Philip Guston, peintre antiraciste, privé d’exposition

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« Riding Around » (1969), de Philip Guston, exposée ici à Hambourg, en février 2014.

Quatre institutions parmi les plus importantes au monde avaient idée, cet été, d’éclairer l’œuvre du peintre américain Philip Guston, antiraciste notoire décédé en 1980, sous le prisme de l’actualité américaine. Après avoir décalé ­l’exposition à 2021 à cause de la pandémie, la National Gallery of Art de Washington, la Tate Modern de Londres, ainsi que les Musées des beaux-arts de Boston et de Houston ont jugé urgent de reporter sans délai la rétrospective à… 2024.

Le temps nécessaire, indiquent-ils dans un communiqué publié le 21 septembre, pour que le « puissant message de justice sociale et raciale » du peintre puisse « être interprété plus clairement » à l’aune de « perspectives nouvelles ». L’objet de leur malaise n’est à aucun moment mentionné : vingt-quatre dessins et peintures reprenant l’imagerie du Ku Klux Klan à la sauce cartoon. Des œuvres qui, bien loin d’en faire l’apologie, stigmatisent l’organisation secrète suprémaciste blanche.

Fantômes du Klan

Né en 1913 à Montréal au Canada de parents juifs ukrainiens immigrés, Philip Guston a très jeune été marqué par la violence de la ségrégation raciale. Dès 1931, cet antiraciste sensible à la cause marxiste réalise une toile en soutien aux « Scottsboro Boys », ces neuf jeunes Noirs de l’Alabama accusés du viol de deux jeunes filles blanches. L’œuvre sera détruite sans autre forme de procès par des policiers de Los Angeles.

Après une parenthèse où, suivant son ami Jackson Pollock, le peintre se fond dans l’école abstraite new-yorkaise, Guston renoue en 1969 avec la figuration. A partir de 1970, dans des tableaux dominés par le rouge cadmium accordé au rose, la cagoule du KKK devient l’un de ses motifs récurrents.

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S’il met en scène les fantômes du Klan en train de fumer leur cigare ou de conduire leur auto, il ne s’abrite pas derrière la bonne conscience du dénonciateur : il se représente lui-même encagoulé, autrement dit complice passif de la suprématie blanche, dénonçant par là-même le racisme systémique. Difficile d’imaginer œuvre plus en phase avec les tensions qui traversent l’Amérique depuis la mort de George Floyd à Minneapolis en mai.

« Le report de l’exposition de Guston n’est qu’un signe de lâcheté ordinaire et d’intégration de la censure. » Laurent Dubreuil, professeur de littérature comparée

Pourtant, les quatre musées ont craint un procès en offense de la part de la communauté afro-­américaine. Interrogé le 26 septembre par le New York Times, Darren Walker, puissant patron de la Fondation Ford et ­curateur de la National Gallery of Art, a défendu le report, arguant « que le contexte aux Etats-Unis a fondamentalement, profondément changé sur les questions dimagerie raciste incendiaire et toxique dans l’art, quelle qu’en soit la vertu ou l’intention de lartiste ».

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