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« De toute ma carrière ici, je n’ai jamais rencontré une crise aussi grave. » Denise Carvalho, rectrice de l’université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) âgée de 55 ans, dont presque quarante de maison comme étudiante puis professeure, s’alarme. Il y a le coronavirus, qui a forcé la faculté à suspendre tous ses cours pour quinze jours à partir du lundi 16 mars, alors que la rentrée universitaire, dans l’hémisphère sud, a eu lieu une semaine plus tôt. Mais il y a surtout Jair Bolsonaro.
Avec la culture et l’environnement, l’enseignement est l’une des cibles de choix du président d’extrême droite. En 2020, le budget total du ministère de l’éducation a été réduit de 17 % par rapport à l’année précédente, passant de 124 à 103 milliards de reais (19 milliards d’euros). Un plongeon sans précédent.
Les coupes les plus dures ont visé les 68 universités publiques fédérales, dont certaines ont vu s’envoler le quart, voire le tiers de leurs dotations. « Il a fallu s’adapter : on paie les factures d’eau et d’électricité avec trois mois de retard. On ne lave plus les aires communes. On ne fait plus de travaux de manutention. On a arrêté toutes les voitures et tous les téléphones de fonction, repoussé certains examens, diminué les voyages, les conférences, les évènements… », énumère péniblement Mme Carvalho, qui a vu son budget raboté de « 30 à 33 % ».
« En sociologie et en anthropologie, tout est gelé »
L’UJRJ est la plus grande institution d’enseignement supérieure publique du Brésil : 67 000 étudiants, 4 200 enseignants, 1 500 laboratoires de recherche et 45 bibliothèques. Elle fête cette année ses 100 ans. Elle a accueilli des étudiants aussi illustres que l’architecte Oscar Niemeyer et l’écrivain Jorge Amado.
Mais aujourd’hui, elle fait peine à voir : l’immense campus de l’île du Fundão, dans le nord de Rio, ressemble à une cité industrielle en faillite. Jardins à l’abandon, poubelles éparpillées, trottoirs éventrés, chantiers inachevés rongés par la rouille… Même le beau bâtiment du rectorat, « bateau amiral » dessiné sur pilotis par des disciples du Corbusier, est en sale état : les étages supérieurs, ravagés en 2016 par un incendie, n’ont jamais été réhabilités. Les plafonds sont constellés d’infiltrations. Les grandes baies vitrées du patio, brisées çà et là, sont comblées par de tristes panneaux de bois.
A l’heure de l’extrême droite, tous les programmes éducatifs souffrent : en 2019, 7 590 bourses de recherche et d’étude ont été coupées. « En sociologie et en anthropologie, c’est particulièrement dur. Il est impossible de faire des projets de long terme. Tout est gelé », regrette Michel Misse, sociologue de 69 ans et mémoire vivante de l’Université. Cet homme chaleureux et francophile, spécialiste des violences urbaines, a monté une équipe de 18 chercheurs pour comparer la situation des prisons, entre Rio et Sao Paulo. « On a besoin d’à peine 400 000 reais [74 000 euros], mais on n’en a reçu que 10 %. Du coup, on revoit le projet à la baisse, on travaille sans argent, sans être payé », raconte-t-il. Pour ce type de travaux, il n’y a pas d’alternative : « Les universités publiques représentent plus de 95 % de la production scientifique du Brésil », rappelle M. Misse, ajoutant : « C’est difficile à croire, mais leur projet est de diminuer la production intellectuelle du Brésil, tout simplement. »
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