« La présente crispation sur la laïcité québécoise est malheureuse »

0
140

[ad_1]

Le projet de loi sur la laïcité actuellement débattu au Québec sert en grande partie les aspirations identitaires des nationalistes, estime le philosophe Jocelyn Maclure dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 07h00 Temps de Lecture 5 min.

Article réservé aux abonnés

Québec : vers une redéfinition de la laïcité ?

Le projet de loi 21 sur la « laïcité de l’Etat », déposé fin mars par le gouvernement québécois, fait débat. Il prévoit d’interdire aux fonctionnaires en position d’autorité, notamment juges, policiers et enseignants, de porter des signes religieux au travail. Pour les opposants à ce projet, il remet en cause l’égal respect que l’Etat doit à tous les citoyens. Pour ses partisans, il est nécessaire car les actuels « accomodements raisonnables » fragilisent les droits des femmes. Le projet de loi sera examiné en commission parlementaire du 7 au 16 mai.

Pour le philosophe Jocelyn Maclure : « La présente crispation sur la laïcité québécoise est malheureuse »

Tribune. Le Québec vit à présent un nouvel épisode de son débat sur le modèle de laïcité et d’aménagement de la diversité qui lui sied le mieux. Le gouvernement majoritaire de centre droit de la Coalition avenir Québec vient de déposer un projet de loi sur la laïcité dont les dispositions les plus discutées auraient pour effet d’interdire le port de signes religieux par les agents de l’Etat qui ont un pouvoir de coercition ou qui sont en position d’autorité.

Le projet de loi bénéficie actuellement de l’appui d’une large majorité de la population, ainsi que du troisième parti d’opposition. Le débat social est malgré tout vigoureux. L’opposition officielle [le parti politique qui arrive au deuxième rang lors d’une élection] et le second parti d’opposition se dressent contre le projet, outre un grand nombre d’universitaires, la Commission des droits et libertés de la personne et les élus municipaux de la ville de Montréal.

Qu’un agent de l’Etat exprime une appartenance religieuse n’entame pas la laïcité de l’Etat. L’essentiel est qu’il s’abstienne de tout prosélytisme

Vu de la France, le débat pourrait surprendre. La laïcité n’exige-t-elle pas que les agents de l’Etat n’expriment pas leur appartenance religieuse lorsqu’ils sont en fonction ? L’interdiction ne devrait-elle d’ailleurs pas viser tous les employés des organismes publics ? Disons d’abord que l’on peut être à la fois pour la laïcité de l’Etat et contre certaines des lois qui prohibent le port de symboles religieux. Le philosophe Charles Taylor et moi avons soutenu que les fondements éthiques de la laïcité sont le respect égal que l’Etat doit à tous les citoyens –quels que soient leurs systèmes de croyance et de valeurs – et la volonté d’assurer leur liberté de conscience et de religion. Pour parvenir à ses fins, l’Etat doit être séparé des religions en ce sens que les lois doivent être justifiées sur la base de raisons accessibles à tous et que le gouvernement civil jouisse de sa pleine autorité politique. L’Etat laïque doit également être neutre par rapport aux religions ; il ne doit ni les favoriser ni les défavoriser.

La place de l’humain

Bien que je sois conscient que cela n’est pas unanimement accepté, en particulier par certains des penseurs français de la laïcité, l’Etat véritablement laïque ne doit pas chercher à favoriser l’émancipation par rapport à la foi religieuse – ce qui contrevient au principe de respect égal et de neutralité –, mais bien à créer les conditions d’une authentique autonomie morale ou liberté de conscience, c’est-à-dire à permettre à tout un chacun de donner ses propres réponses aux questions relatives à la place de l’humain dans l’Univers et au sens d’une vie réussie. Les principes de séparation entre l’Etat et les institutions religieuses et de neutralité religieuse de l’Etat sont les modes opératoires de la laïcité. Je ne peux y revenir ici, mais le fait qu’un agent de l’Etat exprime une appartenance religieuse n’entame pas la laïcité de l’Etat. L’essentiel est qu’il s’abstienne de tout prosélytisme et qu’il agisse sur la base des valeurs et des règles inhérentes à sa fonction.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: