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En quelques semaines, c’est devenu l’un des slogans phares de la campagne de réélection de Donald Trump. « Send her back » (« renvoyez-la chez elle »), a scandé durant plusieurs minutes, mercredi 17 juillet, le public du meeting présidentiel qui se tenait en Caroline du Nord. Une injonction adressée à la députée démocrate Ilhan Omar, née en Somalie, déjà visée cette semaine, aux côtés des élues Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley, par des Tweet injurieux de Donald Trump les incitant à « retourner dans leur pays ».
Ces attaques du milliardaire américain contre « The Squad » – le surnom de ces quatre élues non blanches très offensives contre la réforme migratoire de la Maison Blanche – ont fait vivement réagir aux Etats-Unis. D’abord au niveau politique : la Chambre des représentants a adopté, mardi 16 juillet au soir, une motion condamnant les propos « racistes » du président américain, échouant toutefois à initier une procédure de destitution contre lui.
Surtout, ces prises de position ont ravivé les tensions raciales et idéologiques dans le pays, rappelant à certains de douloureuses réflexions subies par le passé. « Toute personne non blanche qui vit aux Etats-Unis a déjà entendu cette phrase au moins une fois dans sa vie », déplorait l’élue Ilhan Omar après l’attaque de Donald Trump. En écho, sur les réseaux sociaux et dans les médias, des femmes et des hommes ont pris la parole pour raconter ce qu’ils ont ressenti la première fois, ou la dernière fois, que quelqu’un leur a dit « retourne dans ton pays ».
« Cela me peine à chaque fois »
« Une claque », « une salissure », « un vertige », « un refrain trop familier » : que ce soit dans la rue, à un arrêt de bus, à l’école ou en faisant les courses, les récits de ces altercations racontent la même blessure, la même frustration. « J’ai entendu cette phrase de nombreuses fois dans ma vie. La dernière fois, c’était il y a un mois et demi à Los Angeles. Cela me peine à chaque fois », écrivait ainsi lundi l’acteur pakistano-américain Kumail Nanjiani sur Twitter.
« Grandir en entendant des racistes dire à mes parents de “retourner dans leur pays” a créé une honte culturelle profondément ancrée en moi, et une rancœur tout aussi tenace, renchérit une internaute. Il m’a fallu des années pour me défaire de cette souffrance. Entendre cette phrase de la part du dirigeant de notre pays m’interroge sur le nombre d’enfants qu’il affecte avec cette rhétorique. »
« J’ai dû changer d’école », raconte aussi John Rodriguez, commentateur sportif américain, marqué à vie par les remarques de ses anciens camarades qui l’incitaient à « rentrer au Mexique » :
« Cela a affecté ma psychologie jusqu’à l’âge adulte, et je dois constamment me battre contre mon impression de n’être jamais pleinement accepté, de n’être jamais assez bon. J’ai fait un travail sur moi-même, et je croyais que ces réflexions étaient derrière nous. La diversité fait notre pays, et devrait être célébrée. »
Ji, une Américaine interrogée par le site d’informations Brut, se souvient avoir été « très triste » le soir où un homme s’est approché de la voiture dans laquelle elle et ses parents, d’origine asiatique, se trouvaient, alors qu’elle était enfant, et leur a dit de « rentrer chez eux ».
« J’ai ressenti de la tristesse pour mes parents, qui avaient travaillé si dur, et parce qu’il n’y avait rien à faire contre cela, rien que je puisse dire à cet homme. »
Toute sa vie, Ti-Hua Chang a, lui aussi, entendu cette phrase. Tellement de fois qu’il dit même « ne plus se souvenir de la première fois ». La colère initiale a été, au fil des années, remplacée par de l’ironie, explique l’intéressé, détenteur d’une « longue série de réparties » :
« Je réponds “OK, je vais retourner à New York, là où je suis né et où j’ai grandi”, ou je leur dis “Je retournerai en Chine si vous retournez en Allemagne nazie.” »
« Résister aux forces d’exclusion raciale »
Pour Karthick Ramakrishnan, professeur à l’université de Californie, l’invective date de ses années lycée, il y a vingt-huit ans. Dans une tribune à CNN, le fondateur du Centre pour l’innovation sociale raconte ce « souvenir douloureux » d’altercation avec un groupe d’élèves, mécontents d’un article qu’il avait publié dans le journal de l’école, critiquant la politique étrangère nationale en pleine guerre du Golfe. Les lycéens en question avaient alors imprimé et collé dans cet établissement du Massachusetts des affiches avec son visage, l’incitant à « rentrer en Inde ».
« J’avais assurément pris conscience de mon statut de minorité avant cet incident », écrit l’intéressé, soulignant qu’ils n’étaient alors que dix élèves non blancs sur 1 600 lycéens. Mais cet épisode lui avait permis d’échanger avec le principal du lycée – qui avait jugé les affiches déplacées mais pas racistes – et d’exprimer son ressenti en tant que minorité à l’équipe pédagogique.
« Quand j’ai tenu un discours à la remise des diplômes quelques mois plus tard, rappelant le danger du faux patriotisme derrière la phrase “tu l’aimes ou tu la quittes”, j’ai reçu une standing-ovation de la part des étudiants, des enseignants, et même des parents. »
Pour ce professeur, l’enjeu est le même, quasiment trente ans plus tard : « Il faut se battre pour rappeler que la phrase “retourne dans ton pays” est non seulement anti-immigrants, mais surtout antiaméricaine. » Le Tweet de Donald Trump « me rappelle des souvenirs douloureux, mais aussi certains souvenirs heureux, que notre communauté est capable de résister aux forces d’exclusion raciale et à la démagogie », écrit M. Ramakrishnan.
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