l’affaire du sofa, un triple faux pas

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Editorial du « Monde ». Quelle femme faisant son chemin dans les milieux du pouvoir ne s’est pas trouvée au moins une fois reléguée sur un strapontin par ses collègues masculins ? Le protocole « est un sport de combat », a commenté, sur Twitter, l’ambassadrice de France à l’OTAN, Muriel Domenach, sans doute par expérience. Car ce sport de combat ne se pratique pas seulement entre hommes et femmes : c’est aussi une discipline très courue dans les relations internationales.

Ces deux dimensions se sont trouvées mêlées de la manière la plus fâcheuse qui soit, mardi 6 avril, à Ankara, lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est restée debout, face au président Recep Tayyip Erdogan et au président du Conseil européen, Charles Michel, prenant place dans les deux seuls fauteuils disposés côte à côte. Incrédule, elle a laissé échapper son indignation par une brève mais sonore exclamation, avant de se résigner à s’asseoir sur le canapé qui lui était assigné, sur le côté.

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Les très nombreuses réactions aux images humiliantes de cette rencontre ont surtout porté sur l’offense sexiste faite à Mme von der Leyen. Un faux pas, cependant, peut en cacher un autre – voire plusieurs.

Selon les informations rassemblées depuis mardi, la faute principale incombe en effet au service du protocole de Charles Michel, qui a géré la préparation de la visite avec la présidence turque. Premier faux pas : les services de M. Michel n’auraient pas dû accepter la disposition de ces deux fauteuils excluant la présidente de la Commission, qui se trouvait ainsi reléguée au rang du ministre des affaires étrangères turc, assis sur un autre canapé, face à elle.

L’image de « l’Europe puissance » tournée en dérision

L’exécutif européen est complexe. Le président du Conseil a théoriquement la préséance protocolaire sur la présidente de la Commission, mais la tradition veut qu’ils soient traités à égalité. M. Erdogan fréquente depuis suffisamment longtemps l’Union européenne pour être au fait de ces subtilités, comme l’attestent des photos anciennes où on le voit avec les prédécesseurs de M. Michel et de Mme von der Leyen, assis dans trois fauteuils similaires. Deuxième faux pas : si la présidence turque a, comme elle le dit, suivi les instructions des collaborateurs de M. Michel, elle en connaissait parfaitement les implications.

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Troisième faux pas : le service du protocole de la présidente de la Commission était absent de la préparation de la visite, pour des raisons officiellement liées au Covid-19. Plus d’un citoyen de l’UE, médusé, apprendra ainsi que non seulement il existe des services du protocole différents pour le président du Conseil européen et pour la présidente de la Commission, que non seulement ils ne coopèrent pas… mais qu’en plus ils sont rivaux. Les autocrates de la trempe de M. Erdogan n’ont guère besoin d’imagination pour affaiblir leurs interlocuteurs : ceux-ci le font eux-mêmes. Cela s’appelle faire d’une pierre deux coups ; les valeurs d’égalité entre les sexes défendues par l’UE ont été bafouées et l’image de « l’Europe puissance » tournée en dérision.

La visite avait pour but de renouer une relation plus apaisée avec la Turquie, après les concessions faites par son président, devenu plus conciliant à l’égard de la Grèce et de Chypre. Malgré ses difficultés économiques et la poursuite de la répression politique, M. Erdogan garde un levier vis-à-vis des Européens, celui de l’accord de 2016 sur les flux migratoires. Cet élément de la relation euro-turque a été éclipsé par l’incident du canapé. C’est regrettable.

Le Monde

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