au Sénégal, Moïse l’épicier est passé à l’heure du couvre-feu

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Moïse, 34 ans, originaire de Fatick, gérant de la boutique d’alcool « Ma joie », dans le quartier de Ouakam à Dakar, en avril 2020.
Moïse, 34 ans, originaire de Fatick, gérant de la boutique d’alcool « Ma joie », dans le quartier de Ouakam à Dakar, en avril 2020. SADAK SOUICI

Moïse accueille ses clients avec un large sourire, maintenant caché par son masque blanc. « Bonjour tonton », lance-t-il joyeusement à un habitué. A travers une grille rouge, il lui tend de ses mains gantées quelques canettes de bière fraîche. Il est bientôt 19 heures et le jeune homme se prépare déjà à fermer les volets de « Ma joie », l’épicerie d’alcool à la devanture peinte en orange, qui reste d’habitude ouverte jusqu’à 23 heures.

« Je dois respecter le couvre-feu et être rentré chez moi à 20 heures au plus tard », explique Moïse, 34 ans, qui habite seul dans un petit appartement à quelques rues, dans le même quartier de Ouakam aux rues ensablées. Sur le passage, il doit trouver le temps d’acheter de quoi se cuisiner le repas du soir.

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Au Sénégal, l’état d’urgence a été déclaré le 23 mars, ainsi qu’un couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin pour lutter contre la propagation du Covid-19. Un défi pour toutes les petites boutiques et épiceries de quartier qui ferment beaucoup plus tôt que d’habitude. « Nous faisons normalement plus d’un tiers de notre chiffre d’affaires dans la soirée, nos clients viennent quand ils finissent de travailler », raconte le jeune homme, qui profite toutefois de la fermeture de la plupart des bars et restaurants. « Les clients viennent se ravitailler pour mieux vivre le couvre-feu », reconnaît-il.

« Peur d’être contaminé par des clients »

En ces temps de coronavirus, le gérant de l’épicerie a dû revoir toute l’organisation de son commerce. La pause du midi a sauté pour des journées en continu qui compensent la fermeture précoce du soir, « sinon c’est la catastrophe ». Autre conséquence : ses stocks ne dépassent pas une semaine voire deux semaines d’activité.

« Nous limitons le ravitaillement, car on ne peut pas se projeter sur le long terme. Je crains un confinement total qui pourrait être déclaré d’un jour à l’autre, et je n’ai plus la trésorerie pour investir de l’argent que je ne suis pas sûr de rentabiliser », explique Moïse, qui peine à payer les charges fixes comme l’électricité, le loyer et le salaire des employés.

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A cela s’ajoute l’achat de gants, de masques et de gel hydroalcoolique pour se protéger. « J’ai un peu peur d’être contaminé par des clients », confesse-t-il. Mais ce qui le préoccupe davantage, c’est de gérer ces dépenses imprévues, alors que le prix de ces produits sanitaires a augmenté : « J’ai acheté mon masque 1 700 francs CFA [2,60 euros]. Je devrais le changer tous les jours, mais je n’ai pas les moyens. »

« Il faut prier Dieu »

Dans un discours, le président Macky Sall avait annoncé que le gouvernement « mettra en œuvre des mesures de lutte contre toute hausse indue des prix » pour les denrées de première nécessité. « L’Etat devrait aussi nous aider à payer les factures et prendre des mesures d’accompagnement pour ceux qui n’ont plus de salaire », revendique le commerçant. En cas de confinement total, il sait déjà qu’il le respectera et qu’il s’adaptera. Même si cela sera dur. « Je suis né et j’ai été éduqué dans une famille de militaires, je respecte la loi. Ces mesures sont là pour nous protéger », précise-t-il.

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Lui-même est payé 110 000 francs CFA (168 euros) par mois par son « père adoptif » qui est aussi le propriétaire de la boutique lancée en 2006. Originaire de Fatick, « région du président Macky Sall » souligne-t-il avec fierté, Moïse a arrêté l’école à 15 ans suite à une paralysie qui va durer quatre ans. Il est emmené à Dakar chez un pasteur béninois, reconnu pour ses dons de guérisseur. Une fois rétabli, Moïse est resté à Dakar sous l’aile de ce père de famille et homme d’église. « C’est d’ailleurs plus facile de tenir une boutique d’alcool en tant que chrétien, tu n’es pas montré du doigt », témoigne le jeune homme.

Mais Moïse ressent déjà la baisse d’activité. « Je dois diminuer mes dépenses, comme réduire l’achat de savon et d’affaires de toilette », explique-t-il. Il envoie aussi moins d’argent à sa famille, restée au village dans la région de Fatick. Une de ses sœurs, baby-sitter, a déjà perdu son travail. Une autre est coiffeuse et mère d’un enfant, et elle arrive encore à travailler un peu. « Il faut prier Dieu. C’est la seule façon de vaincre ce virus pour lequel nous n’avons ni traitement, ni vaccin », assure Moïse.

En Afrique, l’angoisse des travailleurs précaires : notre série de portraits au temps du coronavirus

Ils sont couturier, femme de ménage, menuisier ou vendeur. Certains n’ont pas de contrat, pas de protection sociale ou travaillent même exclusivement dans le secteur informel. Depuis le début de l’épidémie due au Covid-19 et les mesures de confinement prises dans leurs pays respectifs, ils ne peuvent plus poursuivre leur activité comme avant, au risque de ne plus pouvoir faire vivre leur famille.

Selon les chiffres publiés en 2018 par l’Organisation internationale du travail (OIT), le Maroc connaît un taux d’emploi informel de 79,9 %, l’Algérie de 63,3 % et la Tunisie de 58,8 %. A l’échelle de toute l’Afrique, cette proportion s’élève à 85,8 %. Le Monde Afrique a suivi cinq de ces travailleurs, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Rwanda. Ils racontent comment ils tentent de s’adapter au jour le jour à ce confinement qui met gravement en péril leurs conditions de vie.

Portrait n°1 Au Maroc, la double peine de Zeyna, mère célibataire
Portrait n°2 En Côte d’Ivoire, Kadio à l’affût des derniers chantiers
Portrait n°3 Au Sénégal, Moïse dans la peur d’un confinement total

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