au Rwanda, des commémorations du génocide empêchées

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Le président rwandais Paul Kagame et son épouse Jeannette allument « la flamme de l’espoir », à Kigali, le 7 avril 2020.
Le président rwandais Paul Kagame et son épouse Jeannette allument « la flamme de l’espoir », à Kigali, le 7 avril 2020. Jean Bizimana / REUTERS

Florence Nirere est montée en haut de sa colline du secteur de Ntongwe, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Kigali, pour capter du réseau. Par téléphone, elle raconte sa première journée de commémorations sous confinement. « C’est difficile. Mais ce qui me donne de la force, c’est que je sais que les morts ne peuvent pas nous en vouloir de ne pas aller au mémorial cette année. Il vaut mieux se protéger, pour pouvoir aller leur rendre hommage quand l’épidémie sera passée », explique-t-elle.

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Il y a vingt-six ans, Florence a perdu toute sa famille, exterminée par des voisins lors du génocide des Tutsi du Rwanda, qui a provoqué la mort de 800 000 personnes entre avril et juillet 1994 selon l’ONU. Elle a été agressée sexuellement par des hommes qu’elle connaissait et dont les proches vivent encore non loin de chez elle. Elle s’est reconstruite, difficilement, grâce à des groupes de paroles de femmes également victimes de viols.

Pour la première fois en vingt-six ans

Chaque année, elle participe aux commémorations collectives et aux discussions communautaires dans son village. « Pour montrer aux autres que je suis forte », précise-t-elle. Surtout, elle organise des prières chez elle, avec ses proches, en souvenir de ses morts. Mais cette année, trois de ses enfants sont restés bloqués à Kigali, rendant ce rituel familial impossible.

Depuis la mise en place d’un confinement total le 21 mars par les autorités rwandaises pour lutter contre le Covid-19, les trajets entre les différentes villes et districts du pays sont en effet interdits. Et pour la première fois en vingt-six ans, les Rwandais ont été invités à se recueillir chez eux. Les marches du souvenir et les discussions communautaires habituellement organisées au niveau des districts n’auront pas lieu.

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« Je m’y suis préparée, assure Florence. Pendant les commémorations habituelles, on se recueille aussi dans nos cœurs et c’est que je vais faire cette année. Je pense aux membres de ma famille qui sont morts, à ceux qui m’ont sauvé. Et je sais que je ne peux pas les oublier. »

La seule cérémonie officielle s’est tenue à huis clos, mardi 7 avril, au mémorial de Gisozi à Kigali, pour le lancement de la semaine de commémorations. Le président Paul Kagame y a allumé « la flamme de l’espoir ». « Cette année, nous ne pouvons être ensemble physiquement pour nous réconforter les uns les autres. Mais ces circonstances exceptionnelles ne nous empêcheront pas de respecter nos engagements et de consoler les rescapés », a-t-il déclaré dans un message vidéo posté sur les réseaux sociaux.

« Partager notre chagrin avec nos proches »

Les autorités misent donc sur les médias, en prévoyant la diffusion d’émissions dédiées à la radio et à la télévision jusqu’au 13 avril. « Elles permettront d’aborder tous les sujets que les rescapés, et les Rwandais en général, souhaitent voir abordés durant cette période », assure Jean-Damascène Bizimana, secrétaire général de la commission nationale de lutte contre le génocide. Un numéro d’urgence a également été mis en place, afin que les personnes souffrant de stress post-traumatique puissent rapidement être prises en charge.

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« Nous allons utiliser le peu de technologie que nous avons pour partager notre chagrin avec nos proches », explique Egide Nkuranga, vice-président d’Ibuka, la plus importante association de rescapés du génocide. Comme tant de Rwandais, il a sa propre date de commémoration, celle où il a perdu ses proches. Le 11 avril, il passera donc des coups de téléphone, enverra des vidéos via WhatsApp et montrera des photos des défunts à ses enfants pour engager un dialogue.

Pourtant, le recueillement en famille ne pourra pas tout à fait remplacer les commémorations collectives. « En groupe, on partage le chagrin. S’il y a un témoignage qui vous met K.-O., les autres sont là pour vous tenir dans les bras et vous dire que vous n’êtes pas seul. Et puis, normalement, des thérapeutes sont présents. Cela va nous manquer franchement », lâche-t-il.

Vingt-six ans après le dernier génocide du XXsiècle, le travail de mémoire est loin d’être achevé. Beaucoup de familles n’ont jamais pu retrouver les restes de leurs proches, et des fosses communes sont encore régulièrement découvertes par les autorités.

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