[Société] Troubles de la vue chez des malades de la dengue : “Tout ça est encore très nouveau”

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Il y a quelques semaines, des patients à La Réunion présentaient pour la première fois une baisse de la vision après avoir contracté la dengue. Des symptômes encore jamais observés sur l’île, mais qui ont déjà été relatés ailleurs dans le monde, comme en Nouvelle-Calédonie il y a quelques années. Le Dr Maxence Lapeyre, chef du service ophtalmologie au CHU Sud, fait le point sur les recherches entamées il y a un peu moins de deux mois sur ces troubles qui, bien qu’inquiétants, ne concernent qu’une minorité de personnes touchées par la dengue. 

Ces dernières semaines, des malades de la dengue ont présenté une brutale baisse de la vision. Quels sont exactement les symptômes observés, et quand se manifestent-ils ? 

Dr Maxence Lapeyre : Depuis environ sept semaines, on a reçu une vingtaine voire une petite trentaine de patients atteints de baisse de la vue au CHU Sud, Nord, et au CHOR. 

Ces patients ont présenté une baisse d’acuité visuelle brutale : ils se réveillent le matin, et se rendent compte qu’ils ne voient pas bien. Ces troubles peuvent se traduire par une vision floue, ou des scotomes, des grosses tâches qui obstruent une partie de la vision, et ils peuvent concerner un seul oeil ou les deux yeux. Ils apparaissent entre J+8 et J+10 après le début des symptômes de la dengue. Il s’agit d’une inflammation qui vient du sang et cause des dégâts sur la rétine. 

  

 

De ce que vous avez constaté jusqu’à maintenant, les patients appartiennent à un profil particulier ? 

80% des patients traités jusqu’ici ont entre 25 et 35 ans, et quelques-uns sont entre 35 et 45 ans. Cette baisse de vision touche donc les patients jeunes surtout, avec une prédominance de femmes. 

 

 

Quel traitement y apporte-t-on ? 

Il n’y a encore jamais eu de tests ou d’étude en tant que telle pour définir un traitement, mais il fallait faire quelque chose devant l’arrivée de ces patients avec ces nouveaux symptômes. Alors on a cherché un traitement des causes inflammatoires, et utilisé des corticoïdes, pour accélérer la guérison. On les a testés tout d’abord en administration par la bouche, et ensuite sur un mode d’hospitalisation, qui est un traitement un peu plus lourd, un peu plus intense, parce qu’on s’est rendus compte que l’administration par les veines était plus efficace, même si plus contraignante. Mais les patients sont jeunes et le tolèrent bien. 

Si on veut trouver un traitement différent, il faudrait mener une vraie étude, ce qui prendrait quasiment un an à mettre en place. C’est une possibilité, mais d’un, dans l’immédiat on ne va plus avoir beaucoup de nouveaux patients avec l’hiver austral, et de deux, on a un traitement qui pour l’instant est efficace. 

 

 

Les patients gardent-ils des séquelles ? 

Tout ça est encore très nouveau, on ne sait pas encore à quel point ça évolue. On constate que les troubles disparaissent graduellement, mais même chez ceux qui ont récupéré toute leur vue, lors de l’analyse au scanner on s’aperçoit qu’on ne peut pas dire qu’il n’y a aucune séquelle. Les données sont en cours d’analyse, mais c’est possible que certains patients gardent des séquelles comme c’est le cas en général pour ce type de lésions de la rétine, ce n’est pas un trouble anodin. On aura plus de recul d’ici 4 à 5 semaines. 

Ça dépend aussi de la rapidité de traitement et d’à quel point la rétine a été abîmée. Je vois des patients qui ont expérimenté cette baisse d’acuité visuelle il y a un mois et demi, du coup je le vois trop tard. On s’est aperçus que ceux qui avaient reçu le traitement tardivement y réagissent moins bien que ceux qui ont été traités immédiatement. C’est pourquoi on pense qu’il faudrait traiter rapidement. D’autant qu’il y a une vraie baisse de vision, chez des jeunes patients. L’intensité de la perte d’acuité varie, car il y en a qui sont plus durement touchés, et certains se sont présentés avec seulement 1/10 ou 2/10 de leur vue. Ça fait un peu peur mais il ne faut pas paniquer pour autant. 

Le piège c’est que les gens maintenant attribuent le moindre problème de vue à ce nouveau symptôme de la dengue. Mais ces baisses de vision brutales ne concernent qu’une minorité de patients noyés dans une masse de personnes touchées par la dengue. Ce n’est pas du tout une généralité. 

 

 

Pourquoi n’observe-t-on ces troubles que depuis quelques semaines alors que l’épidémie est en cours à La Réunion depuis beaucoup plus longtemps ? 

Il y a plusieurs sérotypes de dengue, et ce qu’on cherche à déterminer maintenant s’il s’agit d’un nouveau sérotype, importé, ou d’un sérotype déjà présent qui aurait muté. 

On fait des tests PCR sur nos patients pour déterminer s’ils ont été infectés par un sérotype de la dengue en particulier. Ça fait partie des recherches qui sont en cours actuellement avec le CHU Nord et le CHOR. 

 

 

Où en sont ces recherches ?

La dengue, comme la grippe, était déjà connue pour donner des troubles oculaires : mais il s’agit de douleurs rétro-oculaires ressenties en bougeant les yeux, des douleurs vraiment secondaires, peu graves, et qui disparaissaient sans traitement. Mais depuis cette année, en tout cas à La Réunion, on a observé ces troubles plus graves. Des ophtalmologues présents sur l’île depuis 20 ans n’ont rapporté aucun cas de ce genre. Mais à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, la littérature rapporte des cas similaires de patients dont la vue a baissé après avoir attrapé la dengue. Mais il n’y a pas de recherches sur le sujet. 

Ici à La Réunion, on a commencé les recherches il y a moins de deux mois, mais c’est allé très vite parce que c’est nouveau et que ça a fait un peu peur. Nous échangeons entre nous sur le sujet, les services d’ophtalmologie du CHU Sud, du CHU Nord et du CHOR, et nous allons bientôt mettre en commun nos données, et travailler avec des épidémiologistes du CNRS. Mais la crise est passée : on a eu beaucoup de patients ces six à sept dernières semaines, mais depuis une semaine et demie il n’y en a plus. 

 

 

Que faire si on ressent ces symptômes ? 

Si vraiment on constate, après avoir attrapé la dengue, une grosse baisse d’acuité visuelle ou des scotomes, et que le trouble est brutal et intense, il faut se rendre chez son généraliste qui lui contactera l’ophtalmologue. Ou le patient se présente aux urgences, mais il n’y a pas nécessité de s’y rendre à l’heure près, au milieu de la nuit par exemple. L’important est qu’ils se manifestent sans attendre trois mois ou d’avoir un rendez-vous chez l’ophtalmologue. 

 

Propos recueillis par Johanne Chung To Sang 

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