Agnes Heller, éternelle dissidente hongroise

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A 90 ans, la philosophe, qui n’a cessé de combattre les dictatures et les abus de pouvoir dans son pays, ne cède en rien sa liberté de dire et de penser.

Par Blaise Gauquelin Publié aujourd’hui à 06h15

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Portrait. Elle serait la propagandiste d’un « marxisme vulgaire », enrichi de totems « post-libéraux ». Elle « insulterait la Hongrie ». Agnes Heller obnubile la presse aux ordres du pouvoir, qui la diffame à longueur de colonnes. C’est le prix à payer lorsqu’on dit ce qu’on pense de la dérive autoritaire en cours dans ce pays où le premier ministre nationaliste, Viktor Orban, désormais tristement célèbre, ne supporte aucune contradiction. Le cerveau lavé par un discours officiel de plus en plus éloigné de la vérité, les Hongrois ont oublié qu’ils étaient les héritiers de l’une des plus illustres intellectuelles européennes.

La philosophe hongroise Agnes Heller.
La philosophe hongroise Agnes Heller. Yann Legendre

C’est loin d’Europe centrale, d’ailleurs, qu’on trouve quelqu’un qui puisse restituer l’ampleur de son travail – à l’université de Montréal, où Philippe Despoix est professeur associé de littérature comparée. La carrière d’Agnes Heller est « ancrée dans une confrontation avec le quotidien », explique cet universitaire qui lui a consacré sa thèse. Entourée par un cercle d’amis hongrois, elle a « animé une école inédite de la pensée, un foyer interdisciplinaire unique, au tournant des années 1960 et 1970. Elle a croisé avec eux philosophie du langage, phénoménologie, sociologie et esthétique et a renouvelé la théorie critique ».

Une victoire de la conviction

De tout cela, il n’est plus question en Hongrie, où ce qu’il s’est passé entre 1945 et 1989 est conspué. Avoir survécu à la Shoah et avoir été pourchassée sous le communisme ne protègent pas des campagnes dégradantes. Dans son bel appartement donnant sur le Danube, Agnes Heller, profil d’oiseau et silhouette poids plume, est pourtant en pleine forme : elle ne lit pas ce qui s’écrit sur elle. Elle vient tout juste de souffler ses 90 bougies avec son fils, sa fille, ses petits et arrière-petits-enfants, qui sont « tous, sauf une, installés en Hongrie ».

En voilà une victoire de la conviction sur les régimes qui, les uns après les autres, ont tenté de la faire taire. En Hongrie, ils furent les plus violents que l’Europe ait connus : d’abord celui de l’amiral Horthy [régent du royaume de Hongrie entre 1920 et 1944], puis ceux du nazisme et du stalinisme. Vinrent ensuite les années gâchées de la transition démocratique après la chute du rideau de fer, et maintenant cet illibéralisme conservateur, lointainement inspiré de Napoléon III. Mais, de retour après des décennies passées aux Etats-Unis, « la Heller » est toujours là. Et sa liberté intellectuelle avec.

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