« A la lumière du sort réservé au corps de Franco, quarante-quatre années d’histoire de l’Espagne se donnent à lire »

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La bataille autour de la dépouille du dictateur s’est terminée, le 24 septembre, par l’autorisation d’exhumation prononcée par le Tribunal suprême espagnol. Pour autant, par ses enjeux sensibles de mémoire, le débat est loin d’être achevé, estime l’historienne Isabelle Renaudet dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 05h00 Temps de Lecture 4 min.

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Le dictateur espagnol Francisco Franco lors d’une partie de pêche, en mai 1971.
Le dictateur espagnol Francisco Franco lors d’une partie de pêche, en mai 1971. AFP / AFP

Tribune. Depuis le 13 septembre 2018, l’Espagne vit au rythme des péripéties jalonnant l’annonce de l’exhumation des restes de Franco, enterré le 23 novembre 1975 dans la basilique du Valle de los Caidos. Cette promesse remonte au début du mois de juin lorsque le premier gouvernement socialiste de Pedro Sanchez a déclaré vouloir faire de cette exhumation un point central de son programme. Conforté par le vote favorable obtenu au Parlement le 13 septembre, le décret pris par M. Sanchez en ce sens s’est cependant heurté à une série d’obstacles alimentant un véritable feuilleton, largement nourri par les médias.

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Comme dans tout bon feuilleton, le récit des faits a ménagé son lot de suspense (opposés à l’initiative de M. Sanchez, les descendants du dictateur en ont appelé à la justice) jusqu’à la réplique finale qui est revenue au Tribunal suprême. Le 4 juin, cette instance a suspendu en effet l’exhumation prévue le 10 juin. Anticipant les conséquences des élections générales du 28 avril et autonomiques du 26 mai, Sanchez avait fait le pari en choisissant cette date que, quels que soient les résultats sortis des urnes, il serait alors toujours à la tête de l’exécutif pour mener à bien l’opération. Son projet a donc échoué.

L’autorisation d’exhumation que son second gouvernement vient d’obtenir auprès du Tribunal suprême, le 24 septembre, constitue en ce sens un indéniable motif de satisfaction. Il a su l’exploiter d’ailleurs, alors que la nouvelle est tombée au moment même où il devait prononcer son discours annuel devant l’Assemblée générale de l’ONU. Hasard du calendrier ? Pedro Sanchez s’est saisi en tout cas de cette aubaine, faisant de cette décision une date historique pour l’Espagne, qui peut ainsi boucler symboliquement la boucle de la démocratie dans laquelle elle s’est engagée à partir de 1976.

Présence encombrante

La décision récente du Tribunal suprême ouvre donc la porte à la seconde vie des restes mortels de Franco, brusquement ramenés sur le devant de la scène publique plus de quatre décennies après la mort biologique du Caudillo, le 20 novembre 1975. Cette seconde vie illustre les usages que les sociétés font de leurs morts. A la lumière du sort réservé au corps du dictateur, quarante-quatre années d’histoire de l’Espagne se donnent à lire. Cette histoire commence quelques mois après l’inhumation en grande pompe de Franco, lorsque est initié le processus de la transition démocratique. En quelques années, le pays démontre que sous la dalle de 1 500 kilos scellée sur la tombe du dirigeant repose aussi la dictature. La société s’accommode alors de cette présence encombrante du Caudillo, enterré à quelques kilomètres seulement de Madrid, dans son imposant mausolée qui semble déjà appartenir à une époque révolue, en tant que dispositif mémoriel du régime franquiste.

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