Tout savoir sur le fromage vegan : fabrication, conseils d’achat, recettes

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La consommation annuelle de fromages d’un Français est en moyenne de 26 kg. Nous sommes 95 % à en manger, dont 45 % à le mettre chaque jour à nos menus. Pas très étonnant donc que des marques se lancent dans le « fromage » végétal – vromage ou faux-mage… La tendance suit celle des alternatives végétales à la viande, que l’on a vu débarquer dans nos rayons il y a quelques années, et s’inscrit dans un mouvement plus global de végétalisation de nos assiettes pour différentes motivations – éthiques, environnementales, médicales…

La plupart des faux-mages obéissent à un processus de fabrication similaire. Les produits sont à base de noix de cajou (ou parfois d’amande ou de soja), précisément de jus de cet oléagineux. « C’est la matière première privilégiée, car elle est blanche et plutôt neutre en goût. Elle a aussi un profil nutritionnel – en termes de lipides, glucides et protéines – intéressant », développe Emmanuel Joubert, de Tomm’ Pousse.

« Le cœur du processus, c’est la fermentation, qui va permettre de développer le goût et la texture du produit. Nous partons d’une pâte végétale de noix de cajou – avec aussi du soja pour l’une de nos références d’affinés – que nous faisons fermenter. Il n’y a donc pas de présure et de caillage, à la différence du fromage, détaille Nour Akbaraly, des Nouveaux Affineurs.

Puis, nous passons à l’étape de la fermentation, rapide pour la gamme de spécialités à tartiner, et de quelques semaines pour les affinés. Nous sommes donc là sur des procédés similaires à des fromagers, qui nous ont d’ailleurs inspirés pour notre projet. La fermentation est complexe, puisqu’elle nécessite de maîtriser différents paramètres : choix des ferments, température, humidité, temps que cela va prendre… Ce sont les ferments qui permettent de développer les arômes de nos produits. Il a fallu tâtonner pour parvenir à trouver les bonnes bactéries qui vont entraîner les bonnes moisissures et donc mettre en place l’affinage adapté », abonde Mary Carmen Iriarte Jähnke, qui a également appris les techniques auprès de fromagers. « Nous essayons d’honorer ce savoir-faire millénaire et de l’appliquer à une matière première différente du lait. »

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Fromage vegan aux noix de cajou

Ne dites pas fromage végétal !

Depuis 2017, une loi européenne interdit l’utilisation du terme «lait», «beurre», «crème», «yaourt» et donc logiquement «fromage» pour des produits ne contenant pas de protéines animales. Vous trouverez donc sur les emballages des indications comme «alternative végane», «tranches végétales», «râpé végétal». Et, côté produits artisanaux, des petits noms faisant penser à la version animale, comme le « CamemVert » de Tomm’ Pousse

Dans la globalité, les faux-mages artisanaux affichent des tarifs élevés (entre 6 et 12 euros la pièce d’environ 90 à 120 g).

Les grandes marques s’y mettent aussi

Des alternatives débarquent en grande distribution. En avril, c’est le groupe Bel (Babybel, Vache qui Rit…) qui s’est lancé, après avoir racheté la start-up All in Food. 9 références (tranches, bloc et un affiné) sont disponibles sous la marque Nurishh au rayon fromage.

Côté ingrédients, pas grand-chose à voir avec les artisanaux : on trouve de l’eau, de l’huile de coco (neutre en goût et qui permet aux produits de fondre), de l’amidon modifié (un agent texturant), des arômes naturels et du bêta-carotène (colorant) notamment. «Pas d’arômes ni de colorants artificiels», insiste Marianne Cara, directrice Catégories et Marques chez Bel France. Les faux-mages ont été enrichis en calcium (excepté l’affiné) et en vitamine B12. L’apport en protéines est en revanche faible. « C’est un des sujets sur lesquels on planche. »

Un autre poids lourd du secteur, Savencia (Caprice des Dieux, Tartare…), est arrivé en rayons au mois d’octobre, sous la marque Vivre Vert. « Un des freins constatés, c’est le goût végétal trop marqué, estime Jérôme Madoc, directeur général Végétal de Savencia. Nous avons donc développé une gamme de produits bons, végans et à des tarifs accessibles, quasi les mêmes que nos fromages ». 3 références (râpé, tranches fruitées, tranches fondantes) à base d’huile de coco, d’amidon, mais aussi de lupin et de pois, se retrouveront aux côtés des classiques fromages à cuisiner.

