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Le Monde a utilisé l’outil de statistiques CrowdTangle, propriété de Facebook, pour sélectionner les dix pages conservatrices du réseau social (hors Fox News et la page officielle de Donald Trump) qui ont généré le plus « d’interactions » (partages, commentaires ou « like ») sur l’année écoulée. Ces dix comptes, dont les contenus sont particulièrement viraux, dressent en creux un portrait d’une partie de l’électorat de Donald Trump.
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Ben Shapiro, le plus influent
Si la galaxie Trump sur Facebook avait un président, ce serait lui. Ben Shapiro est sans doute le commentateur conservateur le plus influent du réseau social. Sa page n’atteint pas tout à fait la popularité de celle de Fox News (330 millions d’interactions sur les douze derniers mois, contre 440 millions), mais son aura est gigantesque. Pourtant, Ben Shapiro est loin d’être un admirateur de la première heure de Donald Trump: cet orateur brillant, né en 1984, soutenait Ted Cruz pour l’investiture républicaine en 2016, et voue une haine solide à l’ancien conseiller stratégique du président américain, Steve Bannon, et à Breitbart News, où il a un temps travaillé. Il estime que les Américains ont surtout élu Trump par détestation viscérale pour Hillary Clinton.
Sur sa page Facebook, Ben Shapiro ne parle d’ailleurs qu’assez rarement du président en poste. Ses sujets favoris concernent plutôt les dérives du wokeism, terme méprisant pour l’ensemble des pensées progressistes, qu’il juge hors de contrôle. Le sujet le passionne de longue date : il s’est fait connaître en écrivant, alors qu’il était étudiant, un premier livre à succès traitant de la mainmise idéologique présumée de la gauche sur les campus américains. Tous les jours, M. Shapiro publie une dizaine de messages mettant en avant des incidents dans des manifestations de gauche, des faits divers ou des déclarations qu’il juge choquantes de personnalités publiques.
Le plus souvent, ses messages renvoient vers The Daily Wire, site d’actualité conservateur qu’il a cofondé, et qui produit également ses podcasts et ses chroniques vidéo. Les articles figurent depuis plusieurs années dans les listes des contenus les plus partagés sur Facebook.
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« Breitbart News », toujours bien vivant
On aurait presque pu croire Breitbart News, le site longtemps dirigé par Steve Bannon – qu’il a quitté pour devenir directeur de campagne de Donald Trump en 2016 –, mort et enterré. Steve Bannon est tombé en disgrâce depuis longtemps, et n’a plus l’oreille du président des Etats-Unis ; Breitbart News a été confronté à une érosion de ses annonceurs et à une chute vertigineuse de son lectorat à partir de 2017, d’après les chiffres de la société spécialisée Comscore. Site-phare de la droite alternative, « Breitbart News a connu un long déclin », notait le Washington Post à l’été 2019.
Pourtant, les données de Facebook dépeignent une réalité très différente, dans laquelle l’intérêt pour le « site le plus partisan des Etats-Unis », comme le décrivaient les résultats d’un sondage réalisé en 2018, n’a pas vraiment décru. Sur l’année écoulée, et avec près de 270 millions d’interactions, la page Facebook du site a été plus partagée, « likée » ou commentée que celle de la chaîne CNN (207 millions d’interactions). La ligne éditoriale de Breitbart, violemment anti-islam et anti-immigration, semble toujours faire recette ; les discussions de ses partisans ont simplement moins lieu sur son site et davantage sur sa page Facebook.
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Dan Bongino, l’agent pas si secret
Contrairement à de très nombreux commentateurs politiques américains, Dan Bongino a longtemps exercé un autre métier. Entré dans la police de New York, il a ensuite été promu au célèbre Secret Service, chargé de la protection du président des Etats-Unis, où il a servi sous les mandats de George W. Bush et de Barack Obama, avant de se reconvertir dans la politique. Candidat malheureux à de multiples reprises à l’investiture républicaine pour le Congrès dans plusieurs Etats, il n’a jamais pu se faire élire – en 2016, sa campagne a accusé un coup fatal après la publication d’une conversation au cours de laquelle il a insulté un journaliste.
