[Tribune] La lutte pour les droits des femmes tunisiennes est loin d’être finie – Jeune Afrique

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Ce 13 août, la Tunisie fête le 64ème anniversaire du Code du statut personnel (CSP) instauré par Habib Bourguiba. Pourtant, rien n’est vraiment acquis en matière d’égalité hommes-femmes.


Tous les 13 août, le temps se fige en Tunisie comme si l’histoire prenait la pause pour repasser en boucle les événements du 13 août 1956. Parmi les premières décisions du pays devenu indépendant, la promulgation par Habib Bourguiba du Code du Statut Personnel (CSP) marque encore les esprits.

L’acte n’est pas anodin ; une première dans le monde arabe, et même par rapport à certains pays occidentaux, qui faisait accéder les Tunisiennes à des droits et des devoirs les plus étendus. 64 ans plus tard, la Tunisie continue de capitaliser sur ce moment exceptionnel. Seulement, au fil des années l’image s’est affadie et le propos devient obsolète.

Depuis la révolution de 2011, certains acquis ont été remis en question

Pourtant, contrairement à tout ce qui se dit, pour les Tunisiennes rien n’est vraiment acquis. Depuis la révolution de 2011, leurs acquis ont été objets de discussion et parfois remis en question ; la résistance de la société civile et la pression des partis d’opposition ont permis de les sauvegarder.

Seulement, ces modernistes, attachés à la démocratie ont, entre temps, subi des revers électoraux et ont disparu de la scène politique. Ils laissent en legs  une constitution dont l’article 21 stipule que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune.

L’État garantit aux citoyens les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie décente » consolidé par d’autres dispositions dont celle de l’article 46 qui fait de l’État le garant des droits acquis et de la parité.

L’égalité, un vœu pieu que nul ne songe à faire appliquer

Tout va donc bien dans le meilleur des mondes possibles ? Sur le papier certainement, dans la pratique il en est autrement. Finalement, les textes portant sur les égalités formulent bien souvent des vœux pieux auxquels nul ne songe à se référer ou à faire appliquer.

L’une des dernières innovations consiste à séparer les femmes et les hommes dans les files d’attentes

D’ailleurs, l’une des dernières innovations consiste à séparer les femmes et les hommes dans les files d’attentes dans les institutions publiques. Ce n’est pourtant pas tout à fait cette égalité que l’État s’était engagé à faire appliquer.

Alors de quoi parle-t-on quand on commémore la Fête nationale de la femme ? Le biais est dans l’appellation en soi. La femme : de laquelle s’agit-il ? La question pourrait ravir des psychanalystes mais il semble évident que la femme pose problème puisque lui ait dédié, ainsi qu’à l’enfant et à la famille, tout un ministère.

Absurde quand les Tunisiennes sont vraiment « l’autre moitié de l’humanité » et sont mêmes plus nombreuses que leurs concitoyens. À moins que les hommes, les mâles dominants dans l’imaginaire patriarcal ambiant, n’aient pas de problèmes spécifiques qui méritent un ministère ?

Il se trouve que les Tunisiennes et les Tunisiens partagent les mêmes soucis en termes de vie professionnelle et personnelles, traversent les mêmes crises, souffrent pareillement de l’instabilité du pays et s’inquiètent de l’avenir.

Dichotomie entre discours et réalité

En fait, les textes de lois ne suffisent pas à changer les mentalités. Surtout que certaines femmes elles-mêmes préfèrent, tout en affirmant le contraire, être sous tutelle d’un chef de famille et sont nombreuses à persister à élever leurs fils comme des enfants rois. Une dichotomie entre discours et réalité difficile à assumer, d’autant que le premier réflexe social des filles est de réussir dans leurs études, ce qu’elles font brillamment.

Le flambeau de la contestation et de la conquête des droits des femmes passe difficilement d’une génération à l’autre

Le flambeau de la contestation, de la conquête des droits des femmes passe difficilement d’une génération à l’autre. Personne ne s’insurge quand les femmes sont abordées par le biais de corporation ou de minorités.

Depuis quelques années, la femme rurale est à la mode et objet de beaucoup d’attentions et de mesures. Sans résultats réels au final. Comme si le fait de vouloir traiter d’une frange marginalisée réduisait l’ensemble des femmes à une minorité.

Infantilisation

Les Tunisiennes ne sont pas une portion réduite d’une société qui tend d’une part à les infantiliser et qui loue en même temps leurs compétences. Cette ambiguïté originelle explique sans doute que le début de victoire, incarné par le CSP et le mouvement féministe tunisien, s’est essoufflé après que le politique ne se soit plus préoccupé d’émancipation féminine.

« Bien sûr, Bourguiba croyait dans le potentiel des femmes. Mais il était aussi pragmatique : leur vote lui a été bien utile. Il aurait fallu que les citoyens aussi adhèrent au CSP ; or ils ont été mis devant le fait accompli », raconte Mounira, une enseignante qui a commencé sa carrière à l’indépendance.

Travailler sur les mentalités est l’unique chantier qui vaille la peine

64 ans plus tard, les mêmes tiraillements empêchent l’évolution des Tunisiennes dans une société qui veut une chose et son contraire ; la modernité, la liberté et l’émancipation mais aussi le respect du conservatisme le plus rétrograde.

« Pour faire moderne et coller au lexique des institutions internationales, on va nous dire qu’il s’agit de genre. Et après ? Cela résout quoi ? », tempête la retraitée qui estime que le néo-féminisme serait de revenir aux fondamentaux, « travailler sur les mentalités est l’unique chantier qui vaille la peine. Tout le reste n’est que mesurettes, cosmétique et pose ».



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JeuneAfrique

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