Côté nutrition

Sarah Marin-Maire, diététicienne-nutritionniste, précise que fromages et faux-mages ne présentent pas les mêmes apports nutritionnels. « Il y a peu de protéines et de calcium côté alternatives, il faut donc aller les chercher ailleurs. En revanche, les versions artisanales de ces produits contiennent moins d’acides gras saturés, et sont pourvues de bons gras, grâce aux oléagineux notamment. » Bref, comme d’habitude, scrutez les étiquettes car les faux-mages artisanaux ont tout de même, pour certains, une teneur non négligeable en calcium ; et, bien sûr, diversifiez…

Et le bilan carbone, dans tout ça ?

Même si cela peut paraître paradoxal, le bilan carbone d’un faux-mage est en général meilleur que celui de ses cousins fromagers. Certes, la noix de cajou ne pousse pas en France (plutôt au Vietnam), mais le processus complet de culture, transformation et fabrication d’une alternative végétale au fromage aura un impact carbone moins fort sur la planète (besoin de moins d’eau et de moins de terres, notamment).

Le fromage, c’est quoi, en fait ?

« La typicité et le goût d’un fromage sont liés au type de lait (vache, chèvre, brebis), à la façon dont il a été produit (terroir, alimentation des bêtes…) et à la manière dont il est fabriqué (choix des ferments, techniques et temps d’affinage…). Ainsi, en partant d’un lait de vache, vous pouvez obtenir un comté ou un maroilles », explique Caroline Boquet formatrice en produits laitiers à l’École française du fromage. Mais si visuellement certaines alternatives végétales ressemblent au fromage, elles sont tout à fait différentes quand on les coupe. « C’est impossible de reproduire le crémeux et le coulant d’un camembert par exemple, puisque la matière première n’est pas liquide. » Si la formatrice s’attendait à cette expansion des faux-mages, elle doute que tous les crémiers-fromagers soient prêts à en vendre. C’est pourtant le cas à Betton (35) où Guillaume Myszka propose les alternatives bretonnes de TyK Affinage. « Cela me permet d’enrichir ma gamme et de viser un public plus large. » Il précise néanmoins qu’il ne vend que 2 kg de références végétales en 3 semaines… contre 150 kg du seul comté !

S’interroger sur notre façon de consommer

Emmanuel Joubert, fondateur de Tomm’ Pousse en 2016

Les principales marques artisanales présentes sur le marché ont une approche similaire : celle de proposer des produits avec du goût, permettant de conserver la notion de plaisir et de convivialité très rattachée au plateau de fromages. « À l’approche de la quarantaine, j’ai commencé à me poser des questions sur mon métier – dans le marketing – et à me dire que ce n’était plus tellement en phase avec mes convictions », raconte Emmanuel Joubert. Ce passionné de vin et de gastronomie tendance écolo goûte alors, par hasard, une alternative végétale à la feta. « Ça a agi comme une révélation, je me suis dit qu’il serait intéressant de proposer des produits végétaux s’approchant du fromage, et j’ai ainsi créé Tomm’ Pousse en 2016. L’idée n’est pas d’arrêter de consommer du fromage, mais de s’interroger sur nos façons de consommer et réfléchir à l’impact des produits que nous mettons dans nos assiettes. Nos alternatives végétales sont une manière d’enrichir notre alimentation, de découvrir autre chose. »

Ne pas fabriquer la copie exacte d’un fromage

Nour Akbaraly, fondateur de Les Nouveaux Affineurs en 2017

Pour Nour Akbaraly, qui a lancé Les Nouveaux Affineurs en 2017, la porte d’entrée fut aussi le goût. « À l’époque, on trouvait déjà quelques alternatives souvent venues des États-Unis, accessibles en ligne ou en magasins spécialisés. Toutes étaient ultra-transformées, avec de faibles valeurs nutritives. C’était pour la plupart des fromages à cuire, qui manquaient cruellement de goût. J’ai voulu mettre au point des produits permettant de se faire plaisir, sans être dans la copie exacte d’un fromage. Offrir quelque chose de bon et de différent. C’est d’ailleurs le cas des fromages entre eux. Je parle plus volontiers de complémentarité que d’alternative au fromage. »

