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Conférences, célébrations, débats parfois houleux dans les médias et sur les réseaux sociaux… Au Soudan du Sud, la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, et l’actualité institutionnelle du pays se sont avérées propices aux discussions sur la place des femmes dans la société et sur leur participation en politique.
Le pays met actuellement en œuvre un accord de paix pour sortir du conflit qui a éclaté en décembre 2013 entre les partisans du président, Salva Kiir, et ceux de son vice-président, Riek Machar. Cet accord, signé en 2018 après l’échec d’un premier accord en 2016, prévoit notamment que 35 % des postes gouvernementaux soient occupés par des femmes, à tous les niveaux de l’Etat. Ce quota, fruit de la persévérance des associations de femmes pour se faire une place au sein du processus de paix, est la mesure la plus progressiste que le pays ait connue à ce jour… mais sa mise en œuvre n’est pas assurée.
Jeudi 12 mars, les nominations aux postes ministériels ont en effet été annoncées, plus de deux semaines après l’intronisation des cinq vice-présidents (dont une femme), première étape dans la formation d’un gouvernement d’unité nationale et de transition censé diriger le pays pendant trois ans, jusqu’à la tenue d’élections. Et parmi les 34 ministres nommés, 9 seulement sont des femmes, soit à peine 26 %. Seule consolation : certains postes habituellement occupés par des hommes ont été octroyés à des femmes. Angelina Teny, figure de l’opposition et épouse de Riek Machar, a ainsi été nommée ministre de la défense.
Du scotch sur la bouche
Alors que le Soudan du Sud s’engage dans une transition semée d’embûches pour mettre un terme à la guerre civile qui a fait près de 400 000 morts et 4 millions de déplacés, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour rappeler que la participation des femmes est cruciale.
Fin janvier, la plateforme « Born to Lead » a publié un rapport sur le rôle des femmes dans les processus de paix depuis la seconde guerre civile soudanaise (1983-2005). Il pointe le fait qu’en dépit des « efforts considérables des femmes sud-soudanaises pour parvenir à la paix à travers l’histoire conflictuelle de leur pays, leurs contributions ont été sous-reconnues et sous-documentées ». En outre, selon des études menées par les Nations unies et citées dans ce rapport, « les données montrent que la participation des femmes dans les processus de paix augmente les chances d’atteindre un accord et que la paix qui en résulte est plus durable ».
Au tout début du processus de paix sud-soudanais, les associations de femmes n’avaient obtenu qu’un statut d’observatrices et n’avaient pas pesé sur les négociations. Et quelques semaines seulement après la formation d’un premier gouvernement d’unité, en avril 2016, des combats avaient de nouveau éclaté à Juba et s’étaient propagés, notamment, à la région d’Equatoria, conduisant à de nouvelles violences contre des civils et des femmes. En décembre 2017, une marche silencieuse avait été organisée dans la capitale pour dénoncer, entre autres, les viols commis par les soldats. Des morceaux de scotch sur la bouche, les femmes avaient tenu à briser le silence auquel la guerre et le processus de paix les avaient réduites.
Rita Lopidia, cofondatrice de la South Sudan Women Coalition for Peace, est de celles qui se sont battues pour l’entrée des femmes dans le processus de paix, surtout après l’échec du premier accord. « Les Sud-Soudanaises ont refusé le modèle selon lequel la paix ne peut être négociée que par les belligérants, explique-t-elle. Le conflit a été déclenché par des hommes et les femmes en ont largement payé le prix. Sa résolution ne peut être l’affaire des seuls hommes. » Grâce à « un lobbying constant auprès des parties, des médiateurs, des diplomates », le dialogue a été progressivement élargi non seulement aux femmes, mais aussi à des représentants du monde universitaire, du secteur privé, de la société civile. « Nous n’avions pas pour but la simple recherche de postes pour les femmes, mais des solutions durables pour le conflit », conclut-elle.
Lettre au président
A l’heure des nominations aux institutions qui vont piloter la période de transition, les femmes politiques aguerries du Soudan du Sud partagent leur expérience, fortes des leçons tirées de leurs parcours. Lors d’un symposium organisé par le PNUD sous le slogan #GenerationEquality, Anne Itto, l’une des figures féminines du mouvement de libération, aujourd’hui représentante du Soudan du Sud à l’assemblée de la Communauté d’Afrique de l’Est, a conseillé aux femmes d’être « vigilantes » et de « réclamer » leurs postes, sous peine d’être « oubliées ». « La politique est un monde d’hommes et le changement prend du temps, c’est frustrant, confie-t-elle. Il y a un cadre légal : la Constitution, les lois protègent les femmes. Mais sans changer les attitudes, cela n’avance pas. »
Après une longue carrière d’ingénieure en électricité puis de dirigeante politique, l’ancienne ministre Tereza Seresio croit fermement en l’importance de « guider les jeunes filles » pour leur parler très tôt de ce qu’est, par exemple, la violence conjugale et leur « enseigner leurs droits ». Elle a fondé le South Sudan Women Peace and Security Monitoring Group pour surveiller le niveau d’inclusion des femmes dans le processus de paix et dans le gouvernement de transition. Son but est de « promouvoir et renforcer le pouvoir d’action des femmes en produisant des rapports sur les manquements à la mise en œuvre des lois ». Car le quota de 35 %, rappelle-t-elle, « est un droit, et nous devons nous assurer qu’il ne reste pas sur le papier mais qu’il devienne réalité ».
Vendredi 14 mars, Rita Lopidia, de la South Sudan Women Coalition for Peace, et Mary Akech Bior, du Women’s Bloc, ont adressé une lettre au président Salva Kiir, regrettant que les nominations ministérielles annoncées n’aient pas « rempli les 35 % de représentation des femmes ». Elles lui demandent de « reconsidérer et de rectifier cela avant que l’exécutif soit intronisé ».
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