Depuis, M. Bongino a une obsession : « owning the libs » (« se faire les gauchistes »), comme il le résumait en 2018. Armé de bribes de conversations qu’il prétend avoir entendues lorsqu’il travaillait à la Maison Blanche, ainsi que de ses 3,2 millions d’abonnés Facebook, l’ancien membre des forces de l’ordre publie une grande quantité de messages appelant à soutenir la police face aux manifestants. Il défend aussi plusieurs théories complotistes qui voudraient que Donald Trump ait été ou soit toujours surveillé illégalement par le FBI, quand il ne s’en prend pas aux médias – qu’il dit suspecter d’être tous corrompus – ou qu’il ne critique pas la gestion des grandes villes démocrates.
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Franklin Graham, l’évangélique
Franklin Graham a foi en Dieu et en Donald Trump. Cet évangélique médiatique n’a pas attendu Facebook pour bâtir sa carrière. Fils du célèbre prédicateur baptiste Billy Graham, il était un invité régulier des talk-shows américains avant la naissance du réseau social, où il développait déjà ses positions pour la guerre en Irak et contre l’islam ou l’homosexualité. Sur le réseau social, où il cumule près de 9 millions d’abonnés, l’homme est une superstar, qui fédère des Américains conservateurs.
Sur sa page, il alterne des citations de la Bible et des appels à la prière pour les policiers comme pour les victimes des incendies dans l’ouest du pays. Pour lui, politique et religion vont main dans la main, comme à la fin d’août, lorsqu’il déplorait « l’absence de Dieu » dans la convention démocrate. Contrairement aux autres figures influentes de la « trumposphère » Facebook, Franklin Graham publie relativement rarement – certains jours, pas du tout. Une spécificité qui rend ses chiffres d’audience d’autant plus impressionnants, les publications régulières étant une pratique de base pour attirer – et conserver – un auditoire important sur Facebook.
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« The Daily Caller », le rival de « Breitbart News »
Fondé par le commentateur conservateur Tucker Carlson, qui a depuis quitté le média, le Daily Caller compte 5,4 millions d’abonnés sur Facebook, et se glisse chaque semaine parmi les sites les plus populaires sur le réseau social aux Etats-Unis. Sa ligne éditoriale est celle de la droite la plus dure : le site publie régulièrement des articles niant la réalité du changement climatique, s’oppose au mouvement Black Lives Matter, au droit à l’avortement… Le site a aussi entretenu des liens directs avec des suprémacistes blancs établis ; il a notamment publié des articles de Jason Kessler, l’organisateur de la manifestation néonazie de Charlottesville (Virginie) en 2017, durant laquelle un militant d’extrême droite avait foncé dans la foule au volant de sa voiture.
Le Daily Caller est aussi une entreprise doublée d’une fondation à but non lucratif. Les deux entités pratiquent une forme de mélange des genres qui fait planer des soupçons de fraude fiscale sur l’entreprise : les articles sont écrits par des salariés de la fondation, qui bénéficie d’avantages fiscaux, puis diffusés par le site du Daily Caller, qui lui réalise des bénéfices en vendant de la publicité. Le Daily Caller se défend en affirmant que la fondation produit des articles librement diffusables par qui le souhaite.
Enfin, le Daily Caller a, à de multiples reprises, publié des informations erronées ou volontairement trompeuses, dont un article annonçant que les courriels du serveur privé de Hillary Clinton avaient été piratés par des hackeurs chinois – ce que rien n’a jamais attesté. Cela n’a pas empêché checkyourfact.com, site édité par le Daily Caller, de rejoindre la liste des partenaires officiels de Facebook pour lutter contre la désinformation (dont Le Monde fait également partie).
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For America, pour les Etats-Unis, et surtout pour Trump
Crédité comme l’un des sites qui ont le plus contribué, en 2016, à faire élire Donald Trump, For America est très puissant sur Facebook, avec plus de 7 millions d’abonnés. Se présentant comme un compte patriote, et avec la devise « rendre la liberté virale, clic par clic », For America diffuse un grand nombre de détournements et de parodies, soigneusement conçues pour leur viralité. Le site et sa page Facebook, édités par une fondation conservatrice, affichent fièrement les remerciements du vice-président Mike Pence, qui a adressé ses « remerciements et ceux du président Trump » à For America.
Le responsable du média, David Bozell, ne cachait pas son but lors d’un entretien avec le New York Times en 2016 : « Nous voulons faire venir les gens sur notre site, mais ce n’est pas notre but premier. C’est la première leçon du marketing : il faut aller là où les gens sont déjà » – à savoir sur Facebook, qu’il décrivait comme un « marché libre pour le conservatisme ».
