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Le Royaume-Uni perçoit-il à ce jour un loyer ou autres bénéfices en louant Diego Garcia à bail aux Américains ? Cette question se pose en prenant en compte la position du gouvernement mauricien par rapport à la base militaire américaine, qui se trouve sur la plus grande île des Chagos.
Après sir Anerood Jugnauth, le Premier ministre Pravind Jugnauth est venu réitérer que le gouvernement, dans son combat pour la souveraineté des Chagos, «ne demande pas le démantèlement de la base militaire américaine» qui s’y trouve. C’était en conférence de presse à son bureau, le 25 février, à l’issue de l’avis consultatif favorable à Maurice de la Cour internationale de justice (CIJ). Et aussi lors d’un entretien que le Premier ministre a accordé à la BBC, comme diffusé durant le journal télévisé de 19h30 de la Mauritius Broadcasting Corporation, le lendemain. Une question demeure, cependant : les Américains paient-ils un loyer aux Britanniques, par rapport à la base militaire se trouvant sur Diego Garcia ?
Comme l’a fait ressortir Philippe Sands, Queen Counsel et principal homme de loi de Maurice sur le dossier Chagos, dans une entrevue à l’express le 28 février, l’affirmation premierministérielle n’est surtout que le reflet de la position de Maurice telle qu’énoncée devant la CIJ. En l’occurrence, que la base peut fonctionner «conformément au droit international».
Nous avons à cet effet interrogé David Vine, anthropologue universitaire à Washington D.C. et auteur de Base Nation: How U.S. Military Bases Abroad Harm America and the World et Island of Shame: The Secret History of the U.S. Military Base on Diego Garcia, entre autres. Pour commencer, David Vine rappelle que selon des documents disponibles et d’autres informations, les États-Unis ont transféré 14 millions de dollars au gouvernement britannique à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ce, en éliminant une dette due pour le développement du système de missiles Polaris.
«À ma connaissance ou à la connaissance de qui que ce soit d’autre, aucun autre loyer n’a été payé depuis», soutient l’anthropologue américain. Toutefois, notre interlocuteur poursuit que, «compte tenu du secret qui a entouré la base et son développement, il est possible que les États-Unis aient payé des loyers supplémentaires, soit directement via des fonds transférés, soit indirectement sous forme de paiements ‘en nature’, comme l’accès aux et l’utilisation des installations sur Diego Garcia, le transfert d’armes ou d’autres matériels militaires, ou même sous forme d’avantages économiques ou politiques, en contrepartie du renouvellement du contrat de location en 2016 ou pour le prolongement du bail».
Par ailleurs, David Vine croit savoir que le gouvernement britannique est intéressé par le maintien de la souveraineté parce que, d’abord, «le gouvernement américain fait probablement pression sur lui pour qu’il n’y renonce pas et que le Royaume-Uni veut garder son plus proche allié heureux». Ensuite, que «le Royaume-Uni veut maintenir sa mainmise sur l’archipel pour d’autres raisons économiques, sous forme de minéraux, pétrole ou autres ressources naturelles qui pourraient y être découvertes à l’avenir».
À noter que deux partis politiques, Lalit ainsi que Rezistans ek Alternativ, se sont exprimés contre la position du gouvernement pour le maintien de la base militaire. Le premier, dans un communiqué, milite pour le respect du Traité de Pelindaba, dont Maurice est signataire et qui institue une zone débarrassée d’armes nucléaires en Afrique.
Lalit demande au pouvoir de «se méfier de sa stratégie d’essayer de se faire de l’argent en louant Diego Garcia aux États-Unis, au lieu de réclamer le démantèlement de la base militaire». De son côté, Rezistans ek Alternativ réclame un référendum national sur la question.
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