à Alger, le décès du général Ahmed Gaïd Salah n’émeut pas la rue

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Un manifestant à Alger, mardi 24 décembre 2019.
Un manifestant à Alger, mardi 24 décembre 2019. RYAD KRAMDI / AFP

Aucune peine. Aucune larme. Au lendemain de la mort du chef d’état-major des armées, le général Ahmed Gaïd Salah (« AGS »), Alger ne semble pas porter le deuil. En ce mardi 24 décembre, les terrasses sont pleines, les embouteillages continuent d’étouffer la capitale, les rues fourmillent et bouillonnent. Comme d’habitude. Et puis, vers 11 heures, comme chaque mardi depuis le 26 février, une foule d’étudiants – rejoints par des milliers de personnes plus âgées – a, sous un soleil radieux, pris possession des artères du centre-ville pour exiger le départ du « système ».

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Le décès de l’homme fort du pays qui, à 79 ans, concentrait tous les pouvoirs et serait dû à une crise cardiaque n’a entamé ni l’humeur ni la détermination des manifestants. Bien au contraire. « Les généraux à la poubelle, et l’Algérie aura son indépendance ! », ont-ils chanté pendant de longues minutes. « Sa mort est un non-évènement pour nous. D’ailleurs, nous n’avons pas prononcé son nom. C’est comme s’il était vivant pour nous, lance d’une voix sereine un marcheur d’une cinquantaine d’années estimant que le système n’est pas mort avec “AGS”. Ce pouvoir corrompu est toujours là et on continue à demander une refonte de la Constitution. Il y a des centaines de généraux chez nous, l’un remplace l’autre. Ça ne les dérange pas qu’on marche, mais nous les aurons à l’usure. »

Pour ces manifestants, Gaïd Salah fait partie de la « bande », celle de ces dirigeants qui ont détourné sans compter les richesses du pays. « Et il n’y a pas de deuil avec la bande », lance un jeune homme. Un peu de tristesse ? « Vous vous moquez de moi ? Ces généraux nous ont fait beaucoup de mal. Il suffit de voir toutes les arrestations illégitimes qu’il y a eu ces derniers mois, toute cette jeunesse incarcérée », riposte-t-il.

« C’est un peu Noël »

« On en a marre de cette dictature, on vit enfermé dans une prison. Les jeunes ne peuvent même pas voyager. Ces dirigeants ont appauvri tout un peuple pour en faire profiter leurs enfants. C’est pour cela qu’on demande qu’ils dégagent tous », explique un homme qui porte un drapeau algérien aussi abîmé que lui.

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« Le dictateur est mort, clame une jeune étudiante d’à peine 18 ans. C’est une renaissance pour l’Algérie. C’est un peu Noël. » Pour elle, la disparition du général est peut-être une chance pour relancer le pays, infiniment plus que l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, le 12 décembre, un scrutin largement – et c’est peu dire – contesté par la rue. L’un de ses amis s’approche et ajoute : « Ce n’est pas fini. Gaïd Salah a placé ses hommes, à commencer par Tebboune. C’est tout un système qu’on combat. La relève est déjà prête et celle d’après aussi. Ça va être long. »

Le général Ahmed Gaïd Salah, le 19 décembre 2019.
Le général Ahmed Gaïd Salah, le 19 décembre 2019. Billal Bensalem / NurPhoto

A côté de lui, une vieille dame, enroulée dans le drapeau vert et rouge, montre la photo de Hocine Aït Ahmed, mort comme le général Gaïd Salah un 23 décembre (2015), l’un des pères de l’indépendance et qui a toujours combattu le pouvoir central et militaire. D’autres visages de la guerre contre la France comme Ali la Pointe sont fièrement exhibés, soulignant que ce sont eux les vrais héros de la nation et non Ahmed Gaïd Salah, considéré comme un « traître ». La foule demande aussi la libération de Lakhdar Bourgaa, un moudjahid respecté de 86 ans, en détention depuis six mois pour avoir seulement dit qu’« AGS » avait déjà choisi le futur président.

« Un Etat civil, non militaire »

Un nom revient aussi souvent, celui d’Abane Ramdane, surnommé « l’architecte de la révolution », assassiné en 1957 par des membres du FLN (Front de libération nationale). « Ils ont étranglé Ramdane car il voulait la primauté du civil sur le militaire, explique un manifestant. Le système cherche aussi à nous étrangler. » Un peu plus loin, un homme tend une pancarte sur laquelle on peut lire « la fraude électorale ne peut constituer un Etat légitime et de droit ». Depuis 44 marches, jeunes et anciens continuent de demander « un Etat civil, non militaire », répètent que la récente élection présidentielle a été « truquée ». Un seul objectif : « Enlever le militaire d’El Mouradia [siège de la présidence]. »

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Alors que les manifestants arrivent sur la rue Didouche-Mourad, des employés de ville sont en train de repeindre les bords des trottoirs en rouge et blanc. Mais avec cette foule – moins imposante que les précédentes marches –, la peinture bave, s’accroche aux chaussures. « Voilà. Vous voyez, c’est à l’image du pays. Personne ne dirige rien : ils ne pouvaient pas la passer demain ? », s’irrite un manifestant.

La police a été extrêmement présente : deux jeunes hommes qui étaient en train d’interviewer des étudiants avec un enregistreur digital ont été interpellés, en pleine marche, par des agents en civil.

Le nouveau président a décrété trois jours de deuil national.

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