« Boucler un accord permettrait à Boris Johnson de faire taire les critiques »

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Le négociateur britannique David Frost arrive à Downing Street, le 8 septembre, pour deux jours de négociations avec l’UE.

Le Royaume-Uni a formellement quitté l’Union européenne (UE) le 31 janvier, près de quatre ans après un référendum historique marquant la fin de quarante-six ans d’intégration à l’Union. Le pays reste régi par la réglementation européenne jusqu’à fin décembre, et d’ici là, les deux parties tentent de définir leur future relation. Mais les négociations butent notamment sur la présence de pêcheurs européens dans les eaux britanniques, et les conditions de concurrence équitable. Notre correspondante à Londres Cécile Ducourtieux a répondu aux questions des lecteurs du Monde sur les enjeux de ces négociations lors d’un tchat.

jyco : En cas de « no deal », qui perd le plus, l’UE ou le Royaume-Uni ?

Cécile Ducourtieux : Le gouvernement britannique veut croire – ou laisser croire aux Britanniques – que les Européens auraient davantage à perdre. Mais les chiffres sont assez clairs : 47 % des exportations britanniques vont dans l’Union européenne contre 8 % des exportations européennes qui vont au Royaume-Uni. En cas de « non-accord » commercial, un retour de taxes aux frontières ferait donc plus de mal aux Britanniques, entreprises et particuliers.

Xavier : Pourquoi Michel Barnier ne siffle-t-il pas la fin de la récréation en imposant des critères pour accéder au marché commun ?

La négociation en cours va au-delà de l’aspect commercial même si ce dernier en constitue la partie la plus consistante. Londres et Bruxelles parlent aussi de coopération de recherche, en matière de sécurité et de défense, etc. On en parle moins parce que cela « coince » moins. Mais il n’est pas question pour les Européens de mettre fin aux discussions commerciales : ce serait difficile de s’accorder sur les autres aspects, cruciaux, d’un futur deal. En outre, Bruxelles refuse absolument de porter la responsabilité d’un échec des négociations.

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Un Européen non-pêcheur : La position de l’UE sur la pêche est que le Royaume-Uni doit accepter le statu quo (à savoir, que les quotas de pêche en eaux britanniques soient majoritairement attribués aux pays européens sans possibilité d’ajustement futur). Même en tant qu’Européen convaincu, je comprends en quoi les Britanniques peuvent trouver cette position déraisonnable : ils quittent l’Union après tout, et ces eaux sont leurs eaux territoriales. Pourquoi les pays européens ne sont-ils pas prêts à faire un effort sur cette question, si cela permet de débloquer la situation globale ?

Vous avez raison, la position de négociation des Européens sur la pêche est extrême et elle est clairement utilisée par les négociateurs pour obtenir le maximum sur d’autres sujets. Il n’est pas exclu que les Européens cèdent du terrain. Michel Barnier était prêt à des concessions cet été, mais a été rappelé à l’ordre – pour l’instant – par les huit Etats les plus concernés par le sujet (la France au premier rang, mais aussi l’Espagne, la Belgique ou les Pays-Bas).

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Mycroft : Peut-on raisonnablement penser que le Royaume-Uni, ou du moins ses dirigeants, fait tout son possible pour ne pas obtenir d’accord ?

Non, il n’est pas raisonnable de penser que le gouvernement britannique « fait tout son possible » pour ne pas obtenir d’accord. Peut-être que certains dans l’entourage de Boris Johnson pensent que le « no deal » serait un « bon résultat » pour le pays (comme l’a affirmé le premier ministre lundi). Mais M. Johnson est très critiqué pour sa gestion ratée de la pandémie, même dans ses rangs conservateurs, où on commence à s’inquiéter et à pointer l’incompétence de son gouvernement. Boucler un accord permettrait de faire en partie taire ces critiques. Surtout, un « no deal » donnerait des arguments imparables au SNP (Scottish National Party), le parti indépendantiste écossais, qui est déjà au plus haut dans les sondages.

just-a-thought : La mise en place abrupte de la quatorzaine n’était-elle pas un moyen de faire pression sur l’UE ?

Non, a priori, aucun rapport. Le gouvernement Johnson a raté la première vague du Covid-19 (près de 42 000 morts sur le territoire britannique), il est tétanisé par la peur d’une deuxième vague et il a voulu agir fermement pour tenter de calmer les critiques qui lui reprochent de n’avoir pas agi assez promptement. Pour rappel, les aéroports britanniques sont restés complètement ouverts, sans aucun contrôle, jusqu’à la fin du mois de juin 2020.

