le triste sort du patrimoine archéologique maghrébin  – Jeune Afrique

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Sources de profits pour les uns, symboles à éradiquer pour les autres, les sites et objets antiques ou religieux du Maghreb disparaissent en nombre en ces temps troublés. Des pertes inestimables qui ne pourront être freinées qu’en sensibilisant les populations.


Le sujet du pillage et du trafic illicite d’objets archéologiques en provenance des pays du Maghreb fait, depuis quelques années, l’objet de reportages diffusés dans la presse locale, française et internationale. Trois approches dominent l’ensemble de la discussion.

La première voit le profit économique tiré de ce trafic comme une ressource essentielle pour alimenter les groupes armés, surtout en Libye, en raison de sa valeur, proche de ce que ces derniers obtiennent par ailleurs de la vente du pétrole extrait des puits qu’ils contrôlent.

La deuxième évoque uniquement le pillage d’objets archéologiques provenant de fouilles clandestines, sans donner d’importance réelle aux autres menaces qui pèsent sur ce patrimoine, telles que l’installation d’armements lourds sur des sites archéologiques, les combats sanglants à l’intérieur de monuments antiques et leur bombardement terrestre ou leur dynamitage.

La troisième accuse presque exclusivement l’iconoclasme salafiste.

Marché noir mondial

Profitant de l’affaiblissement de l’État en Libye, en Tunisie et dans le Sud algérien, les pilleurs ont beau jeu d’extraire, transporter et vendre ces objets archéologiques volés en toute impunité. Tous ces éléments favorisent le développement du trafic illicite des biens archéologiques, qui sont envoyés clandestinement sur le marché noir mondial, comme c’est le cas dans l’affaire Drouot.

Face à la multiplication des atteintes portées au patrimoine historique de cette région, les autorités nationales et internationales se mobilisent depuis plusieurs années pour agir contre le pillage des sites archéologiques et lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Cela a notamment conduit les autorités libyennes à fermer la plupart des musées afin de prévenir toute tentative de vol d’objets facilement transportables et de mettre à l’abri des collections entières, comme à Leptis Magna et à Sabratha. Le musée de Tripoli n’a pas connu le sort tragique du musée de Bagdad mais ses œuvres antiques les plus précieuses souffrent de plus en plus de mauvaises conditions de conservation.

Si le patrimoine archéologique maghrébin n’avait pas été victime d’importants dommages collatéraux depuis la fin de la décennie noire algérienne, les choses ont changé depuis le début des mouvements de protestation populaires de 2011. Les pillages sont devenus une pratique répandue sur les lieux de fouille.

Profanations de mausolées soufis

On peut analyser quatre points particulièrement sensibles. En premier lieu, on relève une vague d’attaques, de profanations, de saccages et d’actes de vandalisme menés par des salafistes contre plusieurs mausolées et lieux saints soufis. Ces intégristes s’opposent aux sanctuaires érigés à la mémoire de saints faisant l’objet d’une vénération populaire qui, selon eux, contrevient à l’unicité de Dieu. Il ne s’agit pas là, à proprement parler, des effets directs de l’instabilité sécuritaire dans la région, mais des conséquences d’une lutte interconfessionnelle dans un climat de tensions religieuses et d’impunité.

Ces destructions inspirent de la révolte et peut-être, à terme, de la crainte pour le patrimoine archéologique : si l’on commence à démolir les monuments soufis jugés impies, que va-t-il arriver aux monuments des époques antiques ?

Urbanisme galopant et incontrôlé

La seconde raison des destructions est liée à un urbanisme galopant et incontrôlé qui conduit nécessairement à la découverte de monuments, de tombes et d’objets qui circulent sous le manteau. On assiste alors à des destructions irréparables, notamment dans plusieurs sites archéologiques algériens et tunisiens.

Le sanctuaire d'Apollon, sur le site de Cyrène, date du VIe siècle avant Jésus Christ.

Le sanctuaire d’Apollon, sur le site de Cyrène, date du VIe siècle avant Jésus Christ. © Le sanctuaire d’Apollon, sur le site de Cyrène, en Libye, date du VIe siècle avant Jésus Christ. © NASSER NASSER/AP/SIPA.

 

Ce sont environ 200 tombeaux et caveaux ainsi qu’un tronçon de viaduc remontant au IIe siècle av. J.-C.

Parfois, on arrive trop tard, et c’est plus grave. Bien que Cyrène, une ancienne ville grecque située dans le Nord-Est de la Libye, soit inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, des fermiers ont brutalement revendiqué leur droit de propriété sur certaines zones de la nécropole antique située à la périphérie de la cité. Et n’ont pas hésité à en détruire une partie à grand renfort de pelleteuses pour y faire construire des habitations et des boutiques. Ce sont environ 200 tombeaux et caveaux ainsi qu’un tronçon de viaduc remontant au IIe siècle av. J.-C. qui ont été saccagés. Les vestiges ont été jetés dans une rivière non loin, comme de vulgaires ordures. Et dans la zone occidentale du site, une véritable attaque a été menée près du temple de Déméter, qui venait d’être restauré par une équipe de chercheurs italiens.

La troisième cause de déprédation provient bien évidemment des fouilles clandestines. La confusion ambiante est une aubaine pour les pilleurs, pour lesquels le vol d’antiquités est une source importante de revenus. En outre, durant la période de confinement, les lieux touristiques concentrant des antiquités sont abandonnés par le personnel local et par les visiteurs. Leur surveillance et leur protection n’étant plus assurées, ou étant au mieux fortement diminuées, l’accès aux objets est rendu plus facile.

De plus en plus de trous suspects apparaissent à l’intérieur de sites archéologiques isolés depuis le début de l’année 2013, nourrissant petits et grands commerces d’objets qui s’écoulent facilement à travers les frontières tuniso-algériennes et tuniso-libyennes.

Sculpture, mosaïque et monnaie d’or

En conséquence, la quatrième et dernière cause est justement le trafic d’objets d’art. Le petit commerce se développe grâce à ce climat d’impunité et grâce aux découvertes fortuites, non inventoriées auprès d’experts. Le risque majeur vient du grand commerce frauduleux, qui a ses réseaux internationaux et ses circuits de vente. Les objets concernés sont de plus grande taille et d’une valeur marchande nettement supérieure, comme la sculpture, la mosaïque, les monnaies d’or et d’argent ou la céramique.

Dans une bonne partie des pays maghrébins, et surtout en Libye, l’affaiblissement de l’État central et l’absence d’institutions de contrôle sur une bonne partie du territoire rendent l’avenir des biens archéologiques très incertain. Il est capital de faire évoluer les mentalités et les comportements en essayant d’accéder à tous les publics pour les sensibiliser à leur patrimoine. Mais pour l’instant, cette stratégie attend que le calme revienne dans la région, un apaisement qui conditionne notamment le retour des missions archéologiques et de la coopération internationale en matière de mise en valeur de ce patrimoine historique toujours en danger.

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