Aurélie Eléonore: la ‘ ti pima’ de Ti marmit

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La comptine locale qui a le plus marqué les esprits est sans conteste Ti marmit du groupe ABAIM, extrait de l’album 16 Ti Morso Nu Lanfans, mettant en avant la pétillante Aurélie qui «conne pik sega». Depuis, la gamine a mué en belle jeune femme. Son côtoiement avec ABAIM l’a enrichie et développé sa fibre sociale. Aujourd’hui, ce sont les bénéficiaires de Lovebrige qui en profitent.

Depuis octobre dernier, Aurélie dont le nom de famille est Eléonore, 26 ans, agit comme Field Worker auprès de l’organisation non gouvernementale Lovebridge et encadre 11 familles vivant sur les Plaines Wilhems qui sont enregistrées auprès de cette organisation. «Je suis sur le terrain, à l’écoute des personnes enregistrées. Je les aide dans leurs démarches administratives, que ce soit pour la Central Water Authority, le Housing, la scolarité, la santé, l’alimentation, l’éducation. C’est très vaste» 

A l’écouter, on sent qu’elle y est totalement dans son élément. Parmi les projets sur lesquels elle a planchés et qui l’ont le plus marquée, il y a les cours de rattrapage en anglais qu’elle a donnés en l’espace d’un mois à une adolescente de 14 ans. «J’ai eu un mois pour rehausser le niveau d’anglais de cette fille afin qu’elle prenne part à l’examen national et essayer de palier là où l’école a failli. Nous avons fait un travail acharné, j’ai refait la base avec elle, lui montrant à développer une certaine logique. Au final, elle a pris part à l’examen national et a réussi en anglais, obtenant bien plus que le pass-mark de 50 %.»  

Lorsque Aurélie regarde dans le rétroviseur de sa vie, elle s’estime chanceuse car vu ses réalités familiales et sociales, elle réalise qu’elle aurait pu, comme certains enfants de la cité où elle vit, mal tourner.  «Dans ma région, il y a des filles qui ont été piégées par des grossesses précoces ou qui ont fait de mauvais choix. Il y en a aussi d’autres qui ont fait de bons choix, heureusement. Me mo pa kone kot mo ti pou tombe parski mo ena enn latet à moi, enn caractère à moi». 

Aurélie est la cadette de deux enfants. Son frère Eric est de quatre ans son aîné. Leur père Elvis était marin, travaillant d’abord pour des bateaux de pêche puis pour des navires cargo.  Vu son travail, il était absent dix mois sur 12. Il n’était d’ailleurs pas à Maurice pour la naissance de notre interlocutrice. «Ma mère Marie-Ange, mon frère et moi avons beaucoup souffert de ses absences. Nous vivions au gré de ses départs et de ses arrivées en surprise.» Leur mère les tient d’une poigne de fer. «La chance que nous avons eue est que papa et maman nous préparaient avant chaque départ de papa. Ma mère a été une femme au foyer à plein temps. C’est une femme kinn tini droit. Li pa finn vacillé. Li ti kapav travay me linn prefer full-time housewife parski li ti kone lancadrement important, sirtou kot nou reste. Ena boukou fléaux dans nou landroi.»

Aurélie démarre sa scolarité à l’école Colonel Maingard mais n’y reste que deux semaines car un incident – un élève plante son crayon dans le dos d’un autre – incite sa mère à lui trouver une autre école. La tante d’Aurélie travaillant à Notre-Dames de Lourdes, elle réussit à y faire admettre sa nièce. En parallèle, la mère d’Aurélie fait ses enfants prendre part aux activités d’un mouvement d’église puis à celles du groupe ABAIM dont le siège est à deux minutes de chez eux.

Pour Aurélie qui n’a à l’époque que six-sept ans, c’est la découverte. Tous les samedis, de 13 à 16 heures, elle rejoint une cinquantaine d’enfants encadrés par Marousia Bouvery et Alain Muneean, responsables du groupe ABAIM. Ils commencent par éplucher les journaux, écouter les bulletins d’information à la radio et discuter de l’actualité, chaque enfant étant encouragé à dire ce qui l’a interpellé dans ces informations. Après quoi, ils passent aux activités d’éveil à l’enfance avec notamment les jeux et les comptines locales dont Ti marmit. «Quand tu chantes, tu es appelée à écrire et tu développes ton écriture. Lorsque Marousia et Alain nous ont vu jouer et chanter que leur est venu l’idée de l’album 16 Ti Morso Nu Lanfans », raconte-t-elle. Et comme elle est «tro ti piment. Ek moi pena pou siplie. Je suis partante tout le temps», c’est elle qui est choisie pour être au milieu de la ronde. D’où la fameuse phrase de la strophe Aurelie kone pik sega. 

