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Tribune. Au moment où je vous parle, nous vivons dans un pays dont des terroristes se sont emparés. En direct, nous voyons des gens armés terroriser un peuple entier. Chaque jour, des hommes masqués font irruption dans nos maisons ou nous kidnappent dans la rue. Chaque jour ! Ces terroristes prennent des écoliers, des femmes et des journalistes en otage. Ce sont des faits. En ce moment même, là, dans mon pays, des gens sont battus à mort et, ensuite, dans un maladroit simulacre de suicide, on les transporte jusqu’à un parc et on les pend aux arbres. On tire sur la population. Dans le dos, dans la tête, à vue, on tue. Les exactions se poursuivent tous les jours, pourtant personne ne peut nous aider. Nous n’avons ni police, ni armée, ni KGB, parce que le ministère de l’intérieur, le KGB et l’armée sont précisément les terroristes qui se sont emparés de nous.
Malgré toutes les horreurs qui nous arrivent, nous nous efforçons de ne pas perdre courage, de rester des gens libres et, le soir, d’aller par exemple au café
C’est donc ainsi que nous vivons et, malgré toutes les horreurs qui nous arrivent, nous nous efforçons de ne pas perdre courage, de rester des gens libres et, le soir, d’aller par exemple au café. Avec nos amis (ceux qui, pour l’instant, n’ont pas été arrêtés et qu’on ne torture pas dans quelque prison), nous nous efforçons de faire comme si rien n’avait changé dans notre pays, mais sans résultat probant. A notre table, à la table voisine et à toutes celles qui nous entourent, les gens ne font que parler politique et des événements en cours. Ce n’est même pas que nous n’en ayons pas envie, mais nous sommes juste physiquement incapables de parler d’autre chose. Nous ne regardons pas de films, nous ne draguons pas de filles ou de gars. Même si, tout à coup, nous nous mettons sans raison à parler football, nos commentaires ne portent guère sur les actions, pour se muer bien vite en une évaluation des gestes de solidarité après chaque but. Nous n’avons plus d’équipe favorite. Désormais, nous sommes tous contre le Dynamo (parce que c’est l’équipe de la police) et soutenons le Krumkachy avec une belle unanimité [club de football amateur dont deux joueurs ont été roués de coups lors de manifestations pacifiques ; l’un d’eux a eu la colonne vertébrale brisée].
Si la conversation en vient à porter sur une fille, ce n’est ni sa beauté ni son charme que nous commentons, ni son sens de l’humour ni son arsenal de sarcasmes, mais son courage, sa créativité et son intrépidité. Les manifestations durent depuis déjà plus d’un mois et, à présent, il est évident pour tout le monde que si le troisième jour, après une dispersion extrêmement violente des manifestants (à coups de balles en caoutchouc et de Flash-Ball), les femmes n’étaient pas sorties dans les rues de Minsk avec des fleurs, il est fort probable que le mouvement aurait calé depuis longtemps. Installés au café, nous convenons tous que ce sont précisément les femmes biélorusses, les intrépides femmes biélorusses, au cœur de cette orgueilleuse protestation, qui recevront le prochain prix Nobel de la paix, parce qu’il ne peut en aller autrement, parce que cette récompense deviendra un simple écho de la véritable récompense, à savoir la liberté pour laquelle nous nous battons tous à l’heure actuelle et que nous conquerrons forcément.
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