Aux Etats-Unis, les Blancs sont majoritairement tués par d’autres Blancs

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A l’heure où la vague d’indignation et de manifestations se poursuit aux Etats-Unis à la suite de la mort d’un homme afro-américain, George Floyd, lors d’une intervention policière brutale à Minneapolis (Minnesota), les réseaux d’extrême droite tentent de diffuser l’idée qu’aux Etats-Unis les Blancs sont davantage victimes des Noirs que l’inverse. Pour cela, ils détournent des statistiques officielles.

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Ce que disent les publications

La même idée revient sous différentes formes : les vraies victimes de la violence seraient les Blancs. C’est ce qu’a ainsi affirmé le polémiste Eric Zemmour, lundi 1er juin sur CNews, lors de l’émission « Face à l’info » :

« Les Noirs sont tués d’abord par des Noirs, à 97 %. Puis, on peut voir que (…) les Blancs ont deux fois plus de chances d’être tués que des Noirs : il y a à peu près 8 000 morts blancs par an et 4 000 Noirs et, sur ces 8 000 Blancs, 80 % sont tués par des Noirs, alors que les Noirs, eux, sont essentiellement tués par des Noirs. »

Le passage, extrait par le militant d’extrême droite Damien Rieu, a été partagé plusieurs milliers de fois sur Twitter.

D’autres font circuler un graphique baptisé « Interracial Violent Crime Incidents 2018 » (« Les crimes violents interraciaux en 2018 »). Celui-ci souligne la disproportion entre le nombre élevé de Blancs victimes d’agression par des Noirs ou par des Hispaniques (respectivement 547 948 et 365 299 cas) d’un côté, et les 59 778 cas de Noirs agressés par des Blancs, de l’autre. L’image raille le silence des médias pour les premiers, et leur indignation pour les seconds.

Pourquoi les chiffres d’Eric Zemmour sont faux

Comme le relève l’AFP, Eric Zemmour reprend à son compte des chiffres agités par Donald Trump en 2015. Or, ceux-ci étaient en partie faux. Selon les données du FBI portant sur les homicides recensés en 2014, dans les cas d’homicides de Blanc, les auteurs sont noirs dans 14,8 % des cas, et non 80 %.

En 2018, dernière année pour lesquelles les statistiques du FBI sont disponibles, la proportion monte à 15,5 %, toujours très loin des quatre cinquièmes évoqués par le polémiste d’extrême droite.

Quant à la proportion d’homicides intracommunautaires chez les Noirs, elle est effectivement très élevée, mais se situe à 88,9 %, non à 97 %. Une forte mortalité intracommunautaire que Cécile Coquet-Mokoko, professeure de civilisation américaine à l’université de Versailles-Saint-Quentin, attribue aux gangs. « Ils ont une place importante dans les ghettos pauvres, là où le trafic de drogue est vu comme le seul moyen d’arrondir ses fins de mois. »

Autre élément notable des chiffres du FBI : le nombre d’homicides de Noirs est presque aussi élevé que celui des Blancs, alors que les Noirs ne représentent que 13,4 % de la population, contre 76,5 % pour les Blancs. Comme le remarque l’AFP, les Noirs ont près de sept fois plus de risque d’être tués que les Blancs aux Etats-Unis.

Les chiffres d’homicides du FBI doivent, par ailleurs, être pris avec certaines pincettes, le système institutionnel américain défavorisant statistiquement les populations pauvres. C’est le cas, par exemple, des castle laws ou stand grand laws, des lois fédérales d’autodéfense, qui permettent de requalifier en légitime défense un homicide en cas d’infraction au domicile.

A l’inverse, les prévenus issus des minorités pauvres sont poussés par les avocats commis d’office à plaider coupable dans les affaires d’homicide dans l’espoir d’obtenir une remise de peine. Notamment quand, en raison d’antécédents judiciaires, le jury populaire semble ne pas pouvoir être convaincu de leur innocence. « C’est un cercle vicieux », épingle Cécile Coquet-Mokoko.

Pourquoi ce graphique est une « escroquerie intellectuelle »

Contrairement aux allégations de M. Zemmour, le graphique qui circule sur les réseaux sociaux s’appuie sur des chiffres corrects. Ces données sont tirées d’un rapport publié en septembre 2019 par le bureau des statistiques judiciaires du ministère américain de la défense. Rédigé par deux statisticiennes, Rachel E. Morgan et Barbara A. Oudekerk, il porte sur l’analyse des plaintes déposées sur l’année 2018 pour les faits de violence, qu’il s’agisse de coups et blessures, d’effractions, ou encore de violences sexuelles.

Qu’en est-il des violences interraciales, sur lequel se concentre le graphique ? Ses chiffres sont corrects : 547 948 plaintes ont été déposées par une victime blanche contre un agresseur qu’elle a identifié comme noir, contre 59 778 plaintes − près de dix fois moins − émanant d’une victime noire contre un présumé agresseur blanc.

Mais le graphique s’affranchit d’une des règles de méthodologie de base : il extrapole des données en valeur absolue à partir d’un tableau des statistiques de la couleur des agresseurs et des agressés exprimées en pourcentage.

En l’occurrence, la démographie américaine n’est pas composée à parts égales de Blancs, de Noirs, d’Hispaniques et d’Asiatiques, et les comparer en valeur absolue n’a aucun sens, alerte Laurent Mucchielli, directeur de recherche en sociologie au CNRS, spécialiste de la sociologie de la délinquance :

« Si vous prenez un groupe de 100 personnes qui ont les cheveux blancs et que 10 d’entre elles ont des poux, ça fait 10 %. Et si vous prenez un groupe de 1 000 personnes qui ont les cheveux noirs et que 100 d’entre elles ont des poux, ça fait toujours 10 %. Il y a donc autant de poux dans les cheveux noirs que les cheveux blancs. Mais si vous dites qu’il n’y a que 10 cheveux blancs qui ont des poux alors qu’il y en a 100 chez les cheveux noirs, ça n’a pas de sens puisque vous comparez deux populations dont le nombre est totalement différent. C’est une escroquerie intellectuelle utilisée parce que vous voulez démontrer qu’il y a plus de poux dans les cheveux noirs que dans les cheveux blancs. »

Si avec 3,5 millions de plaintes déposées, la population blanche apparaît comme la plus victime d’actes violents, c’est parce qu’elle est la population la plus nombreuse du pays. Mais le pourcentage de dépôt de plainte par des Blancs (66 %) ou des Noirs (11 %) correspond, en effet, de manière presque parfaite à leur poids dans la démographie des Etats-Unis.

Le tableau réalisé par le bureau des statistiques judiciaires américaines ne dit à aucun moment que les Blancs sont davantage victimes de violences interraciales. « L’article montre avant tout ce qui est connu depuis plus de soixante-dix ans, à savoir que les crimes sont avant tout intraraciaux (et non interraciaux) : 62 % des agresseurs supposés de Blancs étaient eux-mêmes des Blancs, 70 % des agresseurs supposés de Noirs étaient eux-mêmes noirs. La différence entre Black sur White et White sur Black n’est pas très importante (10,6 versus 15,3) », analyse Laurent Mucchielli. Les autrices de l’étude soulignent, par ailleurs, que seulement 43 % des actes de violence font l’objet d’un dépôt de plainte.

Enfin, la rhétorique d’extrême droite ici employée ne répond pas à la problématique soulevée par le mouvement Black Lives Matter, qui est celui des violences policières et du racisme d’Etat. Comme le montre une vaste étude du Washington Post sur les violences policières, les Noirs ont deux fois plus de risques d’être tués par la police que les Blancs.

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