Au Cameroun, un centre protège des perroquets jaco saisis aux trafiquants

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Un perroquet jaco en cage, à Kampala, en Ouganda, en mai 2005.
Un perroquet jaco en cage, à Kampala, en Ouganda, en mai 2005. VINCENT MAYANJA / AFP

Des croassements déchirent le silence. Dans une grande cage, une nuée de perroquets volent d’un point à l’autre. Assis en face de la volière, Stephen Killi Matute observe la scène. Depuis seize ans, cet homme s’occupe de ces oiseaux à la queue rouge. « Je prends soin d’eux. Je nettoie leur cage, je les nourris, je les observe durant toute la journée pour voir s’ils mangent normalement, s’ils se déplacent sans difficulté ou s’ils sont malades. Je les aime beaucoup », avoue cet animalier, responsable de la réhabilitation des perroquets.

Nous sommes au Limbe Wildlife Center (LWC), une aire protégée située dans la ville de Limbé, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun. Installé au sein du jardin zoologique de cette cité balnéaire, ce projet de conservation et d’éducation des animaux saisis aux braconniers et trafiquants est cogéré par l’ONG internationale Pandrillus et le ministère camerounais des forêts et de la faune.

La volière du Limbe Wildlife Center, en mai 2020.
La volière du Limbe Wildlife Center, en mai 2020. JOSIANE KOUAGHEU

Dans cet espace, on trouve des chimpanzés, gorilles, autres espèces de singes… et des perroquets jaco, couramment appelés gris du Gabon, une espèce d’oiseaux présente en Afrique de l’Ouest et du centre, menacés d’extinction.

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D’après le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), entre 1975 et 2013, entre 2,1 et 3,2 millions de perroquets jaco ont été capturés. Très appréciés comme animaux de compagnie pour leur « extraordinaire » capacité d’apprentissage acoustique et de mémorisation, ces oiseaux sont « extrêmement bavards et leur capacité à imiter le langage humain en fait une cible de choix pour les commerçants », déplore l’IFAW.

Un commerce interdit depuis 2016

Face à cette situation, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cities) a interdit en 2016 le commerce international de ces oiseaux à la queue rouge. Au Cameroun, le LWC accueille depuis 2003 ces oiseaux.

« Le Limbe Wildlife Center est le seul projet de conservation dédié à la protection du perroquet jaco. C’est la seule cage de réhabilitation spécialement créée pour les perroquets au Cameroun », affirme Guillaume Le Flohic, le manager du centre, par ailleurs directeur de Pandrillus Cameroun.

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En dix-sept ans, plus de 2 000 perroquets saisis aux trafiquants dans les ports et autres postes frontaliers du Cameroun ont été conduits au LWC, soignés, nourris, rééduqués avant d’être relâchés. Au début, lorsque les animaux arrivaient, ils étaient mis dans des cages de quarantaine pas « spécifiquement » conçues pour eux. « Dès qu’on voyait qu’ils pouvaient voler, on faisait des essais pour les relâcher. Si l’animal volait, il était libre », explique M. Le Flohic, qui s’interrompt pour regarder « le vol majestueux » des volatiles à travers la cage.

Sensibiliser la population

Au fil des années, le centre a augmenté sa capacité d’accueil avec la construction en 2019 d’une volière de réhabilitation qui accueille aujourd’hui 250 oiseaux. Le Limbe Wildlife Center a également amélioré la prise en charge (nutrition, soins…) et mise désormais sur la remise en liberté progressive des perroquets gris. « Nous allons tester l’utilisation d’une volière de remise en liberté de 6 mètres de long pour un groupe de 25 individus pendant 4 à 6 semaines », détaille Guillaume Le Flohic.

Le procédé est déjà choisi : la trappe de la volière sera ouverte et les perroquets pourront explorer leur environnement, faire des allers et retours dans la cage pour se nourrir, devenir autonomes et rejoindre leur milieu naturel qu’est la forêt. La première libération provisoire est prévue à la mi-juin.

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Le Limbe Wildlife Center compte également mettre sur pied un projet de sensibilisation de la population, afin de leur montrer le bien-fondé de la protection des perroquets. « Il y a encore des animaux qui sont détenus illégalement et qui sont l’objet de trafic. Tout ce qui est saisi ne représente qu’une fraction », soupire le manager du centre.

D’après le docteur Simon Tamungang, ornithologue et enseignant dans les universités de Dschang (ouest) et de Bamenda (nord-ouest), dans les villages, les trafiquants locaux et ceux venus des pays comme le Nigeria ou le Ghana dépouillent le Cameroun de ses perroquets jaco. Pour cet homme qui étudie ces oiseaux à la queue rouge depuis vingt-cinq ans, dans certaines localités du pays, le braconnage se fait avec la complicité des autorités traditionnelles qui reçoivent en contrepartie du riz, whisky, savon, vêtements…

« Converser avec l’homme »

« En 2012, nous avons recensé 300 000 perroquets jaco au Cameroun. Cette population a encore diminué car, avant, sur la route de Yaoundé et Bafoussam (ouest), ils étaient visibles. Ce n’est plus le cas. Ils sont en danger d’extinction », s’inquiète M. Tamungang. Le commerce de ces oiseaux est très lucratif : vendus localement 50 000 francs CFA (quelque 75 euros), ils sont exportés vers des pays d’Europe, d’Asie et même d’Amérique où ils valent 800 000 francs CFA (environ 1 200 euros), voire plus.

Une envolée des prix qui s’explique, selon M. Tamungang, par la capacité de ces volatiles à « converser avec l’homme », ou encore leur utilisation en médecine traditionnelle. La langue du perroquet est ainsi prisée comme remède contre les retards de langage chez les petits enfants, tandis que ses plumes sont censées guérir les maux d’amour.

« Ecologiquement, ces perroquets contribuent pourtant au bien-être de la forêt. Ils consomment des graines, des fruits et les sèment en même temps, participant ainsi à la reforestation. Ils sont consommés par d’autres animaux, ce qui stabilise le biotope naturel », précise le docteur Simon Tamungang, qui ne tarit pas d’éloges quant à l’action du Limbe Wildlife Center.

Cependant, pour « sauver les perroquets jaco » du Cameroun, l’ornithologue conseille, entre autres, au gouvernement de mettre en place un vaste programme de sensibilisation, d’augmenter le nombre de gardes forestiers et d’améliorer les conditions de vie des populations vivant dans les zones fréquentées par ces oiseaux.

En attendant, pour surveiller les perroquets relâchés et éviter qu’ils ne soient à nouveau capturés par les braconniers, le LWC ambitionne d’équiper les oiseaux de système GPS. Pour l’instant, le centre n’en a pas les moyens financiers. De son côté, Stephen Killi Matute, le responsable de la réhabilitation des perroquets, sensibilise son entourage. Il leur raconte l’histoire de « ses » oiseaux, les raisons pour lesquelles il ne faut pas les capturer et cette richesse qui sera transmise à la génération future. « Ils ont besoin de voler en toute liberté », conclut-il.

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