Au Mali, les législatives maintenues malgré le rapt d’un candidat et la crise du coronavirus

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A Bamako, le 23 mars 2020, lors de la campagne électorale pour les législatives maliennes.
A Bamako, le 23 mars 2020, lors de la campagne électorale pour les législatives maliennes. MICHELE CATTANI / AFP

C’est un dilemme de taille pour le Mali. Fallait-il maintenir ou repousser encore une fois les élections législatives prévues dimanche 29 mars ? Le président Ibrahim Boubacar Keïta a finalement tranché mercredi : le scrutin se tiendra bien à la date prévue en dépit des importants risques sécuritaires et sanitaires.

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Lors de son allocution télévisée, le chef de l’Etat a justifié sa position en s’appuyant sur l’une des résolutions adoptées à l’issue du dialogue national inclusif de décembre 2019, prévoyant la tenue de ces législatives déjà repoussées en octobre 2018 suite à la grève des magistrats puis en 2019 à cause de la situation sécuritaire. Mais si le renouvellement des 147 sièges de l’Assemblée nationale est attendu depuis longtemps par les Maliens, la décision présidentielle a provoqué l’ire de nombre d’entre eux.

« Envoyer les gens à l’abattoir »

Mercredi, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD) et candidat à la dernière présidentielle, a été enlevé dans les environs de Tombouctou (nord) alors qu’il faisait campagne. L’attaque, qui a fait un mort et deux blessés, n’a toujours pas été revendiquée. « Le gouvernement avait dit assurer la sécurité des candidats et des citoyens, on voit que ce n’est pas le cas, poursuit Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la justice, lui aussi favorable à un report du scrutin. Maintenir ces élections est irresponsable. Si c’était le chef de la majorité qui avait été enlevé, est-ce qu’on aurait poursuivi le vote ? »

Autre problème soulevé par l’élection : l’inaccessibilité du scrutin pour de nombreux Maliens résidants des régions en proie aux attaques terroristes ou aux violences communautaires, dans le nord et le centre du pays, où les bureaux de vote peuvent être la cible de groupes armés. « Une majorité du territoire n’a pas accès au scrutin et même ceux qui peuvent voter hors de Bamako ne le feront probablement pas à cause des risques d’attentat ou de représailles », poursuit M. Konaté.

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Sur le plan sanitaire, la découverte, mercredi 25 mars, des deux premiers cas de coronavirus arrivés au Mali par des vols français avant la fermeture des frontières, confirme un risque majeur. Vendredi matin, onze cas avaient été déclarés. Dans ce pays de 19 millions d’habitants, les hôpitaux du Mali ne disposent que de 56 respirateurs artificiels et de 37 lits adaptés. Si le ministère de la santé a assuré avoir passé commande de 60 respirateurs supplémentaires à la Chine, le nombre restera faible pour traiter les cas les plus graves de la maladie. Le « système de santé malien est mal adapté, il y a une pénurie de matériel de protection pour protéger les médecins et les soignants en première ligne et un manque de moyens diagnostiques pour les populations », souligne une source travaillant dans un hôpital bamakois.

Si le président a assuré que « toutes les mesures seront prises » pour assurer la sécurité sanitaire des électeurs qui se rendront aux urnes dimanche, de nombreux observateurs se demandent comment les gestes barrières, comme une distance d’un mètre entre deux personnes, pourront être respectés, alors que les bureaux de votes sont souvent surchargés et pas assez nombreux dans plusieurs districts. Des internautes se sont inquiétés aussi de devoir plonger le doigt dans un encrier commun pour attester de leur vote. Sans oublier le manque de connaissance. « Une enquête de notre plateforme a révélé que 95 % des citoyens n’ont pas entendu parler de la maladie malgré la campagne de communication du ministère de la santé », avance l’universitaire Clément Dembélé, fondateur de la plateforme anti-corruption. « Préserver ces élections, alors qu’une pandémie arrive chez nous, c’est envoyer les gens à l’abattoir, poursuit-il. Cette décision criminelle fera porter à IBK la responsabilité de tous les morts causées par le virus. »

« Soulèvement populaire »

Pourquoi le président tient-il tant à maintenir les législatives de dimanche ? Prolongés deux fois, les mandats des députés n’ont pour beaucoup de Maliens plus la légitimité nécessaire pour faire passer les réformes constitutionnelles concernant la décentralisation et l’application de l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 entre le gouvernement et les groupes indépendantistes qui se sont soulevés en 2012.

« Alors qu’il commence à négocier avec des leaders djihadistes, le gouvernement doit prouver qu’il est capable d’avoir un Etat fort et démocratique, avance un diplomate européen. Même si l’on va vers des élections imparfaites, les repousser une troisième serait dangereux pour la crédibilité d’IBK auprès de ses citoyens et des partenaires internationaux ».

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« La vie avant la vie politique, répond M. Dembélé. Si les Maliens meurent aujourd’hui, à qui servira l’accord de paix demain ? » Dans son quartier, il a appelé tous ses proches, collègues et amis, à s’autoconfiner dimanche plutôt que de voter, et à passer le mot d’un « soulèvement populaire » qui demande aux Maliens de rester chez eux.

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