L’album sorti en cassette fait un tabac et tous les protagonistes engagés sont très médiatisés. Avec recul, Aurélie explique tout ce que la préparation de l’album et ses retombées lui ont apporté. «En sus de nous faire connaître, nous avons sillonné Maurice pour nous produire et cela m’a permis de connaître la géographie de l’île. Nous avons aussi voyagé et découvert Rodrigues, les Seychelles. Nous avons rencontré d’autres nationalités car ABAIM a accueilli des stagiaires d’Allemagne et de France et nous avons eu des échanges enrichissants.» Aurélie ajoute qu’en développant des thématiques de chants par l’écrit du kréol, Alain Munean leur a appris l’anglais. «C’est grâce à ça que j’ai réussi mon examen d’anglais avec un très joli credit», affirme-t-elle. 

Aurélie se joint au groupe ABAIM le samedi mais aussi le dimanche lorsque la direction ouvre une branche au Morne. Elle finit par devenir animatrice puis coordonnatrice de projets au sein du groupe. Elle encadre les enfants du Morne avec qui les échanges sont mutuels. «Ce sont des enfants qui vivent près de la nature, de la mer et ils sont généreux. Ils apportent toujours une petite gâterie, du coco, des patates. Zot ena enn lot leker ». Elle participe à l’album qu’ABAIM enregistre avec les enfants du Morne. «J’ai tellement reçu d’ABAIM. Mon côtoiement avec les dirigeants m’a épanouie et a développé mon amour pour le social. ABAIM c’est une école de la vie.» 

A l’issue de sa Form VI qu’elle réussit, Aurélie veut être journaliste et être admise à l’université de Technologie de Maurice. Mais comme les rouages de la société l’intéressent aussi, elle entame des cours menant à un diplôme en sciences sociales avec spécialisation en criminologie qu’elle ne complète pourtant pas. A la place, elle est admise à l’université de Maurice où elle étudie et obtient un Bachelor of Arts en français, avec spécialisation en linguistiques sociales. 

A l’issue de ses études, elle s’essaie à des emplois de bureau – stagiaire en ressources humaines dans une usine textile connue, Administrative officer dans une compagnie d’assurance, responsable de l’administration et de la correction des contenus pour une société informatique, enseignante à des enfants de dix à 18 ans, employée en freelance dans un institut de sondage – Aurélie ne peut se voir confinée entre les quatre murs d’une structure. «Je me sens étouffer. J’ai besoin de voir des gens, de voir le soleil ou la pluie à partir de la fenêtre, entendre les gens rire, parler parfois. J’ai l’impression que mon esprit ne se développe pas dans des structures trop carrées et des cadres glaciaux.» 

Aurélie part trois fois pour l’étranger. Elle fait un tour de l’Europe une première fois et la seconde fois, elle passe sept mois en France, son temps étant réparti entre un cours de gestion qu’elle suit et de l’encadrement social pour la Croix Rouge et l’Aide à l’Enfance. Elle finit par ressentir le mal du pays. «J’ai réalisé que je suis une die-hard Mauritius. Ce patriotisme-là, c’est ABAIM qui l’a développé. Peu import ki kapav arive dan to pays, to pays se kouma to lekor ça. Li pa kit toi» Bien qu’elle ne soit plus aussi engagée auprès d’ABAIM alors qu’elle a été jusqu’à faire partie du comité exécutif, elle est toujours membre de ce groupe. «ABAIM inn gaign enn mari l’influence lor mo manier pense, lor mo lavi sociale. Mo leker li social.»

Son engagement auprès des ONG susmentionnées en France a confirmé sa vocation pour le social.  Elle a d’ailleurs prêté bénévolement sa voix à l’enregistrement du livre l’Alchimiste de Paulo Coelho dans le cadre du projet Jacques Cantin Talking Books pour le compte du centre Loïs Lagesse. «En tant que jeune, j’estime qu’il me faut laisser une trace sur cette terre. Même si je ne me démarque pas comme sportive, chanteuse, intellectuelle etc., j’ai acquis des connaissances et c’est mon devoir de les partager avec autrui. J’ai envie de me sentir utile, de donner un sens à ma vie et d’avoir une histoire à raconter un jour à mes enfants.» 

Elle recommande d’ailleurs aux jeunes d’en faire autant. «Sorti derier zot ordinater, zot Facebook, zot téléphone mobile, pas atase ar materiel. Riss bann zenn dan zot landroi ek encadre zot. Donn zot letan ek donn valer zot lavi… »


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Lexpress

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