Claudia Andujar, dans l’intimité des Brésiliens invisibles

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Claudia Andujar/Exhibition In the Place of the other/Instituto Moreira Salles Collection

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Sur les traces de Claudia Andujar (2/6). La photographe et militante brésilienne, célébrée en décembre prochain par la Fondation Cartier, à Paris, commence à sillonner le Brésil dès la fin des années 1950. Mais quand la dictature se met en place à Brasilia, en 1964, son travail commence déjà à prendre un tour plus politique

La fusca, nom donné au Brésil à la « coccinelle » de Volkswagen, a fini sa route en naviguant sur le Rio Negro, embarquée sur une coque de bois dans un équilibre précaire. Sur le bateau, à côté de son auto, après quelque 4 000 kilomètres et seize jours de voyage, Claudia Andujar observe la rive sans regret, laissant derrière elle le brutalisme de Sao Paulo, les plaines du Mato Grosso, les ondulations du Rondonia, la moiteur de Manaus… La voici lancée dans le « vol de Watupari », le vol des vautours, nom donné par les indigènes yanomami aux esprits qui doivent empêcher le ciel de chuter du fait des outrages de l’homme. Le surnom, aussi, que les Indiens ont donné à la voiture noire de cette femme déterminée, à l’issue de ce périple, à épouser la vie sauvage des villages indigènes, loin des turpitudes urbaines, du matérialisme et de la superficialité des gens dits civilisés.

En 1964, la photographe a suivi pendant deux semaines la vie quotidienne dans le village de Diamantina (Minas Gerais).
En 1964, la photographe a suivi pendant deux semaines la vie quotidienne dans le village de Diamantina (Minas Gerais). Claudia Andujar/Exhibition In the Place of the other/Instituto Moreira Salles Collection

Nous sommes en 1976. La photographe suisse naturalisée brésilienne a déjà une renommée internationale avec son travail sur les Yanomami, dont elle a fait vivre les rites et mis en image les âmes. Mais Claudia Andujar préfère tout quitter pour vivre avec ceux qu’elle entend sauver des projets dévastateurs du régime militaire. Sa fusca doit faciliter ses trajets, et notamment les déplacements vers les hôpitaux, pour transporter les Indiens ravagés par les épidémies de rougeole. Un fléau amené par les Blancs chargés de la construction de la « perimetral norte », une autoroute transamazonienne qui transperce le « poumon du monde ».

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Ce projet pharaonique, mené au nom du « progrès », se transforme en tragédie. Ecœurée mais déterminée, la photographe quitte la mégapole pauliste et son mari, le photographe George Love, dont elle est sur le point de se séparer. Elle n’a pas de date de retour. N’y pense pas. Un an plus tard, les militaires l’obligeront à décamper, exaspérés par les velléités humanistes de l’« étrangère ». Mais Claudia Andujar n’abandonnera jamais ceux qu’elle considère comme sa famille.

Morceaux de vie

Rien n’importe plus aux yeux de Claudia que les Indiens. Alors, quarante ans plus tard, en 2016, quand Thyago Nogueira, conservateur de l’Institut Moreira Salles (IMS), à Sao Paulo, l’un des musées les plus en vue du Brésil, lui suggère d’exhumer les milliers de clichés de ses débuts, bien avant sa rencontre avec les Yanomami, l’idée lui parait saugrenue. C’est si loin… Durant ses premiers pas de photographe, il n’est nulle part question des indigènes, de leur innocence et du drame qu’ils devront affronter. Imaginer exposer ce travail ? Elle balaye l’idée d’un revers de la main. Ces négatifs ne sont « rien », lâche-t-elle, évoquant un « travail commercial ». Ce qui est important, ce sont les Yanomami. Rien d’autre.

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