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David J. Harris Jr, rallier les Afro-Américains à Trump
« En tant qu’homme noir, conservateur, père, mari, chrétien, je ne pouvais pas rester plus longtemps silencieux », explique David J. Harris Jr dans la présentation de son livre, Why I Couldn’t Stay Silent (« Pourquoi je ne pouvais pas rester silencieux », 2018, non traduit). Toujours souriant, charismatique, il est aussi coutumier des coups d’éclats viraux – en juillet, il a retardé le départ d’un vol aérien parce qu’il refusait de porter un masque et a diffusé la scène en direct sur Instagram, coiffé d’une casquette « Make America Great Again », le slogan de la campagne de Donald Trump en 2016.
Anti-islam, anti-masques, David J. Harris Jr est aussi un porte-parole du discours trumpiste auprès des Afro-Américains. Il considère que la situation catastrophique dans laquelle se trouve, selon lui, la communauté noire américaine est due avant tout aux politiques menées par les démocrates.
M. Harris Jr vise notamment la théorie, très populaire dans la droite américaine, selon laquelle la destruction de la cellule familiale traditionnelle, soutenue par la gauche et la planification familiale, a fait empirer la situation dans les quartiers pauvres et majoritairement noirs, qui comptent les proportions les plus importantes de mères célibataires du pays. Il fait aussi partie du conseil d’administration de l’organisation Black Voices For Trump et de Blexit, une organisation violemment antidémocrate destinée aux Noirs américains.
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PragerU, vidéos branchées et gaz de schiste
C’est le Now This (ou Brut, en France) de la droite américaine : un média branché, destiné aux jeunes, qui publie de très nombreuses vidéos bien montées, courtes et dynamiques, épousant les codes des médias pour jeunes adultes. Son slogan très neutre, « les idées les plus importantes en moins de cinq minutes », dissimule cependant un média résolument républicain, qui ne s’affiche pas comme tel. Certains de ses présentateurs sont directement impliqués dans la campagne, comme C. J. Pearson, qui dirige Teens for Trump (« les ados pour Trump »).
Suivi par plus de 4,3 millions de personnes, PragerU diffuse régulièrement des vidéos au contenu factuellement très contestable. Il est directement géré par la Prager University. Cette association s’est lancée grâce à un financement des frères Wilks, milliardaires conservateurs qui ont fait fortune dans l’exploitation du gaz de schiste – le média a publié des vidéos qui minimisent le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique.
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Diamond And Silk, les sœurs trumpistes
Diamond And Silk (« le diamant et la soie ») forment un duo de sœurs décapant : ces commentatrices aussi conservatrices qu’exubérantes se sont fait connaître nationalement en accusant Facebook de censure en 2016, au cœur de la campagne présidentielle. Repérées par l’équipe de campagne de Donald Trump, les deux youtubeuses ont participé à plusieurs de ses meetings, avant d’obtenir leur propre chronique sur Fox News – un long chemin pour ces Afro-Américaines qui votaient initialement démocrate.
La chaîne câblée a mis fin à leur collaboration après la diffusion par Diamond And Silk de théories du complot concernant le coronavirus. Sur le réseau social, qu’elles continuent d’accuser régulièrement de censure, elles diffusent aussi bien des sketchs que des versets de la Bible, entre deux photos en compagnie de Donald Trump et d’images promotionnelles pour des gourdes à leur effigie.
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Dinesh D’Souza, l’apôtre du complot
Douze livres, quatre documentaires – et un cinquième à venir le 9 octobre : Dinesh D’Souza est un auteur prolifique et qui ne s’embarrasse pas trop de faits. Un seul exemple : son documentaire Death of a Nation, sorti en 2018, décrit Adolf Hitler comme un « homme de gauche » et un « allié de la communauté LGBTQ », sans un mot pour les victimes déportées dans les camps de concentration parce qu’elles étaient homosexuelles.
Sur sa page Facebook, il diffuse alternativement des éloges de Donald Trump et des informations fausses ou non sourcées, affirmant par exemple que ce sont des militants d’extrême gauche qui ont allumé les incendies ayant ravagé la Californie en septembre. Aussi remonté contre le port du masque obligatoire que contre les « médias de masse » et les « vandales antifa », M. D’Souza a bénéficié en 2018 d’une grâce de Donald Trump – il avait été condamné en 2014 pour une opération de financement illégal de campagne électorale.
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