[Société] 20 ans de téléréalité… et de sexisme

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Phénomène qui a bouleversé le petit écran il y a 20 ans, c’est toute une génération de spectateurs qui a grandi avec la téléréalité. D’émissions spontanées et sans filtres, les aventures sont aujourd’hui bien plus scénarisées et maitrisées. Deux décennies séparent Loana de Nabilla et pourtant, l’image stéréotypée de la femme bimbo traverse les années sans difficulté… Recette du succès ou de la déchéance de l’image de la femme ?

En 2001, la France se préparait à vivre une déflagration sans précédent dans le paysage audiovisuel : l’arrivée de Loft Story et de la téléréalité, incarnée par Loana, candidate et gagnante de la première saison de l’émission. La jeune femme aura aussi marqué son époque en personnifiant à la perfection la figure de la bimbo, écervelée, à forte poitrine, hypersexualisée, figure caricaturale si chère aux émissions de téléréalité. Aussi moquée par le public qu’objet de fantasmes, la lofteuse a ouvert le bal à une succession de candidates.

 

De Loana à Maeva Ghennam en passant par Nabilla, l’image des femmes dans la téléréalité a toujours été cantonnée aux mêmes rôles. D’ailleurs, en 2020, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) dénonçait ces émissions au travers de la publication d’un rapport accablant : « La téléréalité est une grande pourvoyeuse de sexisme : traits de caractère et assignation à des tâches et rôles stéréotypés, hypersexualisation des femmes, procédés de dénigrement et de clash, absence de diversité. Présentées souvent comme stupides, faibles et rivales entre elles, elles ne sont que le faire valoir de “mâles dominants”. »

 

Cette instance consultative indépendante avait choisi en 2019 de s’intéresser à des émissions de divertissement où est filmée la vie quotidienne de personnes sélectionnées au préalable. Sur plusieurs mois, une quinzaine d’épisodes de trois émissions-phares : « Les Marseillais VS Le reste du monde » (W9, groupe M6), « Les Anges de la télé-réalité » (NRJ12) et « Koh-Lanta »,  « La guerre des chefs » (TF1) ont été scrutés. Constat : ces émissions traitent majoritairement des querelles, clashs verbaux, et de la compétition entre candidats. Premier ressort sexiste, il y règne une forme de « culture de la virilité » avec des hommes « forts », « musclés », qui ont « la gagne », et des femmes « considérées comme susceptibles de plaire aux adversaires et donc de créer des rivalités ».

 

 

La sous-représentation des femmes

 

Ces émissions de télé-réalité valorisent d’un côté l’hyperféminité des candidates et de l’autre l’ultramasculinité des candidats. De cette dichotomie découle une vision des rapports entre femmes et hommes stéréotypée et inégalitaire où « des Don Juan dominateurs » font face à « des tentatrices ».

 

Dans « Koh-Lanta », rares sont les épreuves gagnées par les femmes, sauf les épreuves d’agilité ou celles effectuées en binôme. Dans cette émission, tournée sur une île, les candidats sont peu vêtus, donnant ainsi d’eux une représentation hypersexualisée.

 

Dans les deux autres émissions, les participants, en particulier les femmes, apparaissent au moins une fois partiellement dénudés par épisode, parfois en inadéquation avec la situation du moment : en bikini dans le salon ou en peignoir transparent et talons aiguilles au petit déjeuner. « ‘Bimbo’, ‘cagole’, ‘2 de QI’, ‘blonde un peu limitée’, ‘fille la plus facile de France’… bien que volontaires pour participer à ces émissions, les femmes y sont dénigrées, souvent présentées comme stupides et mises en compétition entre elles », constate le HCE.

 

Dans les clips musicaux, qui sont très vus par un public jeune à la télévision ou sur les plates-formes de vidéos en ligne, le sexisme est également très prégnant, est-il dénoncé : « Les femmes sont globalement sous-représentées (40%, contre 60% d’hommes) et presque exclusivement cantonnées aux rôles secondaires ou de figuration », ajoute le HCE, demandant de conditionner les financements publics des clips au respect de la dignité et de l’image des femmes.

 

De façon plus générale, le décalage est « énorme » entre la place et l’image des femmes à la télévision et la réalité. Le HCE rappelle que la part des femmes à la télévision est de 42% pour 58% d’hommes, une proportion qui baisse aux heures de plus fortes audiences à partir de 18 heures. D’autant que si elles sont parfois visibles, elles ne parlent pas pour autant, leur taux de parole étant estimé à 32,7%. Souriantes, douces, agréables à regarder, les femmes sont davantage caractérisées par leur apparence physique, leur âge et leur situation familiale que les hommes.

 

 

Des bimbos de pouvoir ?

 

De ces normes genrées et de ce sexisme traditionnel ressort, tenace, le stéréotype de la bimbo. L’idée de ces programmes n’étant pas de déconstruire les fantasmes et les modèles, aussi injustes et sexistes soient-ils, aucune candidate ne déroge à ces critères de sélections premiers.

 

Elles sont donc systématiquement jeunes, minces, maquillées, coiffées, apprêtées, sexualisées et répondent à tous les critères pour faire partie des femmes désirables qui pimenteront l’aventure. C’est tout simplement leur job dans l’émission. Tout comme on ne connaît que les prénoms des candidates, on peut presque toujours leur accoler un adjectif : la prude, la chieuse, la rigolote… Donc les types ont vraiment une fonction d’opérateur de sens, ce qui permet de suite, dans nos représentations sociales, dans nos imaginaires sociaux, de situer une personne.

 

Les programmes produisent donc Loana « la fille facile », Nabilla aussi sexy que stupide, ou Maeva Ghenamm la chieuse capricieuse… Les défenseurs de la téléréalité, cherchant à nier le sexisme de ces émissions, ont souvent clamé que les candidates de ces programmes réussissaient à se forger un nom. Elles deviennent célèbres et surfent sur l’image qu’elles se sont bâtie. Elles ont compris les codes et elles s’en servent.

 

Ainsi, devenir une bimbo devient un investissement professionnel calculé. En 2021, ces bimbos nouvelle-génération ont une manière de s’assumer, de revendiquer, d’utiliser les stéréotypes pour parvenir à leurs fins. Elles jouent à partir des règles qu’on leur donne. Si cette dimension reste à explorer, on observe que les réussites individuelles de ces femmes restent à l’intérieur d’un système qui exploite les femmes, leur corps et leurs représentations. Si certaines candidates de téléréalité bousculent le stéréotype de la bimbo vers celui d’une bimbo pragmatique, un peu femme d’affaires, loin d’être totalement stupide et inconsciente, les programmes de téléréalité d’enfermement, eux, restent dans les mêmes schémas et reproduisent les mêmes types.

 

Stéphanie Volsan

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