Soixante ans après l’indépendance, Madagascar se cherche toujours un avenir

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Prestation de serment du président Andry Rajoelina, le 19 janvier 2019 dans le stade Mahamasina, à Antananarivo.

La fête promettait d’être exceptionnelle. Le 26 mai 2019, quelques mois après son élection, Andry Rajoelina en visite officielle à Paris avait arraché à Emmanuel Macron l’engagement de parvenir « d’ici un an » à un accord sur le statut des îles Eparses, ces confettis de terres éparpillées dans le canal du Mozambique réclamées à l’ancienne puissance coloniale depuis plus de quarante ans. Dans l’esprit du président malgache, les discussions ne pouvaient aboutir qu’à une restitution qu’il se faisait fort d’offrir à son pays pour le 60e anniversaire de son indépendance. La voie lui semblait à ce point tracée que le locataire de l’Elysée avait été convié en invité d’honneur à des festivités.

Le 26 juin est arrivé et les négociations, sans être rompues, sont au point mort. La commission mixte chargée de parvenir à un compromis ne s’est réunie qu’une seule fois, en novembre 2019, à Antananarivo et il a été acté un « différend » dont on ne voit pas à ce stade comment il sera surmonté. « Tous les sujets sont sur la table, sauf la souveraineté », continuent pourtant de répéter les diplomates du ministère des affaires étrangères à Paris.

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L’épidémie due au coronavirus est à son tour venue gâcher la fête contraignant le pouvoir à s’en tenir à un défilé militaire organisé « à huis clos » sur l’avenue de l’Indépendance et non dans le stade de Mahamasina où des milliers de personnes s’étaient pressées le 26 juin 1960 pour célébrer une émancipation tant attendue. La rénovation du stade, chantier emblématique de l’Initiative pour l’émergence de Madagascar, n’a pu être achevée à temps. Et l’île qui était parvenue à contenir la propagation du nouveau coronavirus jusqu’au début du mois de mai voit, depuis l’assouplissement des mesures de confinement, le nombre de cas de contamination se multiplier. Le bilan s’établissait à 1 829 cas confirmés vendredi et 16 décès.

Des voitures « made in Madagascar »

Cet anniversaire revêt pourtant aux yeux d’Andry Rajoelina une importance singulière. Il y a dix ans, l’ancien homme fort de la Haute Autorité de la transition, parvenu au pouvoir grâce au soutien de l’armée, avait commémoré le 50e anniversaire de l’indépendance dans un pays divisé et boycotté par la majorité des puissances étrangères. Ajoutant l’opprobre aux multiples maux subis depuis si longtemps par la population de la Grande Ile de l’océan Indien.

Depuis son retour à la tête de l’Etat, il y a dix-huit mois, c’est une tout autre image que le quadragénaire essaie d’imprimer pour conjurer le cours funeste d’un des rares pays du continent où le revenu par habitant reste inférieur à celui des dernières heures de la colonisation. L’image d’« une nation décidée à changer le cours de son destin », a-t-il ainsi à nouveau martelé mardi en inaugurant le premier laboratoire malgache d’analyses médicales, dont la première mission sera de dépister les personnes contaminées par le Covid-19. Ce n’est là qu’un des exemples sur une incalculable liste de projets – universités, écoles, hôpitaux, routes, stades, villes nouvelles… – annoncés pour conduire le pays sur la voie promise de la souveraineté et du développement. Le lendemain, il dévoilait la signature d’un accord de joint-venture avec des entreprises allemandes et chinoises pour produire des voitures et des motos estampillées « made in Madagascar » sous la marque Gasycar.

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Le récit national autour d’un président volontariste et omniprésent est mis en scène comme jamais auparavant. « Aucun président africain ne mise autant sur la communication », confirme Karine Johannes, docteur en communication de l’Université catholique de Louvain (Belgique). Dans une récente tribune publiée sur Mediapart, elle a décrit à travers le lancement spectaculaire du Covid-Organics, cette tisane à base d’Artemisia annua censée éradiquer le virus, la stratégie de « nation branding » (marketing pays) poursuivie par Andry Rajoelina.

Mais cette image projetée d’un pays à la fierté retrouvée, disposant de ressources et prêt à les exploiter, recèle sa part d’ombres et se cogne à la réalité. Le président écoute peu en dehors d’un cercle restreint de conseillers et il ne fait pas bon le critiquer. L’Académie de médecine a dû ravaler ses réserves à l’égard du remède miracle distribué à la population sans avoir été testé. Membre du conseil scientifique chargé de suivre la réhabilitation du Rova d’Antananarivo, la demeure officielle des anciens souverains merina, Rafolo Andrianaivoarivony a été contraint de reprendre la démission par laquelle il entendait protester contre la construction d’un colisée au cœur de l’enceinte sacrée.

Allocation pour les plus pauvres

Alors que l’économie locale est ébranlée par les effets de la crise sanitaire, le président « bâtisseur » apparaît en décalage avec les attentes immédiates de la population. Les prévisions officielles de croissance ont été ramenées de 5 % à 0,8 %. Des hypothèses jugées encore trop optimistes par les observateurs économiques, qui anticipent une entrée en récession alors que deux tiers de la population vivent déjà sous le seuil de pauvreté.

Chute des cours de la vanille et des minerais, effondrement du tourisme… Le gouvernement a répondu par l’annonce d’un « plan Marshall » d’une somme de 1 000 milliards d’ariarys (270 millions d’euros) essentiellement tourné vers le secteur du BTP. « L’annonce de nouvelles infrastructures peut-elle répondre aux problèmes de trésorerie auxquelles font face les entreprises privées, à l’absence d’indemnités chômage pour les milliers de salariés frappés par l’arrêt de l’activité ? », interroge Hony Radert, secrétaire générale du Collectif des citoyens et des organisations citoyennes (CCOC).

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Une allocation de 100 000 ariarys (25 euros) au profit des ménages les plus pauvres a été débloquée grâce aux subventions des bailleurs. Le Fonds monétaire international (FMI) a débloqué en urgence 165 millions de dollars (147 millions d’euros) pour permettre au gouvernement de faire face à la contraction des recettes budgétaires, rappelant au passage, comme une histoire qui se répète, la longue dépendance de Madagascar vis-à-vis des financements étrangers. Derrière les discours attendus empreints de patriotisme, les Malgaches avaient certainement rêvé plus beau cadeau d’anniversaire.

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