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Autour du rond-point central du quartier populaire Niarry Tally, dans le centre de Dakar, des jeunes tentent de vendre des marchandises, comme d’habitude. Il est bientôt 21 heures ce jeudi 4 juin, et le calme est revenu dans cette partie de la capitale sénégalaise où, la veille, plusieurs dizaines de manifestants ont brûlé des pneus pour protester contre le couvre-feu et la gestion de la crise du Covid-19.
« On était surpris », commente Mame Diarra Sylva, jeune habitante de ce quartier, à l’élégante chevelure ornée d’un bandeau aux motifs léopard. Au rez-de-chaussée d’un immeuble bondé, elle discute avec un groupe de jeunes. « J’ai vu quatorze véhicules des forces de l’ordre déployés. Les affrontements ont commencé avec des jets de pierres, mais les manifestants ont été rapidement dispersés », témoigne Jules Songane, masque sur le visage, engagé dans l’association de quartier Gilets oranges qui sensibilise les habitants au nouveau coronavirus.
Désormais, des policiers patrouillent pour s’assurer que ça ne recommence pas. « Les jeunes sont violents car il existe un déficit de dialogue avec l’Etat. Mais la réaction des forces de l’ordre était disproportionnée, et les sorties de l’armée dans la rue sont habituellement rares », commente Aliou Tine, figure sénégalaise des droits humains, pour qui le meurtre de l’Afro-Américain Georges Floyd par la police aux Etats-Unis a forcément eu des répercussions au Sénégal.
Plus de 200 personnes arrêtées
Des heurts similaires, voire plus violents, se sont déroulés dans la nuit du mardi 2 et du mercredi 3 juin à Dakar et dans plusieurs villes du pays, comme à Touba, Thiès ou Tivaouane. « Le gouvernement regrette les manifestations malheureuses occasionnant l’arrestation de plus de 200 personnes », a déclaré publiquement le ministre de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, au lendemain des émeutes.
Dans le même discours, il a annoncé l’assouplissement des mesures prises contre la pandémie qui a touché 4 155 personnes dont 45 décès au 5 juin au Sénégal. Désormais, les transports interurbains sont autorisés et le couvre-feu a été raccourci de deux heures, de 23 heures à 5 heures du matin. Le 11 mai, le chef de l’Etat avait déjà annoncé la réouverture des marchés, des commerces et des lieux de culte.
Cette levée des restrictions était attendue, notamment par les chauffeurs et transporteurs qui sont les premiers à avoir manifesté à Touba, après plus de deux mois sans travailler ni percevoir d’aides de l’Etat. Depuis, le président Macky Sall a annoncé l’affectation d’une enveloppe de 3 milliards de francs CFA (quelque 4,5 millions d’euros) aux opérateurs des transports terrestres.
« Une crise mal gérée par l’Etat »
Pourtant, les critiques continuent de fuser et les jeunes sont dans l’incompréhension. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes se demandent pourquoi les restaurants et les salles de sport sont ouverts, et non les bars et les plages pour faire de l’exercice physique. De plus, l’Etat lâche du lest pour répondre aux contestations socio-économiques, alors que la pandémie est en pleine croissance dans le pays. Ainsi, la rentrée des classes a été annulée à la dernière minute, après la contamination au Covid-19 de plusieurs professeurs.
« Je suis contre l’assouplissement des mesures, car le nombre de cas va forcément augmenter », commente Mamadou Junior Diakhate, engagé sur le terrain pour sensibiliser les habitants du quartier Grand-Dakar. Il désapprouve les manifestations violentes et les saccages des biens publics, mais le militant comprend l’agacement de certaines populations qui vivent dans la promiscuité.
« La crise est mal gérée par l’Etat sénégalais, qui aurait dû soulager économiquement les populations grâce au fonds Force Covid-19 de 1 000 milliards de francs CFA [quelque 1,5 milliard d’euros] lancé au début de la crise », explique-t-il. Ce fonds était notamment dédié à la distribution d’aides alimentaires à un million de foyers.
De 6,8 % à moins de 3 % de croissance
« Personne n’a rien vu de ces aides dans notre quartier. On tient grâce à l’entraide et la solidarité », commente Badou Sagna, membre des Gilets oranges. « Je comprends que les jeunes sortent dans la rue. Ils ont besoin que les mesures soient assouplies pour travailler et nourrir leur famille », ajoute Sylvain Amar Salou, en plein débat avec d’autres étudiants et jeunes du quartier populaire Niarry Tally. Ici, beaucoup de travailleurs informels ont perdu leur source de revenus à cause des restrictions liées au Covid-19.
La croissance du Sénégal devrait passer de 6,8 % à moins de 3 %, selon le président Macky Sall. Une crise économique qui touche tous les secteurs. « On a atteint un seuil critique d’exaspération et de frustration économique, politique et psychologique. Il y a un manque de transparence, notamment dans la distribution des denrées alimentaires, qui s’ajoute à d’autres affaires de corruption et que les populations n’acceptent plus », analyse Aliou Tine, pour qui l’Etat a perdu en crédibilité et n’arrive pas à assumer une stratégie ferme.
Un ressenti qui se retrouve dans les quartiers. « Macky Sall ne nous a pas laissés, nous les jeunes, nous exprimer et faire part de nos réalités socio-économiques », explique Mohammed, porte-parole de l’association Gilets oranges, qui aurait préféré que les jeunes déploient leur énergie, non pas dans la violence, mais à combattre la maladie.
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