« Aux Etats-Unis, un “blackface” est toujours insultant »

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Entretien avec l’historien Julian Maxwell Hayter, enseignant à l’université de Richmond (Virginie), spécialiste de l’histoire des Afro-Américains et des droits civiques.

Par Stéphanie Le Bars Publié aujourd’hui à 04h45

Temps de Lecture 4 min.

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Extrait de l’annuaire d’anciens élèves du gouverneur de Virginie Ralph Northam, montrant un homme grimé en noir et un autre vêtu du costume du Ku Klux Klan.
Extrait de l’annuaire d’anciens élèves du gouverneur de Virginie Ralph Northam, montrant un homme grimé en noir et un autre vêtu du costume du Ku Klux Klan. EASTERN VIRGINIA MEDICAL SCHOOL / AP

L’un a reconnu un « blackface », l’autre pas mais deux des principaux responsables démocrates de Virginie, le procureur général Mark Herring et le gouverneur Ralph Northam sont fragilisés par la polémique qui a surgi ces derniers jours sur cette pratique, qui consiste à se grimer en Afro-Américain. L’historien Julian Maxwell Hayter, enseignant à l’université de Richmond (Virginie), explique pourquoi cet héritage des minstrels, des spectacles nés durant le passé esclavagiste et moquant les Noirs, demeure problématique aux Etats-Unis.

Comment expliquer que des images anciennes de responsables politiques blancs grimés en Noirs demeurent aussi polémiques aujourd’hui aux Etats-Unis ?

Cela est dû à l’héritage très controversé de ce qu’on a appelé les minstrels, une forme artistique née au début du XIXe siècle qui se voulait une interprétation, ou plutôt une mauvaise interprétation, de ce qu’était la culture afro-américaine [dans ces spectacles, des artistes blancs se grimaient en noir, incarnant des Afro-Américains stupides et joyeux]. L’autre problème est la persistance de ce genre au cours du XXe siècle et le racisme qu’il sous-tend.

Cette pratique était clairement faite pour rabaisser les Afro-Américains mais je ne suis pas sûr que même aujourd’hui beaucoup de gens le comprennent ainsi. A chaque fois qu’une affaire de « blackface » émerge, c’est pour la société américaine un rappel de son incapacité à débattre de son histoire raciale et raciste.

Le fait que la polémique actuelle touche deux personnalités de Virginie rend-il ce débat plus sensible à cause de l’histoire de cet Etat ?

Oui en partie, car Richmond, capitale de l’Etat de Virginie, fut la capitale de la Confédération [les Etats du sud esclavagistes] durant la guerre civile. La Virginie a été créée par des Anglais qui presque immédiatement y ont importé des esclaves pour cultiver le tabac. La tension entre esclavage et liberté a toujours été au cœur de cet Etat. En ce sens, il y a un exceptionnalisme virginien. Mais d’un autre côté, il n’y a rien de spécifique à la Virginie : les « blackfaces » sont un problème américain au sens large. Les cas que l’on évoque auraient pu se produire n’importe où, et d’ailleurs cela est arrivé par le passé.

Comment les minstrels se sont-ils imposés dans la culture populaire américaine ?

C’est l’ironie du Sud des Etats-Unis. Nulle part ailleurs que dans ces Etats les Blancs et les Noirs vivaient de manière aussi proche tout en étant aussi séparés. Donc en dépit du racisme, il y a toujours eu des échanges interculturels entre Blancs et Noirs, en termes de nourriture ou de musique. Une forme de culture, autour de ce syncrétisme, est apparue qui a pu donner naissance à de très belles choses comme le jazz ou le blues.

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