« Capital et Idéologie », le dernier ouvrage de Thomas Piketty censuré en Chine

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L’économiste Thomas Piketty à Cannes, en mai 2016.

Xi Jinping – on l’a appris récemment – avait apprécié le précédent ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013). Dans un article publié en août par Qiushi, le bimensuel du comité central du Parti communiste chinois, on découvre que le secrétaire général du parti avait, en 2015, indiqué, devant le bureau politique, que l’augmentation des inégalités en Occident démontrée par l’économiste français prouvait la supériorité du « socialisme aux caractéristiques chinoises ». Ce livre a, depuis, été traduit en chinois et se trouve dans les librairies.

Il n’en sera pas de même du suivant : Capital et Idéologie, publié en 2019 au Seuil. L’éditeur Citic a demandé à Thomas Piketty d’en couper vingt-quatre passages. L’économiste a refusé et exigé que l’ouvrage paraisse dans son intégralité. L’essai ne sera donc publié ni chez cet éditeur, filiale d’un fonds d’investissement public chinois, ni chez aucun autre, tant il paraît évident qu’aucun n’obtiendra l’autorisation du parti pour publier le livre en intégralité.

« Evolution kleptocratique à la russe »

Certes, la Chine n’occupe que 35 pages sur 1 198, mais l’auteur n’y ménage pas ses critiques. Extraits : « Le fait que le postcommunisme (dans sa variante russe comme dans sa version chinoise, ainsi dans une certaine mesure que dans sa variante est-européenne, en dépit de tout ce qui différentie ces trois trajectoires) soit devenu en ce début de XXIe siècle le meilleur allié de l’hypercapitalisme est la conséquence directe des désastres communistes staliniens et maoïstes, et de l’abandon de toute ambition égalitaire et internationaliste qui en a découlé » (page 22). « A la fin des années 2010, si l’on en juge par la part du revenu national allant aux 10 % du haut et aux 50 % du bas, la Chine est à peine moins inégalitaire que les Etats-Unis, et elle l’est nettement plus que l’Europe, alors qu’elle était la plus égalitaire des trois régions-continents au début des années 1980 » (page 718). « On se retrouve en ce début de XXIe siècle dans une situation éminemment paradoxale : un milliardaire asiatique qui souhaiterait pouvoir transmettre sa fortune sans aucun impôt aurait intérêt à venir s’établir en Chine communiste » (page 723).

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Et, enfin, cette conclusion sans appel : « On peut sérieusement douter que l’on puisse efficacement réguler les inégalités dans un pays de 1,3 milliard d’habitants simplement en ayant recours à des dénonciations et à des emprisonnements, tout cela sans aucune forme d’enregistrement et d’imposition systématique des patrimoines et des successions, et en empêchant les journalistes, les citoyens et les syndicats de développer une capacité autonome d’investigation et de participation, voire en mettant en détention ceux qui s’intéresseraient de trop près aux fortunes accumulées par les proches du pouvoir. Rien ne garantit que le régime chinois parvienne à éviter une évolution kleptocratique à la russe » (page 726).

Thomas Piketty regrette dans un échange par e-mail avec Le Monde que le régime chinois « se dérobe au dialogue et à la critique ». Le contraire eut été pour le moins surprenant. Capital et idéologie va cependant être traduit en chinois traditionnel à Taïwan et devrait également être publié à Hongkong.

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