« Chaque crise politique à Bamako se traduit par un débordement de la violence au Sahel »

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Rassemblement sur la place de l’Indépendance à Bamako, le 8 septembre 2020, à la suite d’un appel du Mouvement populaire du 4 septembre (MP4), en faveur de la junte au pouvoir.

Tribune. Depuis le coup d’Etat du 18 août, tout semble tourner en rond au Mali où, pourtant, l’urgence est partout. Passées l’émotion et la paradoxale euphorie qui ont accompagné les forces spéciales entrant dans Bamako depuis le camp de garnison de Kati après des mois de lutte pour plus de démocratie, il faudrait, maintenant, regarder la réalité en face.

La jeunesse malienne qui, par dépit ou espoir, s’était rangée avec la classe politique désemparée derrière un imam Dicko prêchant la bonne gouvernance, doit certainement s’interroger sur ce fait inédit après le départ d’IBK qui représentait, à ses yeux, la « soumission du pays à la France ». Le rêve de démocratie, de rupture et de réformes a finalement débouché sur l’arrivée d’une junte annonçant de bonnes intentions à défaut de mesures ou de solutions, mais pas encore son départ. Avant de se raviser, n’avait-t-elle pas réclamé, initialement trois ans de transition… militaire ?

Le rêve de démocratie, de rupture et de réformes a finalement débouché sur l’arrivée d’une junte annonçant de bonnes intentions à défaut de mesures ou de solutions, mais pas encore son départ. N’a-t-elle pas réclamé, initialement trois ans de transition… militaire ?

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Au-delà du vent du nationalisme et de l’anti-impérialisme qui a soufflé au Sahel le temps d’un coup d’Etat qui aurait concrétisé le rêve de la fin de « l’emprise française », la réalité malienne, elle, reste inchangée et préoccupante. Malheureusement, elle semble noyée dans la jubilation suscitée par la chute d’un « bourreau », ébranlé, délégitimé, tandis qu’est scrutée l’arrivée immédiate mais peut-être improbable de Russes ou d’autres acteurs. Certainement pas en bon samaritain !

L’expérience africaine de la Russie ne s’est, d’ailleurs, jamais forgée dans le sable sahélien, à part l’Ethiopie et la Somalie dans les années 1970 en plus d’un manque d’agilité diplomatique au-delà de la dotation en matériel militaire.

La junte déjà débordée

Pendant ce temps, le Mali est dans le statu quo avec deux tiers du territoire ne répondant plus aux commandes de Bamako où l’on peut encore se promener de manière sûre ou parader en « command car » et treillis. La junte semble déjà débordée par les réalités du pouvoir politique.

Les religieux reprennent du poil de la bête pour s’ériger en caution ou bouclier démocratique. Le chérif de Nioro-du-Sahel [localité de l’ouest du pays], Bouyé Haïdara, comme l’imam Mahmoud Dicko qui avait, trop vite, annoncé son retrait dans sa mosquée pour finalement rappeler que celle-ci « est bien au Mali », pèsent encore sur la situation. Pour conduire la transition, ils se sont ligués : « Tout le monde sauf Soumeylou Boubèye Maïga », l’ancien premier ministre qu’ils avaient évincé en 2019.

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En même temps que les nouveaux maîtres de Bamako laissent voir, de jour en jour, leur impréparation à la gestion du pouvoir, la bande d’Assimi Goita [le chef de la junte] laisse un grand vide dans le commandement sur le terrain au nord, mais surtout dans le centre du pays où ils ont tous servi. Le colonel Goita a fait ses armes à Sévaré, alors qu’Ismael Wagué, le communiquant du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), a été surtout dans la zone stratégique de Koro-Bankass.

Ces officiers opérationnels semblent aujourd’hui délaisser leurs zones au profit des groupes terroristes qui se livrent de rudes batailles. Les hommes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag-Ghali font la chasse à l’organisation Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) dans le cadre d’un vaste « nettoyage » du Mali et du Burkina Faso, jusqu’aux confins du Nord-Tillabéri au Niger. Cette seconde crise malienne en cours est aussi sahélienne et sous-régionale.

Une situation sécuritaire qui se dégrade

Pendant que les tractations politiques vont bon train à Bamako, au sein de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et avec le reste de la communauté internationale, la situation sécuritaire régionale, elle, n’attend pas. Elle se dégrade au Mali où l’arrivée des militaires au pouvoir n’a pas ramené la quiétude aux populations du centre comme du nord qui sont dans l’expectative. Les groupes terroristes qui s’étaient fait un peu oublier le temps du coronavirus – un moment de réorganisation et de reconfiguration – ont repris les attaques.

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A chaque fois qu’il y a une crise politique institutionnelle à Bamako, cela se traduit par un débordement de la violence et du djihadisme au Sahel. L’étau se resserre sur cette région sur laquelle planent d’importants risques d’instabilité. La déroute de l’EIGS risque de le jeter dans les bras du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap en anglais, apparu en 2016 à la suite d’une scission avec Boko Haram), avec le risque d’un nouveau front de jonction qui menacerait particulièrement et gravement le Niger.

Les attaques de ces derniers jours à la frontière entre le Mali et la Mauritanie sont le signe d’une reprise en main progressive de la situation par le GSIM dans les seules poches de cette région qui étaient encore sous contrôle relatif de l’armée malienne. Sur la même frontière, les zones de Guiré et de Nara ont récemment subi de violentes attaques et des embuscades répétitives.

Errements diplomatiques régionaux

A partir du Mali, l’alerte est aussi donnée d’une forte avancée du front djihadiste vers Kayes non loin des frontières sénégalaises, rare îlot de stabilité dans la région. Le débordement vers la Côte d’Ivoire est net depuis les attaques de juin 2020 dans l’extrême-nord où opère à partir du sud du Burkina Faso la katiba de Serma du GSIM créée en 2012 par Souleymane Keïta dit « Al-Bambari » (le Bambara). Ce dernier est détenu au Mali depuis 2015 et l’objet de fortes tractations dans le cadre d’un échange pour la libération d’otages aux mains des djihadistes.

Combinée aux effets inéluctables des troubles politiques en vue d’échéances électorales à haut risque, cette situation doit alerter la communauté internationale. Mais, au désarroi malien s’ajoutent les errements diplomatiques régionaux et les tâtonnements dispersés des partenaires internationaux du Sahel.

Malgré les « assurances » de la junte, l’opération militaire française « Barkhane », qui ne gagne ni la guerre contre le terrorisme ni la paix avec les opinions publiques sahéliennes, s’interroge. Au moment où on parle du déploiement de « Takuba », cette force spéciale européenne qui devrait combattre aux côtés d’unités entraînées dans la zone des trois frontières du Liptako-Gourma, au Mali, les militaires les plus opérationnels semblent avoir fait, pour l’heure, le choix risqué des stratégies politiques de salon.

Les tergiversations se poursuivent entre caciques du M5-RFP [la coalition d’opposants qui contestaient depuis des mois « IBK »], craignant de se faire voler leur révolution enfantée dans la douleur de l’engagement et les militaires qui en revendiquent l’immaculée conception. Pendant ce temps, l’avenir de l’Etat de droit au Mali est plus qu’incertain, les risques sécuritaires hantent le Sahel et ses partenaires régionaux comme internationaux plus que jamais désarmés et en compétition.

Bakary Sambe est directeur du Timbuktu Institute et enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal.

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