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ReportageAprès la mort d’Andrew Brown, un Afro-Américain abattu par la police, le 21 avril, en Caroline du Nord, la décision du procureur de ne poursuivre aucun agent provoque la colère et la consternation.
D’abord la colère et les jurons ; puis les sanglots et les pleurs. Le 18 mai, en fin de matinée, Zena Jackson lève les yeux de son téléphone portable, incrédule. Entourée d’une poignée d’habitants, noirs et blancs, rassemblés dans le petit centre-ville d’Elizabeth City (Caroline du Nord), la mère de famille afro-américaine vient d’apprendre, en direct, les conclusions du procureur du district dans l’enquête sur la mort de son cousin, Andrew Brown, tué le 21 avril par la police : les tirs qui ont touché à cinq reprises ce père de sept enfants non armé étaient « justifiés ». Y compris la balle qu’il a reçue dans la nuque. Les sept policiers dépêchés à son domicile pour lui délivrer un mandat d’arrêt dans le cadre d’un trafic de drogue se sont sentis « menacés » par les manœuvres du véhicule de M. Brown, qui tentait de quitter le terrain vague jouxtant sa maison. Ils ne seront donc pas poursuivis.
Avant l’annonce, Zena Jackson espérait encore que justice serait rendue à son cousin. Après cette « claque », elle éructe. « Ils se foutent de nous ! Ce merdier était “justifié” ? Mais mon cousin est mort ! C’était mon sang ! », lance-t-elle, la voix brisée. Sur le tee-shirt blanc qu’elle porte, comme d’autres membres de la famille, le sourire de « Drew » en habits du dimanche lui semble encore plus triste.
Plus de trois semaines après la mort d’Andrew Brown, ce drame, inattendu dans cette petite ville côtière de 18 000 habitants, n’est pas encore tout à fait digéré. Dans le quartier populaire, où il venait de s’installer, la fresque murale peinte sur les murs blancs de sa maison un peu de guingois rappelle aux passants de « dire son nom », slogan scandé dans les manifestations de ces derniers mois en hommage aux victimes noires des violences policières. Des pancartes Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») parsèment les jardins et s’affichent aux fenêtres. Davantage dans les quartiers noirs que devant les vastes maisons coloniales aux terrasses fleuries. La bourgade, nichée au fond d’une anse de la rivière Pasquotank, est plus réputée pour son université historiquement noire, et son calme frisant l’ennui, que pour son activisme politique. Les marches qui ont rallié plusieurs centaines de personnes ces dernières semaines se sont déroulées dans le calme.
Colère rentrée
Un an après la mort de George Floyd, mort sous le genou d’un policier blanc, le 25 mai 2020 à Minneapolis (Minnesota), et les manifestations d’ampleur inédite contre le racisme et les violences policières, beaucoup pensaient qu’une même vague d’indignation déferlerait sur ce coin de Caroline du Nord. Mais à Elizabeth City, la mobilisation semble avoir cédé la place à une colère rentrée, à une tristesse teintée de fatalisme, à la conviction que la justice ne passe pas partout de la même manière.
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