[Société] VIDEO. Petite enfance : la langue des signes plus forte que le masque

Obligatoire pour le personnel de crèche depuis un peu plus d’une semaine, le masque perturbe la communication avec les bouts de chou. Dans les micro-crèches de La fée clochette, on accompagne le geste à la parole.

9 h 05, assis en rond, c’est l’heure de la collation pour les marmailles. « Qui veut de la banane ? »  Masquée, Clara Françoise, auxiliaire de puériculture au sein de la micro-crèche Les Ecureuils, à Saint-Gilles-les-Hauts, accompagne sa question d’un geste des mains en forme de demi-lune. « Qui veut boire de l’eau », poursuit-elle, en levant son pouce et en mimant une vaporisation avec son index. Clara Françoise vient de « signer » la collation. Une habitude ici.

« On a commencé ça en 2016, explique Elodie Sallat, la directrice des micro-crèches La Fée Clochette, présentes à Boucan Canot, Etang-Salé, Saint-Pierre et donc Saint-Gilles. C’est un outil qui est issu de la langue des signes et qui est adapté aux tout petits, dans le sens où on utilise dans la phrase un mot-clé, que l’on va signer. »
 

Un masque qui rompt le contact

À l’époque, le but était alors de « mieux accueillir les émotions des enfants, mieux les accompagner dans leur besoin et favoriser la communication avec eux, notamment avec les plus petits qui ne parlent pas et qui ont besoin de s’exprimer, raconter ce qu’ils vivent. »

Un objectif louable, qui s’en trouve renforcé en ces temps troublés. Depuis lundi de la semaine passée, le personnel de crèche doit obligatoirement porter un masque en présence des enfants. Ce qui coupe tout contact visuel avec la bouche des adultes et perturbe la communication. « C’est par là que passe la parole, donc c’est toute la gestuelle qui va prendre son importance », indique Elodie Sallat, heureuse d’être « outillée » face à l’étrange situation.

Adieu frustration

Elle comme ses collègues, tous formés à cette langue, avaient de toute façon déjà vu la différence. « Ça les aide, ça évite les frustrations avant l’acquisition du langage et ça nous facilite aussi au niveau de la compréhension », estime Clara Françoise, auxilière de puériculture affairée à la lecture d’une histoire… forcément doublée de gestes explicites.

« On a pu voir que les enfants se sentaient beaucoup plus entendus, écoutés, note quant à elle la directrice. Se sentant compris, l’enfant est plus sécurisé dans son lien affectif avec l’adulte. Et de fait, ça réduit énormément les pleurs. »

Pour changer la couche, aller à la sieste, chercher doudou ou manger, les adultes sondent les enfants en alliant le geste et la parole, qui répondent parfois avec leur main.

La beauté du geste

À l’inquiétude de certains parents, craignant que cela entraîne un retard de la parole chez leur enfant, La fée clochette assure que c’est tout le contraire. « Signer, c’est déjà un mode de communication. L’enfant intègre les deux modes de communication en simultané. Une fois la parole installée, il abandonnera de lui-même les signes. » Reste à savoir si les masques seront toujours là.

Kilian Kerbrat