Après la « Grande Famine » de 1847, les Irlandais volent au secours des Amérindiens touchés par le coronavirus

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A Monument Valley, en territoire Navajo, des automobilistes font la queue pour un dépistage du Covid-19, le 17 avril.
A Monument Valley, en territoire Navajo, des automobilistes font la queue pour un dépistage du Covid-19, le 17 avril. Kristin Murphy / AP

« Go raibh maith agat », « Eire remembers. Mile buiochas », « From Ireland, 170 years later, the favour is returned ! » ou encore « With love from Ireland »… Sur la page du site de collecte de fonds GoFundMe du Navajo & Hopi Families Covid-19 Relief Fund, les messages de soutien et d’encouragement se succèdent, en anglais mais aussi en gaélique.

Lancé le 18 mars par le Rural Utah Project Education Fund, ce fonds de secours fait appel au financement participatif. Il est destiné à venir en aide aux familles des peuples amérindiens d’Amérique du Nord Navajo et Hopi, très durement touchés par le coronavirus en raison notamment de leurs conditions de vie très précaires. La nation Navajo a ainsi l’un des plus hauts taux de prévalence du Covid-19 des Etats-Unis. Mercredi 6 mai, les dons atteignaient plus de 2,4 millions de dollars (environ 2,2 millions d’euros).

Depuis quelques jours, nombre de ces donateurs ont des noms à consonance irlandaise. « Plusieurs dons récents font référence à la grande famine en Irlande de 1845 », remarquait, lundi, Vanessa Tulley, l’une des animatrices de ce projet. Il y a près de 170 ans, l’arrivée du mildiou dans l’île ravagea les cultures de pommes de terre, provoquant la mort d’un million de personnes entre 1845 et 1852. Cette famine déclencha une vague de départs sans précédent, notamment vers l’Amérique : en dix ans, l’Irlande perdit un quart de sa population, chutant de 8 à 6 millions.

Première crise humanitaire médiatisée

Cette catastrophe humanitaire eut des répercussions jusqu’aux Etats-Unis et provoqua un mouvement de solidarité peu connu. Cette famine fut en effet l’une des premières crises humanitaires médiatisée. Des fonds affluèrent depuis la garnison de Calcutta, de la prison de Sing Sing (New York), d’anciens esclaves britanniques de Jamaïque, de la Barbade ou de Saint-Christophe-et-Niévès ou encore de condamnés sur un navire prison à Londres. Mais également de peuples amérindiens.

En mars 1847, la nation Choctaw parvint ainsi à réunir 170 dollars (environ 4 500 euros d’aujourd’hui) pour aider les Irlandais. Ces fonds furent envoyés d’abord au Memphis Irish Relief Committee, puis au General Irish Relief Committee de la ville de New York, d’où ils parvinrent en Irlande.

Les Choctaw décidèrent de lancer cette collecte après avoir eux-mêmes traversé l’épreuve de la « Piste des larmes » (« Trail of Tears »), qui désigne leur expulsion forcée entre 1831 et 1838 du Mississipi vers l’Oklahoma, tandis que leurs terres étaient remises à des colons européens, en application de l’Indian Removal Act.

« Nous sommes devenus des âmes sœurs »

Quelque 170 ans plus tard, des citoyens irlandais ont donc décidé de venir en aide à deux autres nations amérindiennes dévastées par la pandémie. Gary Batton, chef de la nation Choctaw, a déclaré que sa tribu était « heureuse et pas du tout surprise d’apprendre que les Irlandais viennent à leur tour à l’aide des nations Navajo et Hopi. Nous sommes devenus des âmes sœurs avec les Irlandais depuis la “famine de la pomme de terre”. Nous espérons que les Irlandais, les Navajos et les Hopis développeront des amitiés durables, comme nous l’avons fait. »

Depuis, le lien entre l’Irlande et les Indiens d’Amérique ne s’est jamais distendu. En 1919, Eamon de Valera, considéré comme le « père » de la République d’Irlande, a été nommé chef honoraire par la tribu des Ojibwe-Chippewa (qui vit entre le Michigan et le Montana, aux Etats-Unis, et de l’ouest du Québec à l’est de l’Ontario, au Canada), qui a vu en lui le « représentant d’une nation opprimée à une autre ».

Diarmaid Ferriter, historien à l’University College Dublin et coauteur, avec l’écrivain Colm Toibin, du livre The Irish Famine, rappelle que le souvenir du don des Choctaw a été ravivé lors de la commémoration du 150e anniversaire de la Grande Famine, en 1995. Mary Robinson, la présidente de la République d’Irlande, avait alors rendu visite aux Choctaw pour les remercier.

En 2017, une grande sculpture en acier inoxydable a été inaugurée à Midleton, dans le comté de Cork, en Irlande, appelée « Kindred Spirits » (esprits frères), pour symboliser cette histoire commune. L’année suivante, le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, s’est également rendu en Oklahoma pour annoncer la mise en place d’un programme de bourses permettant aux membres de la communauté de Choctaw de venir étudier en Irlande. « La famine n’a jamais été oubliée, et elle a rendu les Irlandais plus susceptibles de faire cause commune avec d’autres personnes marginalisées », résume l’historien.

Vanessa Tulley, membre du Rural Utah Project Education Fund, a écrit le 3 mai sur la page GoFuMe : « C’est une période sombre de l’histoire pour notre nation (…). Les actes de générosité de nos ancêtres sont remerciés près de 200 ans plus tard. »

Les Amérindiens sévèrement touchés par la pandémie

Dans la réserve indienne Navajo, à Shiprock, au Nouveau-Mexique, le 8 avril.
Dans la réserve indienne Navajo, à Shiprock, au Nouveau-Mexique, le 8 avril. ANDREW HAY / REUTERS

Avec une population de 170 000 habitants, la nation Navajo a enregistré 2 474 cas et 73 décès confirmés dus au coronavirus et les autorités craignent que le pic des infections ne soit encore à venir. Selon les épidémiologistes, la forte prévalence de maladies comme l’asthme, les maladies cardiaques, l’hypertension et le diabète, la rareté de l’eau courante – les nappes phréatiques ont été polluées par l’extraction de l’uranium qui a servi à bâtir l’arsenal nucléaire des Etats-Unis – et la cohabitation au sein de chaque foyer de plusieurs générations ont permis au virus de se propager avec une rapidité exceptionnelle.

La collecte de ces fonds doit permettre la mise en place d’un réseau de points de distribution de nourriture, d’eau et de savon, et des fournitures qui sont essentielles, 38 % des habitants de la réserve vivant sous le seuil de pauvreté.

Au-delà des communautés Navajo et Hopi, le Guardian rapporte que dans de nombreux Etats, les Amérindiens ne sont pas comptabilisés dans les statistiques démographiques mesurant l’impact du coronavirus sur les différentes communautés : ils n’entrent pas dans une catégorie spécifique comme les Blancs, Noirs, Latinos ou Asiatiques, mais dans la catégorie « autres ».

Les services de santé de l’Arizona ont rapporté que les Amérindiens représentaient 16 % des décès liés au Covid-19 dans l’Etat, bien qu’ils n’y représentent que 6 % de la population. Au Nouveau-Mexique, les Amérindiens représentent moins de 10 % de la population mais plus du tiers des cas de Covid-19. NBC News rapporte par ailleurs que le Seattle Indian Health Board a demandé des tests au département de santé publique de la ville et a reçu à la place… des sacs mortuaires.



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