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Welcome to London : Même dans l’éventualité d’un accord de dernière minute entre les négociateurs britanniques et européens, existe-t-il parmi Les Vingt-sept un risque de non-ratification avant le 31 décembre, qui suspendrait la mise en œuvre de l’accord ?

Ce risque ne peut pas être exclu. Il s’agira d’abord de savoir si l’accord obtenu doit être ratifié uniquement par le Conseil européen et le Parlement européen, côté UE, ou s’il doit passer par tous les parlements de tous les pays européens… S’il s’agit d’un traité commercial pur et simple, a priori, il n’aura que les « barrages » du Conseil et du Parlement européens à passer. M. Barnier ayant, ces quatre dernières années, toujours pris soin de ne pas s’éloigner de son mandat et de les tenir informés en permanence, le feu vert ne devrait pas être trop dur à obtenir.

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CM : Est-ce qu’un accord (ou un manque d’accord) devra être validé par le Parlement britannique ?

Il me paraît difficile qu’un tel accord ne le soit pas. Boris Johnson disposant d’une confortable majorité à Westminster, avec des élus conservateurs qui sont presque tous sur sa ligne « pro-Brexit », il ne serait a priori pas dans la situation impossible dans laquelle s’était retrouvée Theresa May en 2018-2019. Mais « wait and see », la politique britannique est devenue très volatile !

Thomas : Le passeport financier européen peut-il être retiré aux Britanniques ? Quels seraient les effets d’une telle décision ? Le sujet est-il sur la table ?

Il est d’ores et déjà clair que les Britanniques perdent le passeport européen pour leurs institutions financières. Il sera remplacé à la fin de la période de transition par ce que, à Bruxelles, on appelle des « équivalences » : un droit d’opérer sur les marchés financiers communautaires accordé par la Commission européenne, mais qu’elle peut retirer de manière unilatérale.

Orion : Bojo se vantait il y a peu de faire de son pays un pays ouvert sur le monde. A-t-il réussi à conclure des accords commerciaux avantageux avec d’autres Etats tel qu’il le promettait ?

En quittant l’UE, le Royaume-Uni est en effet censé renégocier une quarantaine de traités commerciaux avec le reste du monde. Pour l’instant, aucune discussion n’a abouti même si les négociations avec certains partenaires semblent très avancées (le Japon). Avec les Etats-Unis, les discussions butent notamment – c’était à prévoir –, sur l’agriculture (le fameux poulet chloré américain, dont les Britanniques ne veulent pas). Etant donné les élections américaines en novembre prochain, il n’y aura probablement aucun « deal » entre Londres et Washington avant de longs mois.

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Antoine V. : Quel est l’impact de la médiatisation (parfois très politisée de part et d’autre de la Manche) sur les négociations ?

Bonne question : très difficile de répondre… Au Royaume-Uni, le gouvernement communique avant tout avec son audience nationale avant de parler à Bruxelles, quand il « briefe » la presse. Et la communication n’est pas univoque : elle peut venir de plusieurs sources différentes au gouvernement et/ou chez les députés. Quel est l’intérêt, pour le Daily Telegraph, par exemple, d’assurer la semaine dernière, au moins pour la troisième fois en deux ans, que « Michel Barnier est sur le point d’être écarté par les leaders européens » ? De lui faire porter la responsabilité de l’impasse des discussions plutôt que d’aller voir ce qui coince dans la position de négociation de Downing Street probablement.

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London calling : A défaut d’accord dans les temps, un nouveau report de la sortie officielle du Royaume-Uni demeure-t-il une alternative techniquement possible à une sortie « no deal » ?

Le Royaume-Uni a quitté l’UE le 31 janvier 2020. Donc il n’est plus question d’un report. Nous sommes actuellement dans la période de transition : le Royaume-Uni jouit encore de presque tous les droits (et des devoirs) d’un Etat membre, le temps de trouver un accord futur avec l’UE. Le gouvernement Johnson a légiféré sur le fait que cette transition s’achevait le 31 décembre prochain. Elle pourrait toujours être techniquement prolongée, mais devrait faire l’objet d’un sous-accord entre Londres et Bruxelles, et Boris Johnson se dédirait par rapport à ses élus et ses concitoyens.

Le Monde

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