« Cela doit être puni, sinon on n’osera plus parler des marabouts »

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Mbaye Thiandoum, le rédacteur en chef des « Echos », dans les locaux saccagés du journal, à Dakar, le 4 août 2020.

Et si l’attaque du quotidien Les Echos annonçait un recul de la liberté de la presse au Sénégal ? Dans l’espace où travaillaient les journalistes, c’est la désolation. Seuls deux appareils électroniques fonctionnent encore, les écrans des ordinateurs sont brisés, la carcasse du poste de télévision gît en morceaux… Ce mardi 4 août, l’organe de presse portait encore les traces des actes de vandalisme de la veille. « Nos locaux ont été attaqués vers 13 heures par des hommes qui se sont présentés comme des disciples du guide religieux Serigne Moustapha Sy », raconte Mbaye Thiandoum, le rédacteur en chef.

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Lundi, le journal avait affirmé en une que ce dignitaire de la confrérie des tidianes, président du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), avait été hospitalisé à Dakar, atteint du Covid-19. « Cette information n’a pas plu à certains disciples, qui sont venus tout casser », résume Mbaye Thiandoum, encore abasourdi. Il affirme avoir reçu, peu avant l’attaque, un appel téléphonique d’un proche du marabout se plaignant du contenu de l’article.

Dans un communiqué, le PUR avait dénoncé les « mensonges éhontés » du journal, affirmant que leur président était « bien portant ». Ce texte menaçait d’ailleurs à mots couverts l’organe de presse d’un « Laissez-le tranquille si vous voulez la paix », sans pour autant appeler au vandalisme. Aujourd’hui, une source proche du PUR, qui souhaite garder l’anonymat, assure que « ces actes n’ont pas été dictés par le parti » et qu’à ses yeux « ce sont des jeunes incontrôlés de la communauté politique ou religieuse qui ont agi de leur propre chef ».

« Coquille vide »

« Les contestataires ont la possibilité de demander un démenti ou de recourir à la justice s’ils s’estiment diffamés. Nous ne sommes pas obligés de nous taire parce qu’il s’agit d’un marabout ! », s’offusque Mbaye Thiandoum, qui s’inquiète pour la liberté de la presse dans son pays. Pour lui, « de tels actes doivent être punis, sinon la presse n’osera plus parler des marabouts et toute personne se sentant diffamée pourra s’attaquer aux journalistes ».

Pour soutenir leurs confrères et demander justice, les associations sénégalaises de presse se sont réunies devant les locaux des Echos, mardi. « Cet acte de terreur appelle à une condamnation de tout patriote soucieux de l’avenir démocratique du Sénégal », a lu solennellement, devant une dizaine de caméras, Mamadou Ibra Kane, le président du Conseil des diffuseurs et des éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS) : « Nous en appelons à la responsabilité du gouvernement de la République du Sénégal afin que la sécurité des journalistes soit une réalité avec le parachèvement des textes du code de la presse. »

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En 2017, un nouveau code de la presse a été voté à l’Assemblée nationale. « Mais c’est une coquille vide, surtout en matière de protection des journalistes », dénonce Mamadou Ibra Kane auprès du Monde Afrique. Selon lui, plusieurs actes similaires envers des reporters ont eu lieu ces derniers mois. « Il plane une vraie menace sur la liberté de la presse, car aucune poursuite n’a été lancée contre les auteurs de ces agressions. Nous espérons que cela évoluera avec le cas des Echos », continue-t-il, dénonçant un lobby des milieux religieux, politiques et économiques.

Sept suspects

Le ministre de la culture et de la communication, Abdoulaye Diop, avait assuré un peu plus tôt dans la journée que « de telles dérives ne peuvent aucunement être tolérées ». Une position claire, tout comme les condamnations des organisations internationales. « Nous encourageons les responsables du journal à porter plainte afin qu’une enquête soit diligentée pour retrouver les auteurs de cet acte délictueux et les traduire en justice », écrit sur Twitter Seydi Gassama, directeur de l’ONG Amnesty International au Sénégal.

De son côté, Reporters sans frontières (RSF) rappelle que « la mission d’information des journalistes est plus que jamais essentielle durant cette période de crise sanitaire mondiale » et que « les autorités ont le devoir de les protéger, il en va du droit à l’information mais aussi de celui à la santé ». Le Sénégal figure à la 47e place du classement mondial de la liberté de la presse établi en 2020 par RSF.

Le directeur de publication des Echos, Cheikh Oumar Ndao, a passé la matinée du mardi à la gendarmerie. Selon Mbaye Thiandoum, sept suspects ont été arrêtés, dont cinq ont été amenés à la rédaction pour une reconstitution des faits.

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