au Rwanda, Félix organise la solidarité officielle de quartier

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Félix Ufiteyezu à Kigali, en avril 2020.
Félix Ufiteyezu à Kigali, en avril 2020. LAURE BROULARD

« Delphine Kabatesi ! » Le directeur du comité de quartier égrène la liste des noms qu’il a inscrits sur une feuille volante. Autour de lui, une trentaine d’habitants attendent patiemment leur tour, aux abords d’une petite route de terre du secteur de Kacyiru, à Kigali.

Covid-19 oblige, ils se tiennent à bonne distance les uns des autres et c’est seulement à l’appel de leur nom qu’ils vont récupérer du riz, de la farine de maïs et des haricots dans le petit bâtiment communautaire. Chaque portion est minutieusement pesée sur une balance bleue : un kilogramme par aliment et par membre de la famille.

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« Nous sommes en train de distribuer les dons des habitants aisés du quartier aux familles les plus pauvres », explique Félix Ufiteyezu, qui supervise le tout. Ce trentenaire jovial est représentant pour le développement économique au sein d’un umudugudu, la plus petite entité administrative rwandaise. Le pays en compte près de 15 000, rassemblant chacun entre 100 et 200 familles.

En temps normal, les membres du comité de l’umudugudu, ou « village » en kinyarwanda, la langue nationale, veillent à la sécurité, à la propreté et au climat social de leur quartier. C’est à eux que revient la responsabilité de régler les conflits de voisinage ou encore d’organiser, un samedi par mois, les travaux communautaires.

« Notre population est obéissante »

Aujourd’hui, en ces temps de pandémie, ils s’assurent également que les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement sont bien respectées par tous les ménages. Une forme de surveillance collective particulièrement efficace. « Notre population est obéissante, elle a confiance dans l’Etat. Donc les gens suivent les règles », assure Félix sans sourciller.

Depuis le début du confinement, annoncé le samedi 21 mars pour une période initiale de deux semaines, Félix et ses collègues sont donc allés toquer à la porte des familles de l’umudugudu de Ruganwa. Sur ordre du gouvernement, ils ont dressé la liste des personnes les plus vulnérables. Celles qui ont perdu leur emploi suite à la fermeture de la plupart des commerces, des transports et des chantiers pour lutter contre la propagation du Covid-19 dans le pays.

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« Beaucoup d’habitants ont d’ordinaire des emplois journaliers et non permanents. Maintenant qu’ils ne peuvent plus sortir, ils ne touchent pas de salaire. Nous avons donc décidé d’aider nos concitoyens, afin qu’ils ne meurent pas de faim », explique Félix.

Grâce à la création d’un groupe WhatsApp et au transfert d’argent par téléphone portable, il a récolté avec ses collègues quelque 200 euros auprès des habitants aisés du quartier. De quoi acheter des denrées de première nécessité, redistribuées aujourd’hui à un premier groupe de vingt-quatre familles.

« Gouvernement bien aimé »

Le jeune Aimable Nshuti repart ravi, son sac de toile rempli à ras bord. « En règle générale, je gagne entre 1 000 et 3 000 francs rwandais par jour [entre 1 et 3 euros]. Maintenant plus rien. Or je suis l’unique pourvoyeur de ma famille. Vous pouvez donc imaginer qu’on ait du mal à se nourrir », précise-t-il en remerciant avec empressement son « gouvernement bien aimé ».

« Moi aussi j’ai contribué à la cagnotte. Il faut montrer l’exemple ! », renchérit Félix. Cela fait trois ans que ce père de famille a été élu au sein de l’umudugudu de Ruganwa. « On m’a choisi, je ne pouvais pas dire non », glisse-t-il dans un sourire. Aujourd’hui, il considère cette activité bénévole, à laquelle il se consacre en parallèle de son emploi dans une entreprise de produits pétroliers, comme un acte patriotique.

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Et il ne tarit pas d’éloges sur le modèle de gouvernance locale à la rwandaise : « L’umudugudu facilite la gestion de la pandémie. Sans ces subdivisions administratives minimes, le gouvernement central ne pourrait pas aller de maison en maison. Cela facilite donc la collecte d’informations et permet au gouvernement de savoir où il doit renforcer son action. »

Ainsi, les listes des familles dans le besoin établies par les comités de quartiers dès les premiers jours du confinement servent aujourd’hui de base au programme de distribution de nourriture du gouvernement, lancé le 28 mars dans différents districts de la capitale. Pour l’instant, les autorités n’ont pas dévoilé le montant de l’aide prévue. Mais, selon la presse locale, le riz, les haricots et la farine de maïs sont tirés de la « réserve nationale stratégique de grain » gérée par le ministère de l’agriculture pour les cas de famine. Reste que certains habitants de la capitale questionnent déjà les critères utilisés pour dresser ces listes, ainsi que l’équité de la distribution.

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Ils sont couturier, femme de ménage, menuisier ou vendeur. Certains n’ont pas de contrat, pas de protection sociale ou travaillent même exclusivement dans le secteur informel. Depuis le début de l’épidémie due au Covid-19 et les mesures de confinement prises dans leurs pays respectifs, ils ne peuvent plus poursuivre leur activité comme avant, au risque de ne plus pouvoir faire vivre leur famille.

Selon les chiffres publiés en 2018 par l’Organisation internationale du travail (OIT), le Maroc connaît un taux d’emploi informel de 79,9 %, l’Algérie de 63,3 % et la Tunisie de 58,8 %. A l’échelle de toute l’Afrique, cette proportion s’élève à 85,8 %. Le Monde Afrique a suivi cinq de ces travailleurs, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Rwanda. Ils racontent comment ils tentent de s’adapter au jour le jour à ce confinement qui met gravement en péril leurs conditions de vie.

Portrait n°1 Au Maroc, la double peine de Zeyna, mère célibataire
Portrait n°2 En Côte d’Ivoire, Kadio à l’affût des derniers chantiers
Portrait n°3 Au Sénégal, Moïse craint un confinement total
Portrait n°4 A Abidjan, Steven, couturier reconverti dans les masques
Portrait n°5 Au Rwanda, Félix organise la solidarité officielle de quartier

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