Répondre aux attentes d’une nouvelle clientèle

Mary Carmen Iriarte Jähnke, fondatrice avec son mari de Jay and Joy en 2015

Le parcours de Mary Carmen Iriarte Jähnke diffère un peu. La jeune femme et son mari, devenus végétaliens, ne trouvaient pas leur bonheur dans les faux-mages existants et souhaitaient retrouver ce plaisir de consommer du fromage. Ils ont alors créé Jay and Joy en 2015, première marque artisanale française du genre à se lancer. Si l’année qui a suivi leur lancement, ils produisaient environ une centaine d’unités de « fromages », ils en sont aujourd’hui à… 10 000 par semaine. Et sont passés à 20 collaborateurs, en fabriquant, toujours en région parisienne, dans un local plus vaste depuis l’an passé. « Nos clients, à la boutique comme chez les revendeurs, ont des profils très divers, beaucoup plus qu’au début : il y a des végans bien sûr, mais c’est une minorité, des personnes intolérantes au lactose ou qui, avec l’âge, ne parviennent plus à digérer les produits laitiers. Nous rencontrons aussi des sportifs, des personnes désireuses de goûter de nouveaux produits et d’autres en transition écolo, qui souhaitent diversifier leurs menus », détaille la jeune femme.

Ne pas essayer de se calquer sur les appellations de fromages

Sébastien Kardinal, cofondateur du site végétalien VG-Zone.net et auteur culinaire.

Vous suivez depuis longtemps toutes les alternatives aux produits animaux. Que pensez-vous des « fromages végétaux » ?

L’évolution du marché est enthousiasmante. Il y a 15 ans, on trouvait en magasins bio des sortes de tartinables et quelques marques anglaises de produits plutôt médiocres, type cheddar ou mozza. Depuis 5 ou 6 ans, tout s’est accéléré. On a d’abord trouvé davantage de « fromages » de cuisine (blocs à couper, tranches à gratiner…), mais toujours en magasins spécialisés ou kasher. Il n’y avait pas de marques françaises avant Nature et moi [All in Foods, racheté par Bel, NDLR]. Ensuite sont arrivés les affinés, avec de la crème de cajou ensemencé. Les premiers étaient américains, difficiles à trouver et à des prix prohibitifs. D’ailleurs, alors qu’on peut désormais s’en procurer facilement, les prix des produits artisanaux restent très onéreux.

Vers quoi va votre préférence ?

Je ne fais pas de blocage sur certains produits contenant de l’amidon, de la fécule ou certains additifs (plutôt industriels donc). La cuisine, c’est de la chimie ; ça ne me dérange pas de consommer de temps en temps ce type d’alternatives pour les faire cuire. J’ai aimé quasiment tous les affinés (de nombreuses marques) que j’ai goûtés. Le problème, c’est le prix, cela reste encore un produit d’exception. Autre défaut : le fait d’essayer de se calquer sur les appellations de fromages que l’on connaît. Oui, certaines alternatives ressemblent aux fromages – les croûtes fleuries par exemple –, mais c’est un univers gustatif différent : la longueur en bouche n’est pas la même, ces produits-là ont une autre identité.

Dans vos ouvrages, vous livrez des recettes pour les faire soi-même. Quels conseils donneriez-vous ?

Je ne propose que des recettes sans ferments. Ils sont compliqués à trouver, il faut maîtriser l’affinage et avoir une cave saine ou une cave à vin, ce qui n’est pas le cas de la majorité d’entre nous. Dans mon livre [voir ci-dessous], j’ai travaillé sur des recettes avec d’autres ingrédients que la noix de cajou, comme le riz, le tofu ou les pommes de terre. Il y a parfois besoin d’agar-agar, pour le fondant, et souvent de poudre d’ail ou de levure maltée pour le goût fromager. J’ai aussi une recette à base de noix de cajou et de bière brune de haute fermentation, qui apporte une touche de profondeur et de subtilité.

  • Ma petite crèmerie vegan, de Sébastien Kardinal, éd. La Plage. 9,95 €.
    Des recettes de « fromages » (mais aussi de « yaourts » et « crèmes ») plutôt simples à faire et originales, comme le cendré fumé, avec du riz, de l’ail en poudre et du liquid smoke, ou le monster au cumin, à base de pommes de terre, levure maltée, cumin en poudre et lait de soja.
     
  • Mon plateau de fromages vegan, de Marie Laforêt, ed. La Plage. 9,95 €.
    28 recettes à base de noix de cajou, amande, soja, sésame… Des classiques, comme la feta ou le cheddar, des fermentés, au kombucha par exemple, des tartinables…