« Par maladresse ou par hubris, Pékin est en train de pousser les Européens dans les bras des Américains »

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C’est un signe qui ne trompe pas : le plus chaud partisan de l’autonomie stratégique européenne ne se trouve pas à Bruxelles ni même à Paris, mais à Pékin. Xi Jinping l’a encore dit le 7 avril au téléphone à la chancelière Angela Merkel, qui n’est pourtant pas l’avocate la plus acharnée de ce concept : le président chinois espère que l’Europe pourra « exercer son jugement en toute indépendance et atteindre l’autonomie stratégique au sens propre du terme », d’après le compte-rendu de l’entretien publié à Pékin.

Deux jours plus tard, c’était au tour du ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi d’encourager le conseiller diplomatique du président Macron, Emmanuel Bonne, sur cette voie bénie. « La Chine apprécie que la France plaide pour l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE) », lui a-t-il dit, selon l’agence officielle Xinhua.

Retour de balancier

Si les dirigeants chinois insistent si lourdement sur cette nécessaire indépendance de l’Europe, c’est parce qu’ils voient qu’elle est en train de basculer – et pas dans le sens qu’ils avaient souhaité. Dans le grand affrontement entre blocs chinois et américain qui se dessine, la Chine a tout fait pour garder l’Europe à distance des Etats-Unis. Largement aidée par Donald Trump, elle semblait même y être parvenue. Mais ces derniers mois révèlent un retour de balancier : par maladresse ou par hubris, Pékin est en train de pousser les Européens dans les bras des Américains.

Résumé des épisodes précédents. Il y a dix ans, l’UE se débattait dans la crise des dettes souveraines. Poussés par les exigences allemandes, les pays endettés devaient se résigner à vendre les bijoux de famille : leurs insfrastructures. A Pékin, naissait l’idée des « nouvelles routes de la soie », formalisée en 2013 par Xi Jinping, présentée comme une stratégie de développement pour relier l’Asie au reste du monde par un gigantesque réseau ferroviaire et maritime. Fascinée par la rapidité de l’ascension chinoise, l’Europe y voyait un projet économique plutôt que géopolitique. Les bijoux de famille furent mis en vente. Depuis 2013, la Chine a pris des participations dans quatorze ports européens.

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Puis les Européens ont déchanté. Les « routes de la soie » sont apparues pour ce qu’elles étaient : un projet de puissance, et d’une puissance autoritaire. En 2019, l’UE, débarrassée de sa « naïveté », a déclaré fonder sa relation avec la Chine sur un triptyque conceptuel : Pékin est un partenaire, mais aussi un concurrent et un « rival systémique ». Cela n’a pas empêché l’Italie, alors gouvernée par le couple baroque Ligue-5-Etoiles, de signer cette année-là avec Xi le seul protocole d’accord d’un pays du G7 endossant la stratégie des « routes de la soie ». Fin 2020, le vent a vraiment tourné avec la pandémie, la répression à Hongkong et au Xinjiang.

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