En Haïti, l’impossibilité d’une île

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dortoir laisser par la compagnie Dominicaine Estralla

Georges Harry Rouzier pour “Le Monde”

Par Florence Aubenas

L’Ile-à-Vache, à 10 kilomètres de la côte sud du pays, devait devenir une vitrine touristique pour les autorités de Port-au-Prince. Mais le projet, pharaonique, a capoté face à l’hostilité des habitants.

Il faut imaginer l’hélicoptère se posant dans les broussailles et Sweet Micky, chanteur haïtien populaire, qui en descend. Le sentier s’enfonce sous les manguiers, puis, sans prévenir, débouche sur une anse de sable lisse. Mer éblouissante, vert acidulé des palmiers, pas un humain dans le paysage, sauf une silhouette ou deux. C’est l’Ile-à-Vache, pure et candide, à 10 kilomètres de la côte sud d’Haïti.

Vous réalisez où vous êtes ? Vingt plages, 45 km2, deux fois la taille de Saint-Barth, mais « vierge, non exploitée, une des dernières îles au trésor des Caraïbes », s’émerveilleront bientôt les plaquettes du ministère du tourisme haïtien. Précisons que Sweet Micky n’est pas seulement chanteur. De son vrai nom Michel Martelly, il vient de remporter l’élection présidentielle à Haiti. On est en mai 2011, le tremblement de terre et ses 200 000 morts remontent à l’année précédente.

Devise du nouveau quinquennat : « Haïti is open for business ». Mais appâter des investisseurs n’est pas une mince affaire dans le pays le plus pauvre de la zone, régulièrement ravagé par divers cataclysmes, naturels ou politiques. Il faudrait faire rêver, un projet à la fois juteux et glamour : l’Ile-à-Vache, par exemple. D’autant que sa situation géographique la préserve « des tumultes du continent, un havre de paix », jurent les communicants. La fable paraît connue d’avance : une petite île trop belle dévorée par les requins du tourisme. Erreur. Huit ans plus tard, le nombre de voyageurs – pourtant modeste – s’est effondré. Et la discrète Ile-à-Vache est devenue un symbole de l’Etat corrompu dans les manifestations qui soulèvent le pays depuis huit mois.

Brusque engouement

Sur l’île, les travaux commencent pourtant par une inauguration grandiose, en août 2013. Même le tronc des palmiers a été peint en rose, la couleur du parti de Sweet Micky. On promet un aéroport international, un golf de 18 trous, 1 500 chambres – hôtels et bungalows –, deux ports, un centre de plongée sous-marine. Bref, 250 millions de dollars d’investissements. Discours de Laurent Lamothe, premier ministre d’alors : « Ce paradis peut changer l’image du pays et devenir un motif de fierté. »

Monsite Larraque, 68 ans, dont la maison, sur l’Ile-à-Vache, a été démolie pour faire place à une route.
Monsite Larraque, 68 ans, dont la maison, sur l’Ile-à-Vache, a été démolie pour faire place à une route. George Harry Rouzier pour « Le Monde »

Mascari Mesira, 72 ans, se souvient de « la fougue » qui avait accueilli le projet. Jusque-là, ni ministre ni président n’avait daigné poser un pied sur l’île. Il est temps, en effet, de retourner la carte postale : le paradis ressemble surtout à une île délaissée depuis toujours. Dans le reste du pays, on s’en moque volontiers, la décrivant peuplée « de troupeaux d’hommes, de bétail et de moustiques ». Ce n’est pas la misère qui frappe, mais l’isolement et le dénuement. Pour tirer une eau douteuse de puits ou de trous, on marche longtemps avec des bidons. La typhoïde et autres maux font des ravages. Transportés à dos d’homme, les malades meurent parfois avant d’arriver au centre de santé. Il n’en existe que 2 pour 20 000 « chrétiens vivants ». Pas de réseau électrique, pas d’assainissement. « Ici, il y a deux catégories d’hommes : ceux qui pêchent et ceux qui cultivent », dit un agent de la mairie. Tous travaillent à la main, gestes figés dans le passé.

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