Des Libanais s’exilent par la mer au péril de leur vie

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Fatmeh Mohamad, 33 ans, soeur de Mohamad, 27 ans, toujours porté disparu en mer, dans l’appartement de leurs parents à Qobbé, un quartier de Tripoli, au nord du Liban, le 29 septembre.

Afaf Abdel Hamid monte l’escalier rongé par l’humidité qui mène vers le petit appartement familial, dans le quartier de Qobbé, à Tripoli, dans le nord du Liban. Elle est dévorée de douleur depuis que son fils Mohamad est porté disparu en mer. « Je veux que quelqu’un me le ramène, mort ou vivant », éclate-t-elle en sanglots. Le 7 septembre, le jeune homme de 27 ans est parti clandestinement depuis la côte, au nord de Tripoli, pour rejoindre Chypre.

L’embarcation affrétée par des trafiquants, où étaient montées une quarantaine d’autres personnes – des Libanais, comme Mohamad, ainsi que des Syriens –, s’est perdue en mer Méditerranée. Quand elle a été secourue, à la mi-septembre, par un bateau de la Force intérimaire de l’ONU au Liban (Finul), le jeune homme n’était pas à bord. « Je ne voulais pas qu’il parte ; lui disait qu’il nous soutiendrait financièrement, une fois loin d’ici », dit Afaf, que Nisrine, l’une de ses sept filles, étreint tendrement. La mer a recraché, depuis, plusieurs cadavres. Mais elle n’a pas dit ce qu’il est advenu de Mohamad.

« Tout est devenu hors de prix »

Celui-ci, poursuit Nisrine, « avait quitté l’embarcation après des décès à bord », dans l’ultime espoir de trouver de l’aide. « Je ne sais plus vers qui me tourner pour qu’on retrouve les disparus », accuse-t-elle. Les motivations de son frère, sans emploi depuis quatre ans, sont évidentes, aux yeux de Nisrine. Son quotidien était devenu intolérable. « Le chômage, la pauvreté, on connaît cela depuis longtemps dans les rues de Qobbé. Tripoli est oubliée des autorités, dénonce-t-elle. Ce qui a changé, c’est le plongeon de la livre [libanaise, face au dollar] : tout est devenu hors de prix [l’essentiel de ce qui est consommé est importé]. »

Des bâtiments criblés de balles dans la rue où Zeinab Al-Kaak vit avec ses beaux-parents, à Qobbé, un quartier de Tripoli, au nord du Liban, le 29 septembre.

L’enfer vécu par ces aspirants à une vie meilleure a choqué au Liban, un pays à la longue tradition d’émigration, mais peu familier des « barques de la mort », celles du désespoir. Des départs clandestins sporadiques, principalement de Syriens, ont certes eu lieu ces dernières années depuis le nord du Liban, vers Chypre, proche et perçue comme une porte d’entrée de l’Europe.

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Mais la cadence a récemment changé – entre la fin août et la mi-septembre, dix-huit embarcations sont parties vers l’île –, comme la proportion croissante de Libanais à tenter le périple. Après le raidissement de Nicosie, des départs ont été empêchés. S’interrompront-ils ? Plus de 50 % de la population au Liban a basculé sous le seuil de la pauvreté, sur fond d’une grave crise économique et financière. Palpable depuis plusieurs années, la concurrence dans l’accès à l’aide humanitaire s’accroît entre les Libanais démunis et l’importante population réfugiée de Syriens et de Palestiniens. Le pays est encore sous le choc de la double explosion au port de Beyrouth, début août, et celle-ci a ravivé les tensions politiques.

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