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L’harmonie qui se dégage du lieu laisse imaginer qu’un pacte a été scellé là entre la nature et l’homme. Saisi par le calme et la fraîcheur du lieu, le visiteur se sent au cœur d’un écosystème harmonieux dès qu’il franchit la haie d’arbres qui ceinture le Centre international de développement agropastoral (Cidap), près du village de Baga, dans la région de Niamtougou, à 450 kilomètres au nord de Lomé.
Il y a 35 ans, la latérite, cette terre brune, fine comme une poussière, que l’on retrouve partout dans cette partie aride du nord du Togo était tellement stérile qu’on la disait hantée par des mauvais génies de la mort. « Maintenant, c’est un grenier qui nourrit des dizaines de villageois », se félicite Patrick Bayamna, formateur au Cidap et amoureux de ce lieu. « Il a fallu ressusciter la terre pour qu’elle nourrisse les plantes. Aujourd’hui, ce sont les plantes qui nourrissent les hommes qui, à leur tour, sèment des graines dans un cycle sans fin, commente-t-il, fier de cette réussite. La terre est comme une banque : on doit lui restituer ce qu’on lui a prélevé. »
Ce centre, qui est une ferme pédagogique de dix-sept hectares auxquels il faut ajouter les huit hectares de l’écovillage de Tanoun-Ténéga situé à quelques kilomètres, forme près de 800 personnes par an à l’agroécologie. On y afflue de tout le Togo, mais aussi du Burkina Faso et du Bénin, des pays limitrophes pour participer à la culture de céréales, d’ignames, de manioc, de piment, y découvrir aussi l’élevage de poules, de tilapias, de porcs… Ici, on ne s’arrête pas à la récolte. On apprend aussi à transformer les produits, tous biologiques, et à les cuisiner.
Les valeurs simples du travail de la terre
A l’heure où la pandémie liée au nouveau coronavirus pointe en fond les ravages de l’agriculture industrielle et des défrichements intempestifs, le Cidap fait la promotion d’une agriculture respectueuse de la nature et des circuits courts de distribution. « Le Covid-19 trouve son origine dans une surexploitation de la nature qui favorise la destruction des habitats, l’émergence et la propagation de virus, explique Nicolas Bricas, chercheur au Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad). La pandémie menace l’agriculture qui surexploite les sols depuis des années pour rester compétitive et assurer une alimentation à bas coût. »
A l’origine de ce modèle de culture, un couple, les Bawiena. Au début des années 1980, ils décident de se tourner vers les valeurs simples du travail de la terre et de mettre en place un système pour lutter contre l’exode rural très important dans cette région déshéritée. « Les jeunes partaient et les vieux mouraient », se souvient Séda Bawiena, juriste de formation et titulaire d’un doctorat en commerce international.
« La région tombait en désuétude et personne ne pouvait plus transmettre les savoir-faire ancestraux de l’agriculture », raconte celui qui est « allé voir les vieux dans les champs » et s’est fait « expliquer leurs secrets car ils voyaient en nous leurs propres enfants. »
Entraide entre les communautés
L’accueil du couple a aussi été facilité par différents aménagements effectués par la ferme, notamment la construction d’un pont en bois nécessaire pour enjamber une rivière au retour des champs et éviter ainsi un détour de plusieurs kilomètres. Grâce à des dons, deux bœufs ont pu être achetés pour commencer la culture attelée et tracer des sillons dans cette terre autrefois si dure qu’il fallait une barre à mine pour la labourer.
Les principes de la ferme interdisent l’agriculture sur brûlis pourtant généralisée à travers le Togo. « Cette technique appauvrit les sols et les durcit, regrette Patrick Bayamna. Pour enrichir la terre, nous utilisons ici du compost et du fumier provenant de nos poules, cochons, bœufs… » Un autre grand principe de l’agroécologie veut que les branchages et les feuilles qui tombent s’y décomposent lentement afin de préserver le tapis forestier et de restaurer écologiquement les sols.
En plus de l’enseignement qu’elle dispense, la ferme pédagogique favorise l’entraide entre les communautés du lieu grâce notamment à un écovillage, créé en 2008. A l’intérieur se trouve une boutique avec tous les aliments produits sur place, des graines de sésame aux jus, en passant par les plantes médicinales, les légumes et les fruits…
« L’écovillage a désormais une dimension culturelle, écologique, économique et sociale, se félicite Tiyéda Bawiena, l’épouse de Séda. Depuis quelques années, la pauvreté recule aux alentours et tout le monde se serre les coudes pour cultiver et récolter. Que l’on soit jeune, vieux ou handicapé, il y a du travail pour tous. » Et c’était bien le pari initial du couple, de faire revivre une région et d’y créer de la solidarité.
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