Ali Moadab, poète officiel iranien

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Iranian  conservative poet Ali Mohammad Movadeb after his interview with Le Monde in Tehran,Iran on Nov 3, 2018.   Maryam Rahmanian

MARYAM RAHMANIAN POUR “LE MONDE ”

Par Louis Imbert

Les 40 ans de la révolution en Iran. Dans le pays, la poésie est une affaire sérieuse pour la société libérale et la contre-culture comme pour les nostalgiques de la révolution. L’Etat en a fait un instrument de propagande. Ali Moadab l’assume.

Le poète révolutionnaire cultive son « look ». Il porte une veste militaire sans insigne, une bague religieuse à l’auriculaire, et ne se rase pas la barbe. Ses yeux paraissent s’enfoncer dans son visage tout rond : il a des airs de Jacques Villeret inquiétant. En tête-à-tête, il mange ses mots, baisse le front. Mais lorsqu’il déclame ses poèmes, avec l’emphase qu’affectionnent les Iraniens, Ali Moadab tempête.

A 45 ans, M. Moadab est un poète officiel important en Iran. Il a peu voyagé hors des frontières de son pays et ne parle qu’une seule langue, le persan. Mais dans ses billets quotidiens, sur son blog, il se veut un intellectuel universel. Certains jours, il aimerait être une Cassandre, annonciateur des grandes catastrophes à venir. Certains autres, il se rêve en Jean-Paul Sartre « pour sa méthode d’engagement politique… ». « Mais sur le fond, mes influences viennent du Saint Coran », précise-t-il, assis dans un café de la Maison des artistes, à Téhéran, un après-midi brumeux d’automne. M. Moadab chante son pays, la République islamique et avant tout la révolution qui l’a vue naître, en 1979, il y a quarante ans exactement.

« Tradition de la poésie de cour »

Evidemment, cela prête à sourire. Un propagandiste en vers, à quoi ça sert ? C’est qu’en Iran, la poésie est une affaire sérieuse : on en cite à tout bout de champ. L’ayatollah Rouhollah Khomeyni, le fondateur de la République islamique, écrivait lui-même, sur le tard, des ghazals [poème d’amour] d’un classicisme impeccable. Il employait les métaphores traditionnelles du vin, de l’ivresse et de l’amour, qui sont des images de Dieu – il ne s’agit pas de les lire au pied de la lettre :

« Tes yeux languides, ô échanson, m’ont enamouré
Les boucles de tes cheveux, ô aimé, m’ont captivé
Tous les buveurs de vin ont laissé filer leur sobriété
Une coupe, de ta main qui donne la vie, m’a dégrisé. »

Longtemps, la République islamique n’a pas été tendre envers les arts, notamment les arts visuels et la musique. Elle les a vigoureusement pris en charge, dès 1980, afin de « réislamiser » la société iranienne, sujette aux « infiltrations » de la culture occidentale séculière. En favorisant par la suite l’émergence d’intellectuels organiques favorables à ses vues, elle a accordé un statut privilégié à la poésie, art purement verbal, dont les clercs sont familiers. Ironiquement, « elle a ainsi révisé, à sa manière, la tradition de la poésie de cour » d’ancien régime, note Fatemeh Shams, poétesse iranienne et chercheuse à l’université de Pennsylvanie, aux Etats-Unis.

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