à Richmond, le déboulonnage d’une statue contrarié par des intérêts particuliers

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La statue de Robert E. Lee est devenue un lieu de rassemblements et de manifestations.

Si Monument Avenue, à Richmond, n’est pas la plus belle avenue du monde, c’est en tout cas l’une des plus belles de Virginie, et probablement des Etats-Unis. C’est là, au cœur de l’ancienne capitale des Etats confédérés, devenue un lieu de pèlerinage de la mémoire sudiste, que trônent six statues, dont cinq, installées entre 1890 et 1929, sont contestées.

Il y a celle de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés, celle de deux généraux sudistes J. E. B. Stuart et Stonewall Jackson, celle du marin et océanographe de la marine sudiste Matthew Fontaine Maury. Et… celle du célèbre joueur de tennis Arthur Ashe, mort en 1993 et originaire de Richmond, installée en 1996 – sans aucun lien avec les autres. Mais c’est surtout celle de Robert E. Lee, le général en chef des armées des Etats esclavagistes pendant la guerre de Sécession et icône sudiste, qui focalise l’attention.

« Des fantômes immobiles qui hantent le Sud »

Si ces statues ont déjà suscité des réticences dès les années 1890, comme le rappelle l’American Civil War Museum, elles sont de nouveau, depuis le milieu des années 2010, au cœur de virulents débats. « Des monuments ont été ciblés dès le mois de juin 2015 lorsque plusieurs d’entre eux ont été tagués avec le slogan Black Lives Matter », rappelle Andrew Houck, doctorant en histoire américaine à l’université Paris-Nanterre et spécialiste de la guerre de Sécession.

La question de leur maintien fut ravivée en 2017, quand l’Amérique fut secouée par le massacre perpétré dans une église fréquentée par des Afro-Américains à Charleston, en Caroline du Sud. Ces monuments confédérés sont alors devenus un sujet de polémique – des « fantômes immobiles du passé qui hantent le Sud », écrivait The Atlantic.

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« C’est alors qu’un grand mouvement a été lancé pour essayer d’éliminer les traces positives de la Confédération, en particulier les statues, monuments, plaques, et édifices construits dans le but de rappeler aux Afro-Américains que le pouvoir, même physique, appartenait aux Blancs », poursuit Andrew Houck.

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Le gouverneur ordonne le déboulonnage

Après plus de deux ans de discussions, la Virginie a finalement décidé que toutes ces statues glorifiant ces « héros » sudistes pouvaient être déboulonnées par les villes, votant une loi en ce sens, au printemps 2020, avant que le Covid-19 ne mette un coup de frein au mouvement.

Avec le début du déconfinement, et quelques jours après la mort de George Floyd lors d’une brutale interpellation policière, qui a déclenché une vague de protestation aux Etats-Unis, les autorités locales décident d’agir. Le 4 juin, Levar Stoney, le maire de Richmond, annonce le prochain déboulonnage de la statue de Robert E. Lee, œuvre du sculpteur français Antonin Mercié. Il déclare, dans un communiqué :

« Richmond n’est plus la capitale de la Confédération (…), elle est pleine de diversité et d’amour pour tous, et nous devons le démontrer. »

Ralph Northam, le gouverneur de Virginie, donne l’ordre aux services généraux de procéder au déboulonnage de la statue qui, depuis 1890, est la propriété de l’Etat – à la différence des cinq autres, qui appartiennent à la ville de Richmond.

Une perte de valeur pour les propriétés voisines

C’est alors qu’une poignée d’habitants, dont les résidences donnent sur Monument Avenue, sortent du bois, rapporte le Washington Post. A commencer par William C. Gregory, qui attaque la décision de l’Etat devant la cour d’appel fédérale de Richmond. Son argument : un texte de 1890 selon lequel, dit-il, la Virginie a promis de « garder fidèlement » et de « protéger affectueusement » la statue. En première instance, la justice lui donne raison et émet une injonction de 10 jours empêchant la Virginie d’enlever la statue. Un juge renvoie les deux parties à une nouvelle audience le 23 juillet et interdit de toucher à la statue.

Un autre groupe d’habitants attaque aussi la Virginie. Eux craignent « la perte d’un traitement fiscal favorable et la réduction de la valeur des propriétés ». Ils estiment qu’ils subiraient un préjudice par « la perte d’une œuvre d’art inestimable de leur quartier et la dégradation de l’avenue internationalement reconnue sur laquelle ils résident ».

Car Monument Avenue est bien inscrite sur le Registre national des lieux historiques (National Register of Historic Places) depuis 1970, ce qui permet aux propriétaires des lieux de bénéficier de quelques avantages fiscaux.

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« Beaucoup de Blancs du Sud sont très fiers »

« Du fait de la place de Richmond, au cœur de l’identité confédérée, une partie de la population blanche conservatrice refuse toute modification des vestiges de la mémoire sudiste », analyse Andrew Houck. Pour lui, « la statue équestre de Lee sur Monument Avenue symbolise l’héroïsme sudiste, et toute tentative de l’enlever est perçue comme une attaque contre l’identité nationale confédérée, dont beaucoup de Blancs du Sud sont très fiers ».

Les services de l’Etat de Virginie installent des murets en béton autour de la statue du général Lee, le 17 juin 2020.

Qu’importe, si de son côté, le révérend Robert W. Lee, un descendant du général sudiste, soutient le démontage de la statue de son aïeul, qu’il considère comme un « symbole de l’oppression ». En attendant un jugement définitif, des murets en béton ont été installés pour protéger la statue du général, devenue un lieu de manifestations.

Celle-ci a déjà été taguée, tout comme celle du joueur de tennis noir Arthur Ashe. Elle a été vandalisée mercredi 17 juin, un homme y ayant écrit les lettres « WLM » et l’expression « White lives matter » (« la vie des Blancs compte »). Le 10 juin, lors d’un rassemblement qui a suivi la mort de George Floyd, des manifestants avaient abattu la statue de Jefferson Davis.

Selon le Southern Poverty Law Center, association qui promeut la tolérance et surveille les groupes racistes aux Etats-Unis, il reste plus de 770 statues dans le pays honorant les onze Etats confédérés.

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