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À trois mois de la présidentielle ivoirienne, les principaux états-majors politiques semblent davantage miser sur leurs leaders historiques, laissant craindre un remake des présidentielles du passé.
Ce mercredi 29 juillet, la grande salle du Sofitel Hôtel Ivoire affiche complet. Les membres du Conseil politique du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti présidentiel) convoqués d’urgence par Alassane Ouattara, 78 ans, ont répondu massivement présents.
De la tribune, Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, multiplie les paroles élogieuses à l’endroit du chef de l’État. « Monsieur le président, vous êtes notre boussole, le bouclier du RHDP, le manteau protecteur de notre pays contre les incertitudes et les aventures », lâche-t-il, salué par un tonnerre d’applaudissements.
ADO appelle à la patience
Après le décès de l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat du RHDP, le parti présidentiel est à la recherche d’un nouveau candidat. Tous les regards, au sein de la coalition au pouvoir, sont tournés vers Ouattara. Les instances du parti pressent ce dernier de se porter candidat, invoquant « le cas de force majeure ».
Ouattara prend son temps et appelle à la patience, réclamant pour répondre d’attendre l’issue de la période de deuil musulman, soit après le 18 août. Sauf surprise, cependant, il devrait être le porte-flambeau du RHDP à la présidentielle d’octobre 2020.
De l’autre côté, les deux autres principaux leaders politiques affûtent leurs armes, pour aller, une fois de plus, au combat. Henri Konan Bédié a obtenu l’onction de son parti, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Il était l’unique candidat.
« Les jeunes savent que c’est pour eux que je me présente. C’est pour qu’ils aient accès à tous les postes de gestion de la nation ivoirienne. Donc, ma mandature sera consacrée à mieux les préparer, les former à assumer ces responsabilités, dans tous les secteurs », confie Bédié, 86 ans, à qui veut l’entendre. Une profession de foi qui rappelle ceux qu’il déployait lors de la présidentielle d’octobre 2010, alors qu’il était, avec Francis Wodié, 84 ans, l’un des deux doyens parmi les candidats.
La même affiche électorale qu’en 2010… ?
Autre parti, autre potentiel candidat. La dissidence du Front populaire ivoirien (FPI) est à l’œuvre pour faire de Laurent Gbagbo, 75 ans, son candidat, alors que la branche légale présidée par Pascal Affi N’Guessan a fait de ce dernier son candidat.
L’éligibilité de Gbagbo, qui vit en liberté conditionnelle à Bruxelles depuis qu’il a été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), semble toutefois hypothétique. D’abord parce que son passeport ivoirien n’a pas encore été renouvelé. En outre, parce que son nom a été retiré de la liste électorale, par la Commission électorale indépendante (CEI).
Condamné en janvier 2018 à vingt ans de prison pour « vol en réunion par effraction, portant sur des caves à l’Agence nationale de la Bceao (Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest), et des numéraires; complicité de vol en réunion, par effraction; destruction d’une installation appartenant à autrui; détournement de deniers publics », Gbagbo, perd, selon le code électoral ivoirien, sa qualité d’électeur et de candidat éligible. Surtout, s’il met le pied à Abdijan, c’est la prison qui l’attend.
S’achemine-t-on vers la même affiche électorale de 2010, qui a vu les « trois Grands » s’affronter au premier tour, avant que Bédié rallie Ouattara contre Gbagbo, au second tour ? Rien n’est moins sûr. Sauf si le chef de l’État ivoirien décidait d’aller à l’apaisement avec ses adversaires, comme il l’avait fait deux ans plus tôt par l’amnistie de plusieurs prisonniers politiques, dont Simone Gbagbo.
« Le président Ouattara pourrait décider d’amnistier tous les politiques condamnés à l’occasion de son discours du 7 août, date commémorative de l’indépendance de la Côte d’Ivoire », espère ainsi Mamadou Traoré, responsable de Générations et peuples solidaires (GPS), le mouvement de Guillaume Soro, candidat déclaré mais en exil en France, après avoir été condamné à vingt ans de prison pour « recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux ». Dans un tel scénario, on se dirigerait vers un quasi-remake de la présidentielle d’octobre 2010, avec un Guillaume Soro non plus arbitre – il était alors Premier ministre -, mais acteur.
… Ou le scénario de la présidentielle de 2000 ?
En revanche, dans le cas où les candidatures de Gbagbo et de Soro étaient effectivement rejetées, « nous serions dans un scénario similaire à celui d’octobre 2000, avec d’un côté, un président sortant candidat à sa propre succession après avoir pourtant déclaré sa volonté de ne pas se représenter, comme le chef de la junte militaire Robert Guéï. Et de l’autre, un candidat issu du principal de l’opposition. En 2000, ce rôle avait été tenu par Gabgbo, cette fois, ce serait Bédié », estime l’analyste politique Sylvain N’Guessan.
Dans les deux cas, le spectre du passé hante les esprits. En 2000, la présidentielle qui a vu la victoire de Gbagbo face à Guéï s’est achevée par une crise postélectorale sanglante.
Dix ans plus tard, alors que le pays était divisé en deux depuis huit ans du fait de la rébellion de Guillaume Soro, l’après-second tour de la présidentielle a duré plus de quatre mois. Bilan officiel : plus de 3000 morts.
Une éventualité dont le nouveau Premier ministre Hamed Bakayoko a pleinement conscience : « Nos défis sont, entre autres, de réussir le pari de faire en sorte que nous ayons des élections dans la paix. Une élection qui est une compétition politique (…) Je veux m’investir avec cette génération parce que si nous réussissons, nous aurons mérité de nos aînés et nous aurons travaillé pour nos descendants ».
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