« Distanciation diplomatique » – Jeune Afrique

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Si cette formule a fait son apparition avec le début de la crise sanitaire pour décrire le coup de froid diplomatique entre les deux pays, elle devient de plus en plus appropriée avec les dernières initiatives de l’ambassadrice à Rabat, Hélène Le Gal.


Tweet maladroit ou post intentionné ? Quoi qu’il en soit, Hélène Le Gal, ambassadeur de France à Rabat depuis 2019, a mis dans l’embarras Chakib Benmoussa, son homologue marocain à Paris, en le remerciant sur les réseaux sociaux le 6 juin de lui avoir fait « un point d’étape » sur le travail de la Commission spéciale pour le nouveau modèle de développement (CSMD) — dont il est président. « Point d’étape laisse entendre qu’il y a une sorte de reddition de comptes. Et dans ce cas, c’est une atteinte à la souveraineté du royaume, d’autant qu’il s’agit du rapport le plus attendu du pays dont personne n’est censé connaître le contenu avant le roi Mohammed VI », analyse ce professeur de relations internationales, sous couvert d’anonymat.

Survenue au lendemain de la décision du roi Mohammed VI de rallonger la mission de six mois supplémentaires de la CSMD, la déclaration d’Hélène Le Gal a donné lieu à des débats enflammés sur Twitter, les internautes marocains allant parfois jusqu’à accuser le président de la commission « d’allégeance envers la France » — où il est aussi ambassadeur du royaume.

Avant l’ambassade de France, la Commission a échangé autour de sa démarche avec d’autres représentations diplomatiques »

Contacté par Jeune Afrique, Chakib Benmoussa remet les pendules à l’heure. « Le timing de cet entretien avec l’ambassadrice de France au Maroc est une pure coïncidence. Avant elle, la Commission a échangé autour de sa démarche avec d’autres représentations diplomatiques, notamment celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne entre fin avril et début mai. Car cette approche inédite du royaume de réfléchir à un nouveau modèle de développement suscite forcément l’intérêt de plusieurs de nos partenaires », souligne-t-il.

De son côté, Hélène Le Gal, que Jeune Afrique a tenté de joindre, a fait savoir qu’elle ne commentait pas les réactions d’internautes.

Us et coutumes diplomatiques

Chakib Benmoussa n’a pas souhaité émettre de commentaires sur les termes du tweet de l’ambassadrice Le Gal. Celle-ci, il est vrai, n’en est pas à sa première sortie de route sur les réseaux sociaux. En pleine crise sanitaire, la diplomate française avait eu déjà droit aux sarcasmes de la twittosphère marocaine, à la suite d’un post où elle s’est félicité d’avoir offert « 50 thermomètres » à la Protection civile du royaume.

Son dernier tweet au sujet de la CSMD confirme au moins sa méconnaissance des us diplomatiques

Même quand elle s’exprime dans les colonnes d’un magazine, la diplomate fait fi des figures « imposées » pour ce genre de sorties médiatiques officielles. Ainsi, dans une interview accordée au mensuel « Économie & Entreprises » en avril dernier, elle n’a à aucun moment cité le nom des chefs d’États des deux pays.

Par ailleurs, dans ce même article, l’ambassadrice décrit les relations entre les deux pays comme « fluides » et « denses », des qualificatifs un cran en dessous des rapports « chaleureux », « cordiaux », voire « privilégiés » que les diplomates aguerris des deux bords utilisent habituellement.

« Son dernier tweet au sujet de la CSMD confirme au moins sa méconnaissance des us diplomatiques, nous explique un ancien ambassadeur. Quand ce genre d’échanges a lieu, les deux parties conviennent de la manière de communiquer à ce sujet. Et si l’une des parties décide de communiquer seule, les usages veulent qu’elle implique l’autre au minimum. »

L'ambassadrice de France au Maroc, Hélène Le Gal.

L’ambassadrice de France au Maroc, Hélène Le Gal. © © Nicolas Liponne/NurPhoto/AFP

Les initiatives de l’ambassadrice ont même failli donner lieu à un incident diplomatique entre les deux pays. « Récemment, elle a envisagé de recruter Omar Brouksy (un franco-marocain connu pour ses livres à charge contre la monarchie, ndlr) comme responsable de l’ambassade auprès de la société civile marocaine, explique un proche du département des Affaires étrangères. Heureusement, elle s’est vite ravisée. »

Même les conditions de nomination d’Hélène Le Gal — qui a présenté ses lettres de créance — en septembre ont créé un précédent entre le Maroc et la France. « Pour la première fois, la France a demandé au Maroc s’il n’avait aucune objection sur le nom d’Hélène Le Gal, alors en poste à Israël, après avoir été la conseillère Afrique de François Hollande. Il est vrai qu’elle n’avait jamais caché sa sensibilité socialiste », précise notre source.

Des tensions perceptibles

Ces péripéties de l’ambassadrice au royaume interviennent alors que des tensions sont perceptibles sur l’axe Rabat – Paris depuis plusieurs mois. En février dernier, Emmanuel Macron avait reporté sine die une visite officielle qui était programmée au royaume. Et au début de la crise sanitaire, le président avait agacé les internautes du royaume pour avoir enjoint aux autorités marocaines de « veiller à ce que tout le nécessaire soit fait au plus vite » pour le rapatriement des touristes français restés bloqués au royaume.

Macron a pris attache récemment avec les présidents algériens et tunisiens pour discuter du dossier libyen, en ignorant le Maroc

Et, tout récemment, Emmanuel Macron a pris attache avec les présidents algériens et tunisiens pour discuter du dossier libyen, en ignorant le Maroc qui a pourtant été un des facilitateurs pour ce dossier à travers notamment l’accord de Skhirate.

Cet agacement apparent vis-à-vis du royaume  au sein de l’administration Macron semble s’être accentué davantage quand les adversaires politiques de La République en Marche ont récupéré l’exemple marocain dans la gestion de la crise sanitaire du Coronavirus pour pointer les défaillances du gouvernement français.

Certes, dans les cercles diplomatiques officiels, on continue de vanter le partenariat entre les deux pays. « Les relations entre le Maroc et la France sont à l’image d’un vieux couple soudé, explique un professeur de relations internationales. Ils peuvent se disputer violemment, se faire des infidélités ou des coups bas, mais ils restent inséparables car dépendant l’un de l’autre. »

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