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Il y a presque trente ans entre ces deux aubes. La première, celle du 30 juin 1989, lorsque le général de brigade parachutiste Omar Hassan Ahmad Al-Bachir avait pris le pouvoir à Khartoum, à l’ancienne, avec déploiements de blindés et déclaration à la radio. Et celle, à l’ancienne également, où il a subitement disparu des radars, sans doute déposé aux petites heures du jeudi 11 avril, tandis que Radio Omdourman jouait de la musique militaire vintage. Jusqu’à l’annonce par le ministre de la défense, Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf, sur la télévision d’Etat, de « la chute du régime » et du « placement en détention dans un lieu sûr de son chef ».
Contesté dans la rue depuis le 19 décembre, Omar Al-Bachir, 75 ans, qui fait l’objet d’un mandat de la Cour pénale internationale (CPI) sur la base de crimes de guerre commis au Darfour, a été contraint de quitter le pouvoir au profit d’une junte militaire.
Jeudi, les conditions de la conduite des affaires, dans le Soudan de l’après-Bachir, continuaient d’être discutées entre militaires, pour commencer, mais aussi avec les responsables de certaines milices et des services de renseignement, ou encore le colonel Hemeeti, chef de la Force de réaction rapide (RSF), des ex-janjaweeds qui ont été organisés par le NISS (services secrets), mais versés récemment dans l’armée. Une convergence parfaite pour, dans le flou de ces événements, faire de la RSF un acteur pivot.
Fixer les règles de l’après-Bachir
Mais de quoi cela augure-t-il pour la suite ? Depuis plusieurs jours, les responsables de la contestation – au premier rang desquels figurent les membres de l’Association des professionnels du Soudan (SPA) – évoquaient les contours d’une solution destinée à débloquer la situation de confrontation latente au milieu de Khartoum, qui impliquait ce qu’une source appelait « un petit coup d’Etat ». Il faudra obtenir plus de précisions pour savoir si ce projet se déroule bien selon leurs vœux. Dans l’immédiat, ils ont appelé les foules à se masser en plus grand nombre encore devant le quartier général des Forces armées soudanaises (SAF) où avait lieu, jeudi matin, la réunion au sommet destinée à fixer les règles de l’après-Bachir.
Depuis qu’un mot d’ordre de la SPA, relayée par une structure plus large, la Déclaration pour la liberté et le changement, incluant notamment la coalition Nida Al-Sudan, dans laquelle figurent le parti Umma et plusieurs groupes armés (dont le JEM et le SPLA-Nord), avait appelé à une manifestation de masse, samedi 6 avril, la situation a commencé à basculer. Il y a encore quelques semaines, les manifestants étaient contraints à une forme d’intifada, pourchassés dans leurs quartiers par des agents de la sécurité (la plupart membres des forces spéciales du NISS, les services de renseignement, de milices diverses ou de la réserve de la police).
Leur mouvement, initié le 19 décembre, était en réalité maintenu dans un état de résistance désespérée en raison de l’extrême brutalité de la répression. Mais ils tenaient bon, héroïques ou désespérés. La contestation, par ailleurs, avait eu le temps d’apprendre de ses échecs lors des phases similaires des dernières années, après la sécession du Sud en 2011. En 2013, un mouvement similaire avait été littéralement fauché à la mitrailleuse 14.5 : près de 200 morts en cinq jours.
Pour sortir de cette impasse et mener leur mouvement tout en restant non-violents, les responsables de la SPA avaient imaginé plusieurs solutions dans les dernières semaines. L’une d’entre elles consistait à bloquer tous les accès d’Omdourman et de lancer une forme d’insurrection sans armes dans cette partie de la ville. La capitale est en effet partagée en trois agglomérations : Khartoum, Omdourman, et Bahri (Khartoum-nord). C’est une autre solution qui sera retenue : le 6 avril, jour anniversaire de la chute du régime du général Nimeiri en 1985 – entamée par des manifestations géantes de la population et achevée par une intervention de l’armée –, appeler les manifestants à converger vers le quartier général des SAF pour une fraternisation avec ce corps, marginalisé par le pouvoir d’Omar Al-Bachir, qui tenait à éviter, justement, la possibilité d’un coup d’Etat.
Eviter un bain de sang
C’est pourtant ce qui, techniquement, s’est produit à Khartoum jeudi matin. Après que des véhicules militaires se sont déployés dans la capitale, notamment devant le nouveau palais présidentiel situé devant le Nil, tout près du quartier général des SAF où a eu lieu l’ultime réunion visant à définir les bases du pouvoir après la chute d’Omar Al-Bachir, un haut comité des forces armées semble avoir pris le pouvoir au Soudan.
Les discussions préalables des jours précédents en vue de sa composition incluaient aussi une forme de pacte : les militaires ne devaient se saisir du pouvoir qu’à la condition d’écarter les proches du président Al-Bachir et d’engager une purge de fond du système au pouvoir qui ne soit pas accompagnée de dérapages. Il s’agit de mettre en place une transition en douceur, afin d’éviter un bain de sang si les services de sécurité tentaient de briser le mouvement par la force, avec le risque – soupesé les jours derniers – de voir démarrer une forme de guerre civile si les forces s’affrontaient dans Khartoum. Ceci avec, de surcroît, l’obligation de céder le pouvoir, dès que possible, à une coalition de responsables civils dont la liste précise reste à apparaître au grand jour, dans la mesure où les têtes de la contestation sont, depuis près de quatre mois, soit dans la clandestinité, soit en prison.
La composition de la junte, lorsqu’elle sera finalisée, sera-t-elle de nature à répondre à ces exigences et à satisfaire le mouvement de contestation, qui souhaite un grand nettoyage à la tête de l’Etat afin d’en finir avec les pratiques de corruption qui ont contribué à précipiter le Soudan dans une crise économique grave ? Dans un premier temps, alors que des foules convergeaient vers le centre de Khartoum pour célébrer la chute d’Omar Al-Bachir, l’ambiance était au soulagement. « Je n’ai plus peur et je suis fier du Soudan aujourd’hui », confiait au téléphone Ali Seory, un professeur de l’université qui a pris une part importante dans l’organisation de la contestation.
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