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Hervé Cangy connaît bien l’industrie sucrière puisqu’il y a passé une trentaine d’années. Mais les plus enrichissantes et par conséquent, les plus marquantes, ont été les dix dernières qu’il a passées en tant qu’ajusteur sur la sucrerie de Médine, établissement qui, depuis une semaine, a obtenu, l’autorisation du gouvernement de pouvoir fermer ses portes.
Bien qu’Hervé Cangy, 49 ans, sourit, il a une certaine tristesse au fond du regard. Ce n’est pourtant pas la première usine dans laquelle il a travaillé qui ferme ses portes en raison de la centralisation. Il a vécu une autre fermeture antérieurement et sur une sucrerie où il a pourtant passé 18 ans. Mais celle qu’il s’apprête à vivre est plus triste, concède-t-il. «Façon nou été dan Médine, lakaz mama sa».
C’est visible qu’il a le cœur gros. Si bien que l’on peine à croire qu’une carrière dans l’industrie sucrière n’était pas son premier choix de métier. «J’ai fait ma scolarité secondaire au collège Adventiste. Mon père était charpentier de marine. Pendant les vacances, j’allais l’aider à retaper les pirogues. C’est comme ça que j’ai aimé ce métier de charpentier de marine.»
«Il appréciait aussi la période après la coupe car il fallait alors démonter toutes les machines…»
Sauf qu’à un moment, son frère aîné, qui est employé sur une sucrerie, fait appel à lui car l’établissement a besoin de bras. Il y est embauché comme casual worker. «En voyant toutes ces grosses machines, toutes ces pièces, cela m’a intéressé. Au fur et à mesure que j’avançais, j’étais complètement pris par elles.» L’usine l’envoie suivre des formations, d’abord en mécanique automobile auprès de l’Industrial and Vocational Training Board, puis en grosse mécanique au collège St Gabriel. Mais maintenant qu’il avait pris goût des grosses machines, il était hors de question pour lui d’être affecté au garage. Ce qu’Hervé Cangy voulait, c’était être à l’usine, «résoudre les problèmes des moulins». Il reste employé de cette sucrerie pendant 18 ans. Lorsque l’établissement ferme ses portes, c’est un chapitre de sa vie qui se referme.
Il a développé une telle expertise que sa réputation est faite. Un employé de FUEL l’approche. Ils ont besoin de ses services au niveau la centrale thermique et il s’y rend. Il est affecté aux chaudières. Hervé Cangy le fait pendant six mois mais pas plus.
Lui qui aime bien relever les défis, prend le pari de suivre un cours d’anglais auprès du British Council. «C’était une expérience très forte. Après une coupure de 18 ans avec les études, je retournais quasiment sur les bancs de l’école pour apprendre l’anglais. J’étais un artisan parmi des élèves de Form VI. Il fallait recommencer à étudier. Je le faisais entre 21 heures et 1 heure du matin. Malgré le côté éprouvant, la récompense a été belle», dit-il puisqu’il a obtenu son diplôme.
Comme il déteste se croiser les bras, il se fait bûcheron, coupant des arbres, élaguant les branches et nettoyant les terrains en friche. Jusqu’à ce qu’un ami l’approche pour lui dire que la sucrerie de Médine cherche un ajusteur qualifié. C’est ainsi qu’il a fait son entrée à Médine. C’était il y a neuf ans. Hervé Cangy est chargé de réparer des pièces cassées, d’en fabriquer d’autres si nécessaire, d’effectuer des modifications sur le système s’il y a lieu. S’ils sont une vingtaine dans l’atelier, il est épaulé par quatre autres ajusteurs. Bien vite, une amitié se développe entre eux. Ce qu’il apprécie, c’est que les deux General Managers qui se succèdent, Jean-François Rault et Robert Mariette, consultent les employés et son expertise est mise à contribution.
Les moments les plus intenses sont lorsqu’il y a panne de moulin durant la coupe. «Cela demande que nous soyons sur pied pendant de longues heures, jusqu’à 24 heures parfois, pour tenter de relancer la production qui s’est arrêtée. C’est déjà arrivé que nous connaissions trois jours de panne. Tout le monde a alors mis la main à la pâte. Il a fallu démonter tout pour chercher d’où venait l’erreur. On le faisait avec enthousiasme, chacun essayant de voir comment il pouvait s’y prendre pour résoudre le problème. Au bout de trois jours, nous avons réussi à faire redémarrer le moulin. Ce type de panne resserre les liens et rend l’ambiance encore plus extraordinaire.»
Les moments qu’il appréciait le plus, c’était juste avant l’ouverture de la coupe lorsque le prêtre de la paroisse venait célébrer la messe. Il y participait pleinement car il faisait partie de la chorale. «Et la période de coupe, c’était aussi l’occasion pour les travailleurs de faire des heures supplémentaires et d’avoir un peu plus d’argent entre les mains pour penser à l’avenir des enfants. On arrivait à 7 heures et on partait à 18 heures, parfois c’était 22 heures, dépendant de la situation du travail.» Un autre bon moment, souligne-t-il, était à la fermeture de la coupe, lorsque les employés se réunissaient pour la messe d’actions de grâce.
Hervé Cangy appréciait aussi la période succédant à la coupe car il fallait alors démonter toutes les machines, les nettoyer et vérifier qu’elles fonctionnent afin de prévenir les éventuels problèmes à la future coupe.
Lors de la centralisation de l’industrie sucrière, il était question que quatre usines restent en opération. Médine était de celleslà. Mais il y a trois ans, Hervé Cangy a senti que quelque chose ne tournait plus rond. «On sentait que les choses ne marchaient plus comme avant. Il n’y avait pas d’investissements, moins de remplacements à faire, moins de cannes à broyer et pas de renouvellement de travailleurs. Lorsque Médine a fait sa demande officielle de fermeture au gouvernement le 29 septembre dernier, on a compris que zafer pa bon.»
En attendant l’accord de fermeture du gouvernement, qui est tombé vendredi dernier, tous les employés continuent à venir à l’usine dès 7 heures. Ils sont censés rester jusqu’à 16 heures. Mais s’il n’y a pas grand-chose à faire, dès 11 heures, le personnel était autorisé à rentrer.
Conformément au Blue Print, Hervé Cangy a accepté sa compensation et un terrain. Il a d’ailleurs fait partie des sept employés à négocier avec la direction sous tutelle de la Mauritius Cane Industry Authority. S’exprimant en son nom personnel, il se dit touché que la direction a accepté les demandes des employés. Par exemple ? «La direction voulait nous offrir un terrain à Beaux-Songes. Nous avons refusé et demandé des terrains à Cascavelle à la place. Notre demande a été agréée. Et pour tout cela, il faut remercier la direction.»
Le chagrin de cet homme marié et père de deux enfants de 12 et neuf ans respectivement, tient aussi au fait qu’il est conscient qu’après la fermeture de l’usine, la vie fera son oeuvre d’usure et qu’il ne reverra plusieurs de ses amis qu’au cours de funérailles. S’il sait qu’il ne restera pas longtemps sans emploi, il ne veut plus retrouver le monde de l’industrie sucrière. D’abord parce que les trois usines encore en opération sont trop éloignées de son domicile de Camp- Levieux, à Rose-Hill. Et ensuite parce qu’il veut d’un emploi plus léger. «Je crois que je vais me concentrer sur mon travail de bûcheron. J’investirai dans d’autres équipements. Mo dir mwa ki enn paké dimounn ki travay Médine pou gagn terin, la. Ek zot pou bizin enn bisron pou netway zot later…»
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