L’« exception » de la Tunisie sous le scalpel des sciences sociales

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Michel Camau déconstruit le « mythe » d’une « exception tunisienne », tandis qu’Amin Allal et Vincent Geisser décortiquent le scénario « hybride » de la transition.

Par Frédéric Bobin Publié aujourd’hui à 18h00

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Le portrait de l’ancien homme fort de Tunisie, Zine El-Abidine Ben Ali, remisé après le départ en exil de ce dernier, le 14 janvier 2011.
Le portrait de l’ancien homme fort de Tunisie, Zine El-Abidine Ben Ali, remisé après le départ en exil de ce dernier, le 14 janvier 2011. FETHI BELAID / AFP

Il y a bien des raisons de respecter, voire d’admirer, la récente trajectoire de la Tunisie, ce chantier d’un « printemps » toujours à l’œuvre. Mais il n’est pas sûr que la célébration de sa prétendue unicité radicale soit le meilleur moyen d’en rendre compte. La révolution de 2011 à Tunis, qui n’a débouché ni sur la « restauration » égyptienne ni sur le chaos syrien ou, à un moindre degré, libyen, a imposé l’idée d’une « exception tunisienne », seule success story démocratique dans le monde arabe. La formule est désormais convenue, figure de style incontournable dans la prose diplomatique, journalistique, voire académique, sur la géopolitique régionale.

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« Un mythe », tance Michel Camau, politologue, professeur émérite à l’université d’Aix-en-Provence et ancien directeur (1992-1997) de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) basé à Tunis. Dans son dernier ouvrage au titre sans ambages, L’Exception tunisienne. Variations sur un mythe, il s’emploie à déconstruire cette légende d’une Tunisie exceptionnelle qui ne date pas de 2011, mais renvoie à une tradition apologétique bien ancrée où la métaphore florale du « jasmin » est souvent convoquée pour mieux exalter la douceur ambiante.

Un « cas d’espèce »

Le « père de la nation » Habib Bourguiba n’aura pas peu contribué à asseoir cette rhétorique en « stylisant la tunisianité », écrit Michel Camau, et en imposant à l’extérieur l’image d’Epinal d’un pays se démarquant de son voisinage par un faisceau d’attributs vertueux: décolonisation graduelle, diplomatie « modérée », centralité de la classe moyenne, scolarisation massive de la jeunesse, émancipation des femmes, etc. La Tunisie perdra ensuite un peu de son lustre sous l’autoritarisme de Ben Ali des années 1990, à l’heure où l’impératif démocratique s’impose sur une scène internationale rebattue par la fin de la guerre froide.

Elle conserve néanmoins une faveur appuyée en Occident qui salue tout à la fois son « miracle économique » (dont la fiction ne se révélera que plus tard) et son « islam éclairé », dressant un rempart face à l’islamisme radical ravageant notamment l’Algérie voisine. Et le simple fait que des observateurs s’étonnent alors de son anomalie autoritaire, incongruité grinçante comme un destin contrarié, souligne en creux la vocation naturelle qu’on lui prête, celle de devenir l’« exception de l’exception autoritaire arabe », dit Michel Camau. Justice lui sera en somme rendue avec la révolution de 2011 qui rétablit la Tunisie dans la plénitude de sa distinction. A la fois berceau des « printemps arabes » et seul rescapé des « hivers » subséquents, elle renouerait avec son inaltérable unicité.

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