités : à l’heure de la guerre sale et des rumeurs à portée de clic, il leur appartient aussi de s’informer par leurs propres moyens.

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