Au Cameroun, sur la piste du coronavirus dans les quartiers de Douala

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Le docteur Edzogo avec une Equipe d’intervention et d’investigation rapides (EIIR), à Douala, le 16 avril 2020.
Le docteur Edzogo avec une Equipe d’intervention et d’investigation rapides (EIIR), à Douala, le 16 avril 2020. JOSIANE KOUAGHEU

Le docteur Junior Edzogo enchaîne les appels. A l’autre bout de la ligne, ses interlocuteurs ne décrochent pas, certains ont même éteint leurs téléphones. « Les gens nous disent qu’ils sont chez eux. Et quand on arrive, ils ne sont pas là ou ils nous font attendre », soupire le médecin généraliste, masque replié sous le nez.

Voilà l’un des mille et un défis auxquels fait face le docteur Edzogo, recruté parmi d’autres volontaires dans une des Equipes d’intervention et d’investigation rapides (EIIR) déployées par le gouvernement camerounais pour lutter contre le Covid-19. En ce mardi 5 mai, le Cameroun comptait 2 104 cas confirmés et 64 décès, un bilan qui en fait l’un des pays les plus touchés en Afrique subsaharienne.

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Face à la propagation de la pandémie, les Camerounais ont pris d’assaut les numéros verts mis en place pour pouvoir s’informer ou solliciter une équipe d’intervention en cas de forte suspicion. A Douala, capitale économique du Cameroun, ces unités quittent chaque matin la base régionale des opérations à Bonanjo, un quartier administratif, pour se déployer à travers la ville.

Ce matin de la mi-avril, Junior Edzogo, le chef d’équipe, est accompagné d’une biologiste, d’une infirmière et du chauffeur de leur 4 x 4. Il faut d’abord se rendre en urgence à l’hôpital de district de Bonamoussadi pour prélever sept patients qui présentent les signes du nouveau coronavirus. L’équipe sort la glacière contenant les kits, enfile combinaisons, masques et charlottes, puis passe à l’action.

Le ministre de la santé interpellé

Plus d’une heure plus tard, les portières claquent. Les appels s’enchaînent à nouveau. Au quartier Logbessou, Joseph est rassuré. Des jours durant, il a essayé en vain de joindre les numéros verts. Il a finalement contacté le ministre de la santé publique, le docteur Manaouda Malachie, sur sa page Facebook. Comme lui, las des attentes et face aux difficultés rencontrées dans les hôpitaux, de nombreux Camerounais interpellent le ministre sur les réseaux sociaux. Des appels de détresse qui traduisent les manquements handicapant la riposte.

« J’avais des petites difficultés respiratoires, je paniquais », avoue Joseph. Junior Edzogo sort le formulaire d’investigation et pose une série questions au patient sur son état de santé, ses antécédents et ses interactions potentielles avec d’autres malades. Le médecin conclut à une fausse alerte. Il prend néanmoins les numéros de téléphone de la famille et les sensibilise au respect des gestes barrières.

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A quelques kilomètres de là, au premier étage d’un immeuble, un homme d’une cinquantaine d’années présente tous les signes : détresse respiratoire, fatigue, mal de tête, fièvre. L’équipe procède au prélèvement et sa maison est désinfectée. « Je voulais qu’on élimine le doute. J’ai peur de cette maladie car, il y a une semaine, j’ai perdu ma tante, décédée des suites du Covid-19. Je n’ai pas été en contact avec elle », précise Judith, son épouse. Les enfants regardent leur père avec inquiétude.

« Le Covid-19 n’est pas une maladie de la honte. La majorité des malades guérissent », rassure Junior Edzogo. Un discours qu’il répète avec insistance au prochain arrêt : ici, le propriétaire des lieux vient de perdre un frère, emporté par le nouveau coronavirus, et supplie l’équipe de garer le véhicule à l’intérieur de sa maison. Le personnel soignant enfile donc son équipement de protection à l’abri des regards du voisinage.

Stigmatisation des malades

Au Cameroun, la stigmatisation des malades atteints du Covid-19 est un phénomène qui prend de l’ampleur. Sur le terrain, Junior Edzogo ne compte plus les « tristes » exemples : un homme qui met sa petite sœur malade à la porte parce qu’elle a fait venir une équipe de riposte. Un autre qui, par peur, se réfugie dans un hôtel pour se faire prélever mais s’en fait chasser une fois le test réalisé. Les membres de l’équipe sanitaire, traités de « mendiants » et « voleurs », ont été pris pour cible à plusieurs reprises par des habitants en furie qui ne croient pas à l’existence du nouveau coronavirus.

« Mais, à chaque fois, on sensibilise. Il y a de plus en plus de personnes qui réalisent », assure Prudence Guintang, la biologiste de l’équipe. « Covid-19 veut dire que vous avez l’infection. Vous pouvez guérir et la maladie peut même rester asymptomatique », répète inlassablement le docteur Edzogo.

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Il est 16 heures et le travail doit déjà s’arrêter faute d’équipements en nombre. Ce jour-là, ce sont les combinaisons qui manquent. Les prochains sur la liste devront attendre. « Au moins une fois par semaine, si ce ne sont pas les équipements, ce sont les kits de tests [qui manquent] », déplore le médecin. « Ces soldats de la santé se retrouvent au front sans véritable matériel de protection, d’où la contamination de plusieurs d’entre eux », se désole le docteur Albert Ze, économiste de la santé et fondateur de l’Institut de recherche pour la santé et le développement (Iresade) du Cameroun.

Le ministre de la santé a annoncé la mise à disposition du personnel soignant de 50 000 combinaisons, 320 000 masques chirurgicaux, 220 pulvérisateurs à dos, 10 000 paires de surchaussures… Si M. Ze « loue » les efforts du gouvernement, il n’écarte pas les risques de pénurie. « Quand on apprend des expériences des autres, on se rend compte qu’aucun pays n’a les équipements suffisants », précise-t-il.

Ces personnels soignants, des volontaires pour la plupart, dénoncent aussi leurs conditions de travail et revendiquent des primes impayées depuis un mois. Samedi 2 mai, ils ont manifesté au Centre national des opérations de santé publique (Cousp) à Yaoundé, la capitale. Les paiements ont débuté mais une partie des volontaires a été remerciée.

Les équipes d’intervention de Douala, elles, attendent encore. Les autorités de la ville ont promis de les payer au plus vite. Mais, d’ores et déjà, des réductions de primes et d’effectifs sont annoncées. « Pour une crise pareille, avoir de quoi tenir est important, car mon objectif est de servir autant que possible », lâche le docteur Edzogo.

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