au grand large règne l’arbitraire et l’horreur

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Un cargo dans la brume du matin.
Un cargo dans la brume du matin. Guy Bouchet/Photononstop

« La Jungle des océans. Crimes impunis, esclavage, ultraviolence, pêche illégale » (The Outlaw Ocean. Journeys Across the Last Untamed Frontier), de Ian Urbina, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Perla Slitack, Payot, 590 p., 24,90 €.

« Je pensais que je ne reverrais plus jamais la côte. » Quand des sauveteurs d’une association caritative ont découvert Lam Long sur un chalutier en mer de Chine du Sud, le jeune Cambodgien était enchaîné à un poteau, le cou pris dans un carcan rouillé, comme à chaque fois qu’un navire s’approchait – il cherche trop souvent à s’enfuir, expliquera le capitaine.

A sa libération, en avril 2014, Long avait passé trois ans en mer et, de fait, n’avait plus revu la côte depuis le jour où, emmené en Thaïlande par un passeur qui lui avait laissé espérer un travail sur un chantier, il avait été vendu, pour 530 dollars, à un capitaine, lequel l’avait revendu à un autre, et celui-ci à un autre encore. Ces sommes, Long était censé les devoir à ses maîtres, selon un mécanisme courant en mer de Chine, qui fait reposer l’esclavage sur une dette fictive et, par là même, indéfiniment remboursable. L’association Stella Maris devra à son tour verser 800 dollars pour le ramener à terre.

Des centaines de témoins

Cinq mois plus tard, Ian Urbina rencontre Long, jeune homme au regard « vide », à la voix « brisée », dans un local de l’association où il attend les conclusions de la justice thaïlandaise. Le journaliste du New York Times est alors lancé dans une vaste enquête – plus de trois ans de reportages qui fournissent la matière de La Jungle des océans – sur l’univers maritime, « lieu dystopique » dont l’histoire de Long, racontée au passage, reflète l’avidité, la violence, le constant renversement de l’idée même de civilisation qui le domine.

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Mais il ne s’agit pas seulement de dénoncer ou d’inspirer de la pitié au lecteur, même si la dénonciation est rude et la pitié souvent déchirante. En sillonnant « une vingtaine de mers et les cinq océans », en rencontrant des centaines de témoins, à tous les niveaux d’implication dans la vie économique, politique ou légale du « grand large », Urbina ne collectionne pas des récits : il décrit un autre monde dans le monde, continent ouvert comme une faille au milieu des nôtres.

Extraordinaire tableau

Esclavage, meurtres, piratage, primat constant de la force et de l’arbitraire, mais aussi pillage des ressources, destruction d’espèces, pollution exponentielle composent, de la mer de Chine à l’océan Indien, des baleiniers de l’Antarctique aux navires arsenaux du golfe d’Oman et à l’unique patrouilleur des îles Palaos, dans le Pacifique, un extraordinaire tableau de cette jungle globale. Certes, Ian Urbina analyse aussi les luttes organisées par des associations et des Etats ou, mieux encore, par l’alliance des deux, comme cela se met en place, précisément, aux Palaos, où se dessinent, malgré la faiblesse dérisoire des moyens, des perspectives nouvelles.

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